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Pomme et "la consolation", "un concept qu'on a tendance à oublier quand on devient adulte, mais qui est très important quand on est enfant"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteure, compositrice, interprète et musicienne, Pomme. Elle vient de rééditer son album "Consolation" augmenté de cinq titres : "(Lot 2) consolation" et est tournée dans toute la France.
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
La chanteuse Pomme à Caluire (Rhône) le 7 juillet 2022 (JOEL PHILIPPON / MAXPPP)

Pomme est auteure, compositrice, interprète, musicienne et productrice. Très vite et dès le début de sa carrière, son amour pour la liberté a rythmé ses créations et ses tournées. Elle est partie en cavale, mais en assumant ses failles pour en faire une force. Le public et la critique ont validé et applaudi, la preuve étant qu'en 2021, elle a remporté la Victoire de la musique dans la catégorie album révélation de l'année, puis celle d'interprète féminine de l'année.

Pomme vient de rééditer son album Consolation augmenté de cinq titres : (Lot 2) consolation et est tournée dans toute la France.

franceinfo : C'est quoi la consolation ? Et c'est quoi "le lot de consolation" ?

Pomme : En fait, la consolation est un concept qu'on a tendance à oublier quand on devient adulte, mais qui est très important quand on est enfant. J'ai l'impression que quand on devient adulte, c'est comme si on n'avait plus vraiment le droit d'avoir besoin de ça et qu'on devait être soi-même sa propre consolation. Quand j'ai composé ces chansons, j'étais confinée comme tout le monde et j'avais beaucoup, beaucoup de questionnements. Je me suis retrouvée un peu dans cet état, propre à l'enfance, du genre : mais je ne comprends rien, qu'est-ce qui se passe ?

Je n'étais plus du tout une enfant et je me suis rendu compte que la consolation, comme plein d'autres concepts d'ailleurs, était un peu un truc dont j'avais honte. Je me disais : mais non, il faut que je trouve des ressources à l'intérieur de moi-même. Alors, ça peut être aussi ça, la consolation. Mais en tout cas, dans l'idée, le fait d'écrire ces chansons-là, de m'adresser à des figures féminines qui m'ont inspirée, de m'adresser à des moments de mon enfance et d'avoir des petites cartes postales de celle-ci, c'était comme un moyen de boucler une espèce de boucle et de peut-être me réconcilier avec mon enfance, de consoler une partie de moi qui avait besoin de réponses.

"En fait, je me demande pourquoi je reviens toujours à cette enfance alors que c'est elle qui m'a traumatisée et qui est le berceau de toutes mes plus grandes peurs."  

Pomme

à franceinfo

Je voudrais qu'on parle de Un million. Là, pour le coup, c'est un hymne, c'est vraiment une chanson dans laquelle on est toujours dans cet effet de groupe, de partage avec le public. Vous dites que :"Pleurer, c'est sale". Ça veut dire que livrer ses émotions, c'est difficile ?

Oui, j'ai un gros problème avec ça. Malgré l'accomplissement personnel, professionnel, la maturité que j'ai gagné, les années qui passent, la vie, les expériences, j'ai toujours ce problème-là qui me suit et qui, peut-être maintenant n'est plus considéré comme un problème, mais comme un trait de personnalité. Pendant longtemps, j'ai compris, peut-être à tort, que de dire ses émotions et dire comment on se sentait, ce n'était pas forcément bien reçu, que ce n'était pas forcément facile et que tout le monde n'était pas à l'aise avec ça. En grandissant, en rencontrant des amis et des gens avec qui j'ai créé des relations, je me suis rendu compte que c'était hyper important et très sain, mais aujourd'hui, la musique, ça reste quand même toujours mon moyen le plus direct de dire les choses. Je suis incapable de dire ce que je dis dans les chansons. J'ai une espèce de pudeur par rapport aux émotions, aux miennes en tout cas et même avec celles des autres, ça peut aussi vachement me troubler.

Vous avez toujours été fan de la musique folk, de personnalités très emblématiques comme Joan Baez, Joni Mitchell. On comprend très vite l'attachement que vous pouvez avoir vis-à-vis de ces personnalités qui sont très fortes, très "incarnées". On a le sentiment que vous jouez limite votre vie à chaque fois que vous écrivez un texte !

Oui, tout le temps, tous les jours de ma vie, j'ai ce sentiment-là. D'ailleurs, c'est un problème parce que c'est beaucoup de pression.

"J'ai l'impression que je dois mettre énormément d'intentions, de cœur et d'âme dans tout ce que je fais. Il y a des limites à ça parce que c'est hyper épuisant, mais c'est vrai que je ne peux pas faire autrement que d'essayer de rendre ma position utile."

Pomme

à franceinfo

Je me dis : bon, j'ai de la chance, je parle dans des micros, les gens m'écoutent, je fais des concerts, les gens viennent. Il y a une raison à tout ça et c'est pas juste pour l'art. L'art, c'est incroyable, mais il y a aussi le fait qu'il y a plein de choses qui ne vont pas du tout dans la société et c'est vrai que je ressens une espèce de responsabilité sur mes épaules, que j'embrasse. C'est un truc que j'accepte parce que sinon ce serait compliqué. C'est vrai que je fais beaucoup de choses avec beaucoup d'intensité.

Au Québec, vous avez découvert plein de choses, notamment la liberté sexuelle. Vous chantez l'amour hétéro, lesbien. Vous regrettez qu'adolescente, vous n'ayiez pas pu vous reconnaître dans des chanteuses lesbiennes. Être artiste, c'est aussi de proposer, tendre la main, aider, raconter des choses ? En tout cas, permettre à certaines personnes de s'exprimer sur un sujet qui les touche beaucoup ?

Oui. Après, pour ma part, c'était simplement raconter ma vie, mes histoires et des choses intimes. Mais il s'avère que ce sont des histoires qui existent moins dans l'espace public et dans les médias, qui sont moins représentées. Alors forcément, ça devient quelque chose d'important pour plein de gens, ce qui est trop chouette parce que ça veut dire que là où moi j'ai peut-être manqué de représentations et d'exemples, aujourd'hui il y a beaucoup plus de femmes et d'hommes qui parlent de leur sexualité et de leur homosexualité de façon beaucoup plus libre. J'espère que ça aura un impact sur les plus jeunes personnes qui grandissent en ce moment dans notre société.

Pomme est en tournée et s’arrêtera par exemple le 16 février 2023 à Nancy, le 17 à Saint- Étienne, le 18 à Besançon, le 23 à Strasbourg, le 7 mars à Lille, le 29 à Marseille et les 3 et 4 avril à Paris.

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