Patrick Sabatier joue au "Jeu de la vérité" dans son roman "La lettre" : "J'avais envie de rassembler les pièces d'un puzzle"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’animateur et producteur d'émissions de télé, Patrick Sabatier. Il vient de publier un roman, "La lettre", aux éditions du Rocher.
Patrick Sabatier est animateur et producteur d'émissions de télé dont certaines sont même devenues cultes comme Avis de recherche (1980-1982), Porte-bonheur (1983-1986), Le Jeu de la vérité (1985-1986) ou encore Atout Cœur (1982-1984). Il vient de publier un roman, La lettre, aux éditions du Rocher. Il nous plonge au cœur d'une saga familiale à travers une quête personnelle, une quête des origines.
franceinfo : Votre ouvrage est romancé, mais la force de ce texte réside dans le vécu qu'il dégage et qui semble faire partie de l'homme que vous êtes. C'est donc un roman autobiographique ou pas ?
Patrick Sabatier : Non. Ce n'est pas du tout autobiographique, mais évidemment, il y a des piliers de vérité à partir desquels j'ai imaginé ce que je pouvais imaginer et ce qui est probable d'ailleurs, parce que je n'ai pas tout su. Et je pense que ma propre héroïne, Emma, n'a pas tout su non plus, puisqu'elle-même n'a pas pu tout me dire de ce qui lui était arrivé. Et moi, j'ai imaginé des choses et je me suis aperçu qu'au cours de sa carrière, Paul Sarran, avec qui on se ressemble, a interviewé beaucoup de gens et la personne qu'il n'a pas interviewée, c'est Emma. Évidemment, Emma, c'est quelqu'un que j'ai adoré.
Ce roman fait ressortir les yeux de votre mère. C'est l'impression qu'on a quand on parcourt cet ouvrage. Que gardez-vous d'elle ?
"Je crois que j'ai eu la chance, comme beaucoup d'ailleurs, d'avoir une mère aimante."
Patrick Sabatierà franceinfo
J'ai l'impression que nous ne nous sommes jamais quittés. Et je pense que si j'ai pu faire, et si Paul Sarran dans le livre a pu faire ce qu'il a fait, c'est parce qu'entre autres, il avait un regard bienveillant, un regard qui l'encourageait dans ses démarches.
Vos parents vous ont vraiment toujours accompagné. Cet ouvrage était aussi une façon de leur rendre hommage ? C'est une déclaration d'amour à vos parents.
Adrien et Emma ont eu d'autres enfants que moi et ça fait aussi partie du livre et du secret. Mais ils ont été, si je devais les qualifier, honnêtes, c'est-à-dire honnêtes avec leur vie, honnêtes avec leur famille, avec leurs enfants. Et surtout, ils ont voulu se conduire d'une façon discrète. Emma a été très malheureuse dès le départ puisque à sa naissance, sa mère, ma grand-mère, est morte en couches. Et elle s'est habituée au malheur pendant très longtemps en pensant que c'était comme ça la vie. Elle ne pensait pas qu'être heureuse était quelque chose de normal. Elle pensait au contraire qu'être maltraitée par son premier mari, être comme ça rejetée par la société, c'était normal. Donc quand un de ses enfants lui a dit : "Mais non, ce n'est pas normal" et qu'à la fin cet enfant, Paul Sarran lui dit : "Laisse-moi raconter ton histoire", c'est non seulement pour elle, mais pour toutes les femmes depuis de très nombreuses années, qui ont dû accepter d'être maltraitées.
Vous écrivez "La route est longue, sinueuse, jonchée de roses, d'épines et de réussites. C'est une métaphore juste de la vie". Quel regard portez-vous sur ce parcours déjà accompli ?
Si jamais Adrien et Emma pouvaient lire le livre, je pense qu'ils diraient : "Nous avons des enfants", et j'en fais partie, "honnêtes" et c'est la meilleure des choses qui puisse m'arriver.
Vous avez su apporter des émissions télé nouvelles, Avis de recherche par exemple, qui est vraiment l'un des plus gros succès que vous ayez eus. Que représente-t-elle encore aujourd'hui ?
Ce qu'il y a d'incroyable, c'est que toutes les émissions que j'ai faites étaient des émissions où j'avais besoin qu'on se retrouve. C'était très inconscient par rapport au livre. À cette époque-là, je n'étais même pas encore au courant de tout ce qui se passe dans le livre. Ça veut dire qu'inconsciemment, j'avais envie de rassembler les pièces d'un puzzle.
Le doute est plusieurs fois évoqué dans cet ouvrage. Qu'est-ce qui vous a fait douter alors ?
Justement, mes origines ! Donc quand on est face à Delon, à Ventura, à toute l'équipe d'un film de Fechner ou qu’on est dans la maison de Brigitte Bardot, c'est ce que je raconte avec Johnny à Ramatuelle, on se dit : qu'est-ce que je fais là ? Parce que les stars, ce sont elles, ce n'est pas l'animateur. Donc oui, quand on est avec Delon, face à face, à quelques minutes du Jeu de la vérité, dans la coulisse, qu'on se regarde, qu'on est à quelques centimètres l'un de l'autre, qu'il vous prend par le cou et qu'il vous dit : "On va y arriver", c'est Delon qui vous parle. Et tout d'un coup, il y a toute sa carrière qui défile en quelques secondes. Et qu'est-ce que je fais là ?
On voit avec vos yeux d'enfants à l'intérieur de cet ouvrage. Est-ce que l'enfant que vous étiez est fier de l'homme que vous êtes devenu ?
Oui. Avec les outils que j'avais, oui, ce n'était pas gagné.
"On ne pose pas les questions qu'il faut aux gens qu'on connaît trop parce que peut-être, on a aussi peur de leurs réponses."
Patrick Sabatierà franceinfo
J'ai mis beaucoup de temps parce que je n'avais pas du tout envie de le faire. Parce que trop impliqué, trop dedans. Et ma femme m'a dit : "Mais ta vie est un roman". Et tout d'un coup, le mot roman m'a déclenché. Mes proches devenaient des personnages à qui je pouvais faire jouer des rôles que j'ai imaginés. Et ça m'a donné de la distance nécessaire qui me permettait de moins m'impliquer. C'est une raison. Après l'avoir écrit, je me suis dit : je n'ai pas posé les bonnes questions à Emma et Adrien pendant longtemps, alors que je me suis permis en interview de poser des questions extrêmement intimes à des célébrités que je connais peu ou pas !
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