Le monde de Marie. Au Canada, un billet de banque à l'effigie d'une héroïne de la lutte contre la ségrégation
Tous les jours, Marie Colmant revient sur un sujet passé (presque) inaperçu. Jeudi, une femme noire a les honneurs d'un billet de 20 dollars au Canada. Une femme qui au milieu du siècle a été victime de ségrégation raciale.
Elle sera la première femme à figurer sur un billet de banque canadien. Mais il y a mieux, Viola Desmond, c’est son nom, est une héroïne méconnue. Et elle est noire. Pour faire court, on dira de Viola Desmond qu’elle est la Rosa Parks canadienne. A cette nuance près, le combat de Viola Desmond a commencé dix avant que Rosa Parks ne refuse de céder sa place à un Blanc dans un bus de l’Alabama. Celui de Viola Desmond débute en 1946. A 32 ans, elle est déjà la patronne et fondatrice d’une marque de produits de beauté destinée aux femmes noires. On précise d’ailleurs, qu’elle en a un peu bavé des ronds de chapeaux pour suivre une formation dans les métiers de la cosmétique, qu’on lui refusa au Canada en raison de la couleur de sa peau. Finalement, ce sera New York. Elle rentre au Canada, pour lancer son affaire et voyage de villes en villes pour vendre ses produits. Un soir, sa voiture tombe en panne à New Glasgow. "Pas grave, se dit-elle, en attendant, je vais aller au cinéma."
Le siège choisi était réservé aux Blancs
Elle prend un ticket, pénètre dans la salle et comme elle a une mauvaise vue, elle s’installe dans un fauteuil d’orchestre. Très vite, une ouvreuse lui intime l’ordre de partir, en vertu d’une loi non écrite qui veut que l’orchestre soit réservé aux spectateurs blancs et le balcon aux Noirs. Car, on le découvre à cet instant, il y avait de la ségrégation au Canada. Viola Desmond refuse et est virée manu militari du cinéma. Puis arrêtée et incarcérée. Et jugée quelques jours plus tard, pour…fraude fiscale, car en s’installant à l’orchestre, elle n’avait pas payé le supplément qui montait quand même à un cent. Puis condamnée. Ecoeurée, Viola Desmond ferme son entreprise et se retire à New York où elle meurt à 50 ans en 1965.
Son histoire ne s’arrête pas là. Grâce à sa sœur, qui ne lâche pas l’affaire et qui amène en 2010, au pardon officiel de Viola Desmond et aux excuses du gouverneur de la province. En 2012, elle devient la nouvelle effigie d’un timbre ; aujourd’hui avec le billet de 10 dollars, elle devient aussi la première citoyenne canadienne à connaître cet honneur jusqu’ici réservé aux membres de la famille royale. Aux États-Unis, en revanche, c’est décidé, ce sera bien un ancien président blanc, esclavagiste qui sera la nouvelle effigie des billets de 20 dollars.
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