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Théâtre : "Ça m'intéressait beaucoup de traiter du paraître, du regard à soi face au miroir", raconte Mathilda May, auteure et metteure en scène de la pièce "Make up"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’actrice, auteure et metteure en scène, Mathilda May. Ce jeudi 6 octobre, elle est de retour en tant qu'auteure et metteure en scène de la pièce "Make up" au Théâtre Marigny.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
L'actrice, auteure et metteure en scène, Mathilda May, en avril 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Mathilda May est multi-casquettes, actrice et metteure en scène incontournable du cinéma et du théâtre. Ce sont les ballerines et l'Opéra qui l'ont d'abord attirée puis le cinéma avec un casting qui fera tout basculer avec le film Nemo d'Arnaud Sélignac en 1984. Ensuite, il va y avoir Claude Chabrol dans Le Cri du hibou (1987), Jacques Demy avec Yves Montand comme partenaire dans Trois places pour le 26 en 1988, Toutes peines confondues de Michel Deville avec Patrick Bruel. Aussi un rôle du côté américain dans le film Le chacal de Michael Caton-Jones avec Richard Gere et Bruce Willis.

Et puis il y a eu un tournant avec la pièce dont elle est l'auteure et metteure en scène : Open Space en 2013. En 2018, suivra Le banquet, une pièce couronnée du Molière du meilleur metteur en scène dans un spectacle du théâtre public. Depuis, il y a eu Monsieur X avec Pierre Richard (2019), qui lui a permis d'asseoir définitivement cette casquette qui lui sied à ravir. Ce jeudi 6 octobre 2022, Mathilda May est de retour en tant qu'auteure et metteure en scène de la pièce Make up au Théâtre Marigny, jusqu’au 30 décembre 2022.

franceinfo : Votre nouvelle pièce, Make up, démarre aujourd'hui. Un peu stressée ou pas ?

Mathilda May : Totalement. J'ai la pression parce que j'estime que l'endroit scénique, le théâtre, est un lieu sacré où on se doit, si les gens se donnent la peine d'acheter un billet, de venir, de se déplacer... C'est tout un cérémonial pour moi qui mérite que vraiment on se donne énormément de peine. C'est vrai que j'ai un langage qui est particulier. C'est un théâtre sans parole et donc ce sont à chaque fois des défis techniques, des top-sons, des effets spéciaux. Avec ces histoires sans parole, je travaille énormément sur la lisibilité, sur l'expressivité du corps, du geste et tout. Donc j'ai très peur à chaque fois.

On ne vous a jamais autant senti bien dans vos baskets que depuis que vous avez décidé d'être auteure et metteure en scène.

Je mets en scène des spectacles avec ce langage qu’est le mien, ce rapport au corps. Toutes mes années de danse, de comédie deviennent vraiment plus qu'utiles et il y a aussi la musicalité, la musique est omniprésente et est mon socle de vie.

Toutes ces disciplines que j'ai traversées, toutes ces vies finalement, toutes ces passions se réunissent dans les spectacles que je conçois.

Mathilda May

à franceinfo

Vous ouvrez peu les portes, vous gardez le secret, loin de ce qui vous a un peu chahuté en tant qu'actrice...

Oui, j'ai beaucoup observé parce que je suis une ancienne timide. Et ce que j'aime faire à travers mes spectacles, c'est donner aux spectateurs la possibilité d'observer avec autant d'acuité qui était la mienne d'ancienne timide. Je trouve que c'est intéressant d'enlever les mots pour cette raison.

Comment avez-vous fait pour rester debout ? Puisque vous disiez que vous étiez timide. On sentait d'ailleurs que vous étiez à fleur de peau, on le ressent encore dans votre écriture et votre façon de mettre en scène.

En ce qui me concerne, je veux être très franche, c'est la psychanalyse. C'est vraiment très compliqué d'être dans une attente, dans le statut d'acteur et c'est de ça dont je parle aussi dans cette pièce, le statut d'actrice notamment. Une actrice classique qui franchit... On sait très bien qu'il y a le tunnel des femmes de 50 ans qui disparaissent de l'image. Alors il y en a quatre ou cinq qui sont toujours présentes à l'image, qui sont un peu l'arbre qui cache la forêt. Ça, je le dis toujours, mais je le redis, ce n'est pas grave : qui sont les partenaires des acteurs de 50, 60 ans comme Vincent Lindon ? Ce sont souvent des femmes qui ont 30 ans, 35 ans.

J'ai l'impression que ce qui vous a offert ce déclic, c'est la pièce Plus si affinités avec Pascal Légitimus (2008-2010). Il s'est vraiment passé quelque chose avec cette pièce, dans la façon même de jouer, mais surtout dans l'écriture. J'ai l'impression que vous avez découvert votre sensibilité.

C'est vrai que dans nos sociétés, la sensibilité est souvent perçue comme une faiblesse.

Mathilda May

à franceinfo

La sensibilité est une force quand on arrive à en faire quelque chose. Cette sensibilité, ça donne une acuité, un regard plus pointu, plus aiguisé sur les autres. Mais moi, comme actrice, j'étais un peu démunie. Je manquais de matière pour me développer finalement.

Pourtant, vous avez tourné avec Chabrol, avec Demy !

Oui, ça, c'était une bonne période, mais après, ça s'est gâté un peu quand même. Avec l'âge qui avançait, les propositions étaient de moins en moins intéressantes. Alors bon, moi, j'essaye dans les personnages que j'écris justement de trouver des coups de théâtre à l'intérieur même du développement du personnage.

Il y a un côté circassien aussi dans ce que vous mettez en place, du coup, par le biais du langage du corps, clown triste aussi. Il y a tout un symbole d'ailleurs, Make up, c'est-à-dire "fait tomber le maquillage". C'est sans fard. C'était toute cette symbolique-là qui vous intéressait à travers ce spectacle ?

Oui, ça m'intéressait beaucoup de traiter du paraître, du regard à soi face au miroir. Dans ma pièce, dans le car-loge, le miroir est face public, donc il se regarde et le public est comme derrière le miroir. Ça m'intéresse beaucoup, ce regard à soi, être confronté à sa propre image, on l'est tous. Et dans ce rapport à soi, ce qu'on essaye de faire passer entre ce qu'on veut dire de nous, et puis finalement ce qu'on est vraiment. Enfin, il y a tout ça qui m'intéresse, bien sûr.

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