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Un ancien gendarme du GIGN combat le harcèlement scolaire dans un livre : "les parents pourront peut-être identifier un enfant harceleur"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 3 octobre : le comédien et ancien membre du GIGN, Philippe B. alias ATON. Il publie, un livre qu’il a coécrit avec Jean-Luc Riva, un ancien militaire, "Se préparer au pire !" aux Éditions Albin Michel.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Philippe B. alias ATON, comédien et ancien membre du GIGN. (franceinfo)

Philippe B. alias ATON est aujourd'hui comédien et auteur. Il n'y a pas si longtemps, il était un membre du GIGN. Gendarme d'élite, ses 15 ans de bons et loyaux services, ainsi que des faits d'armes, lui ont valu la Légion d'honneur. 

C'est en regardant la télévision, en 1994, alors qu'il n'a que 16 ans, que sa vie a basculé avec l'assaut du GIGN qui tentait de déjouer la prise d'otages dans un avion à l'aéroport de Marignane. Son adolescence a aussi été marquée par des camarades qui n'étaient pas tendres avec lui. Il a vécu le harcèlement scolaire, avec cette envie de devenir autre chose, de devenir une terreur pour pouvoir se défendre, puisque l'institution ne répondait pas à ses signalements.

Avec Jean-Luc Riva, ancien militaire qui a passé 25 ans à l'étranger dans les renseignements, il publie aujourd'hui même Se préparer au pire ! aux Éditions Albin Michel.

franceinfo : Se préparer au pire ! fait peur et quand on ouvre cet ouvrage, on comprend le sous-titre Faire face à la violence, vous proposez des alternatives si on est confronté à des situations dramatiques. Pourquoi ce livre ?

ATON : C'est venu en tant que témoin de toutes les violences qu'on peut voir au quotidien, je fais référence à mon passé, à mon vécu, à mon expérience, où j'ai réussi à trouver quelques solutions. Alors parfois elles conviennent, parfois elles nécessitent un peu de travail, un peu d'entraînement. Mais en fait, quand on s'y met, quand on s'intéresse au sujet, qu'on n'est pas seulement attentiste vis-à-vis du gouvernement, vis-à-vis de la police, eh bien on peut, individuellement ou collectivement, prendre un certain nombre de mesures qui peuvent effectivement nous protéger. Au vu de l'actualité, on est surchargé de violences, on s'est donc dit avec Jean-Luc Riva, qu'il fallait qu'on fasse ce livre.

Vous y parlez du harcèlement qui est devenu un véritable fléau. Il y a peu, le jeune Nicolas s'est suicidé à Poissy, victime du harcèlement scolaire. Une énorme polémique vient d'être déclenchée à la suite de la publication d'une lettre envoyée par le rectorat de Versailles aux parents de Nicolas avant qu'il mette fin à ses jours. De plus en plus et depuis très longtemps, on encourage les jeunes à parler. Mais on a le sentiment que rien ne se passe en face et que parler devient quelque chose de malsain. C'est le sentiment qu'ils ont ?

Oui, parce qu'il n'y a pas d'écoute. Une lettre, ce n'est pas une réponse à un enfant harcelé. L'humain est où là-dedans ? Dans le livre, on a décidé de traiter le harcèlement scolaire du point de vue du harceleur. Les parents qui liront ce livre pourront peut-être identifier un enfant harceleur et dire : Bah mon fils, je pensais qu'il avait du caractère, il ne se laisse pas faire. Non, en fait, il va plus loin que ça, c'est que son caractère, il le fait subir aux autres. Et peut-être même que cet enfant, s'il est harceleur, c'est peut-être qu'il n'est pas bien non plus dans sa peau.

"On essaie de trouver l'origine du mal. Si on ne traite que les harcelés, sans traiter les harceleurs, je pense qu'on fait fausse route."

ATON

à franceinfo

Vous-même, vous avez été touché par le harcèlement scolaire quand vous étiez enfant.

Oui, très jeune. J'étais fils unique, un peu naïf, très attiré par les autres forcément. Quand j'étais seul le soir, je n'avais qu'une envie, c'était de retourner à l'école le lendemain pour retrouver les camarades. J'avais un comportement qui pouvait prêter à la moquerie et ça m'a suivi à l'école primaire. J'ai eu honte de l'expliquer à mon père, c'est pour ça que je comprends que beaucoup n'en parlent pas et en viennent même à se suicider. Moi je n'en étais pas à penser au suicide, mais c'était vraiment extrêmement dur. 

"J'assimilais ça à une lapidation et en fait, chacun va jeter sa pierre. C'est la succession de toutes ces petites pierres qui, à un moment donné, va créer des grosses blessures et des grosses failles."

ATON

à franceinfo

Quand on est seul le soir dans son lit, on se dit : Je suis faible, et c'est vrai qu'on en vient à se poser des questions sur son utilité, sur ce qu'on peut faire dans ce monde et est-ce qu'on va pouvoir y grandir, y évoluer ? Mon père m'a orienté assez jeune vers les films américains, vers les héros qu'étaient Stallone, Schwarzenegger et Jean-Claude Vandamme, et j'y ai trouvé en fait un refuge. Et pour moi, quand on était fort physiquement, qu'on était musclé, cela créait déjà une carapace pour encaisser les coups et en plus de ça, ça pouvait faire peur aux autres. Je le faisais exprès pour vraiment que la peur change de camp. Et ça a marché.

Vous avez eu envie de vous en sortir et il y a eu un déclic. C'est l'assaut lancé par le GIGN à Marignane. Ça a été une porte ouverte sur une possibilité, un avenir meilleur, un avenir qui vous convenait plus ?

Ah oui, pour moi, il fallait canaliser un peu cette violence, ce sentiment d'injustice qui me poussait parfois à être violent. Et c'est vrai qu'avec le GIGN, je trouvais que la cause était noble.

"Je trouvais que le GIGN combattait l'injustice, la violence et pour moi, ça a vraiment suscité une vocation et un sentiment d'utilité. C'était vraiment pour la population. J'avais trouvé ma place."

ATON

à franceinfo

En 2015, lors des attentats de "Charlie Hebdo", vous étiez sur le terrain, avec pour mission celle de neutraliser les deux terroristes responsables de la tuerie, les frères Kouachi. Vous avez reçu la Légion d'honneur pour saluer l'ensemble de votre carrière et puis vous avez quitté le GIGN. Ça vous manque ?

Non, je n'ai pas vraiment de manque. J'ai une nostalgie de certains moments parfois. C'est l'esprit de camaraderie, quand on était à la salle de sport, qu'on se réunissait, qu'on se chambrait les uns les autres. C'est cet esprit de compétition saine. Je n'ai pas senti ça dans le civil. En tous cas, pas pour l'instant, mais je suis encore un jeune civil !

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