"Royan - La professeure de français" : Nicole Garcia pour la première fois seule en scène
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et réalisatrice Nicole Garcia. Seule sur la scène du Théâtre de la ville, Espace Cardin, elle joue le monologue écrit par Marie Ndiaye : "Royan - La professeure de français".
Actrice, réalisatrice, scénariste, c'est son rôle dans le film Que la fête commence, de Bertrand Tavernier (1975), qui a valu à Nicole Garcia d'être remarquée par les plus grands réalisateurs. Son personnage d'épouse trompée dans Le cavaleur de Philippe Broca, en 1978, lui a permis d'obtenir le César du meilleur second rôle féminin. Elle est devenue au fil du temps une figure majeure du cinéma français.
Nicole Garcia est actuellement sur la scène du Théâtre de la Ville, Espace Cardin, dans Royan - La professeure de français. Elle porte haut et fort le monologue que Marie Ndiaye a écrit pour elle, celui d'une enseignante qui, un soir, en rentrant chez elle, entend à l'étage les parents d'une de ses élèves qui s'est suicidée.
franceinfo : Elle reste dans le hall d'entrée, évidemment, elle n'a pas envie de discuter avec ces parents endeuillés, elle va donc engager un monologue. Elle va raconter finalement des choses très personnelles. Il y a une émotion quand on interprète un texte qui a été écrit sur mesure ?
Nicole Garcia : Je ne sais pas si c'est à cause de ça ou si c'est la magie de ce texte, mais c'est vrai que quand je l'ai reçu, c'était un peu comme un brûlot. Je ne savais pas très bien par quelles entrées il fallait le pénétrer. De soir en soir, puisqu'on l'a créé à Avignon et fait une tournée après, l'émotion surgit toujours à un endroit où je ne l'avais pas prévu.
C'est comme une partition. J'ai de l'émotion devant cette professeure de français. À la fois, on peut dire qu'il y a une sorte de crime, de non-assistance et en même temps, on va la comprendre, alors qu'elle est scandaleuse au départ, parce qu'elle va parler d'elle, de son enfance, de son histoire. Marie Ndiaye a pris des éléments biographiques, trois choses : ma blondeur, le fait que je sois née à Oran et que j'ai connu l'exil. Mais elle raconte une vie qui n'est pas du tout la mienne !
Cette pièce parle aussi du rapport qu'on peut entretenir avec ceux qui nous transmettent des choses, entre un élève et un prof. Vous avez justement eu, dans votre adolescence, une professeure de français qui vous a pris par la main, qui vous a donné envie.
Absolument. Monique Rivet, sur laquelle s'est cristallisée tout mon désir de faire du théâtre, de quitter l'Algérie. Elle proposait une féminité différente de celle qui m'entourait. C'était un autre monde qui arrivait, comme une brèche possible de ce que pouvait être une femme, dont je n'avais aucun exemple autour de moi. Elle est décédée il y a quelques mois, et je pense toujours à elle avec beaucoup d'émotion et j'aurais bien aimé qu'elle puisse voir ce spectacle, mais c'est comme ça.
La rencontre avec cette professeure, c'était en classe de troisième. Je ne sais même pas si j'ai prononcé les mots : un jour je serai actrice. C'était une simple pensée, mais elle ne m'a plus quittée jusqu'au jour où j'ai passé les concours du Conservatoire et que je suis devenue actrice. On peut dire beaucoup de choses sur le métier d'acteur. On peut dire que c'est forcer le regard des autres sur soi, un regard qu'on n'a pas eu. Quand on n'a pas beaucoup eu accès à la parole dans des familles un peu closes, dans lesquelles on est un peu bâillonné, eh bien on se dit : "Je vais m'en sortir en disant des textes".
"Ça a été la divine surprise de ma vie, une aventure prodigieuse, de découvrir un territoire que je connaissais pas, où rien ne m'avait formée, aucune école. Être actrice, de voir que ce que je racontais touchait les gens, ça faisait sens."
Nicole Garciaà franceinfo
Quand vous êtes passée derrière la caméra, on a l'impression que vous êtes allée chercher une liberté que vous n'aviez pas auparavant et que cela a même changé votre façon de jouer, votre façon de vous approprier les rôles, de les interpréter.
C'est vrai qu'il y a une sorte d'obligation de séduction quand on est acteur, actrice. Il faut être désiré, il faut qu'on vous appelle, il faut inspirer quelqu'un. J'ai l'impression que je suis bien meilleure actrice que je ne l'étais, maintenant, parce que c'est vrai qu'il y a une liberté ou quelque chose qui s'est débridée en moi, qui a jeté ces liens.
Il y a un personnage dont on n'a pas parlé dans ce monologue, c'est votre voix. Quel rapport entretenez-vous avec elle ?
C'est une question intime. Je me dis qu'elle est une de mes caractéristiques. Les gens ont l'air de beaucoup la remarquer, même parfois dans la rue, ils se retournent. Je crois que je n'ai pas commencé avec cette voix. J'ai commencé avec une voix qui était beaucoup plus aiguë et je pense que la cigarette sans filtre l'a fait tomber, peu à peu, d'une octave. Maintenant, c'est ma voix et c'est vrai qu'elle est particulière. Comme on ne se voit pas intimement, je ne m'entends pas intimement. J'entends plus les mots que je dis que le son qui les porte.
Quel regard portez-vous sur ce parcours que vous avez su faire évoluer, modifier, tout au long de votre carrière ?
C'est comme si c'était toujours la première fois. Je veux dire par là que les enjeux à remettre en place sont les mêmes : la peur, les joies... Mais en compensation de toutes ces angoisses, il est donné quelque chose qui est un éternel recommencement.
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