Sara Giraudeau : "Quand on est un enfant de la balle, on est toujours un peu en train de s'excuser"
Sara Giraudeau est de cette veine d'actrice simple, humble et habitée, passionnée par ce que le jeu peut offrir finalement à celle ou celui qui l'incarne et à celles et ceux qui le découvrent et les vivent. En 2007, La Valse des pingouins et son rôle lui ont valu de recevoir le Molière de la révélation théâtrale. En 2018, son rôle de vétérinaire dans le film Petit Paysan d’Hubert Charuel a été salué par le César de la meilleure actrice dans un second rôle.
À partir du 23 janvier prochain jusqu'au 20 avril, elle sera sur scène au Théâtre du Petit Saint-Martin, à Paris, aux côtés de Patrick D'Assumçao dans la pièce Le syndrome de l'oiseau. Elle joue Ève, une jeune femme séquestrée depuis toujours. Un oiseau privé du monde et de liberté. Son interprétation est fascinante et lui a d'ailleurs permis d'obtenir le Molière de la meilleure comédienne en 2023. Le Graal qui lui manquait !
franceinfo : Le syndrome de l'oiseau fait penser inévitablement à des affaires violentes comme celle de Natascha Kampusch. On comprend d'ailleurs à quel point ce rôle ne va pas vous laisser indifférente.
Sara Giraudeau : Non, il ne m'a pas laissée indifférente à la lecture. Cet oiseau blessé à qui on a coupé les ailes et qui va développer des facultés incroyables. On se rend compte dans les enfermements très longs ce que le cerveau est capable de développer comme arme, à travers l'art, la maternité. Il va quand même lui faire un enfant et donc elle va devenir maman. Je pense que c'est aussi ce qui va la sauver. Donc oui, ce sont des sujets qui me tenaient à cœur. Comment l'humain est capable, inconsciemment, de développer des armes incroyables pour survivre.
Vous avez toujours été libre. C'est le sentiment qu'on éprouve quand on regarde un peu votre parcours. Effectivement, enfant de la balle entre votre mère Anny Duperey et votre papa, Bernard Giraudeau. Ça a été une évidence pour vous dès le départ ou pas, de monter sur scène, d'être actrice ?
Non, non, ça n'a pas été évident parce que je pense que j'ai été très brouillée pendant toute la période d'adolescence qui n'a pas été facile. C'est à travers mon adolescence que j'ai découvert à quel point c'était un âge de métamorphoses, de recherches intenses et que les choses n'étaient pas claires pour moi. Ce qui était clair, c'est que j'avais besoin de quitter cette première vie qui était l'école, qui pour moi, était une absence de liberté et que j'avais un tel besoin de trouver ma liberté que quelque part, je l'ai beaucoup cherchée, je l'ai beaucoup fantasmée.
"Comme le théâtre, le jeu était beaucoup dans ma vie quotidienne, ça ne m'est pas apparu tout de suite comme un métier, mais c'est rentré dans mes veines vraiment de manière très profonde. Petit à petit."
Sara Giraudeau, comédienneà franceinfo
Il y a eu plusieurs tournants dans votre vie. L'un des tournants majeurs, c'est La valse des pingouins, avec effectivement une espèce d'éclairage sur vous, ce Molière, le prix Raimu etc. Comment avez-vous vécu cette reconnaissance de la part du public et de la critique ?
J'étais très surprise. Déjà quand on est un enfant de la balle, on est toujours un peu en train de s'excuser. J'en rencontre d'autres aussi autour de moi, c'est mignon. Je retrouve souvent un petit peu ce trait de personnalité où quelque part, comme on ne se sent pas forcément légitime, alors qu'on a l'âge et qu’on a pris des cours et qu’on est un peu comme les autres finalement. Moi, jeune, j'étais un peu tout le temps en train de m'excuser d'être là et donc j'étais d'autant plus surprise d'avoir le Molière parce que voilà, j'avais tendance à me faire toute petite.
"Ce Molière pour ‘La valse des pingouins’ a été un beau cadeau qui m’a permis de me dire : 'Bon, je ne vole pas ma place’."
Sara Giraudeauà franceinfo
Que gardez-vous de vos parents ? Que vous ont-ils transmis ?
J'ai un mélange de feu et d'eau chez moi et j'ai l'impression que mes parents c'étaient le feu et l'eau ! Alors, les chiens ne font pas des chats, mais il y a quand même des mélanges intéressants. Et je pense que mon père m'a livré le feu et l'exigence qu'il y a dans le feu aussi. Ce n'est pas seulement que ça part dans tous les sens… Ça crépite tout le temps... Donc, là, avec la mise en scène, c'est assez impressionnant quand même et mon ami Renaud Meyer me disait : "Mais ça ne s'arrête jamais ?" Mais non, les natures de feu ne s'arrêtent jamais, elles sont tout le temps en train de crépiter, à avoir plein d'idées ! Mais il faut l'eau pour un petit peu tempérer. Un petit peu de désinvolture au milieu de cette exigence qui peut, à un moment donné, vous abîmer, vous détruire.
Est-ce que l'enfant que vous étiez, qui a eu du mal à se trouver même pendant l'adolescence, est heureux de la personnalité que vous avez aujourd'hui et de ce parcours aussi ?
Sincèrement, oui. Je pense qu'il faut apprendre à dire qu'on est assez bien en nous-mêmes. Après, c'était comme si c'était un enfant qui avait eu cette liberté, qui n'arrivait pas à éclore et que c'est ce métier et mes enfants qui ont réussi à faire émerger la femme que je suis maintenant. Après, on a tous des défauts, mais je pense que dans le monde dans lequel on vit, où on peut se perdre très facilement, je fais très attention à la jeunesse, à nos adolescents d'aujourd'hui justement, qui ont un monde pas facile pour se trouver et être serein avec eux-mêmes et le monde qui nous entoure. Pour l'instant, je suis plutôt heureuse de rester qui je suis.
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