Patrick Chesnais incarne des jumeaux dans la pièce "Secret.s" : "C'est une cascade d'aveux tous aussi inavouables les uns que les autres !"
Patrick Chesnais a été tour à tour acteur, réalisateur, dialoguiste, scénariste et écrivain. Césarisé en 1989 pour son rôle de PDG névrosé dans La Lectrice, de Michel Deville, il a aussi reçu un Molière en 2009 pour la pièce Cochon d'Inde. Depuis, il a toujours gardé le goût du jeu et à partir du 9 février, il sera sur la scène du théâtre de la Madeleine, à Paris, dans la pièce Secret.s avec Laurent Gamelon.
franceinfo : Dans Secret.s, vous jouez deux rôles en un, le rôle de jumeaux. Ces jumeaux viennent se confier à tour de rôle à un ami et on a l'impression qu'il y a des choses qui devraient rester inavouables. Est-ce que c'est ça le principe du jeu ?
Patrick Chesnais : Oui, c'est ça, sauf que comme on est dans une comédie burlesque, la chose inavouée au départ va entraîner une cascade d'aveux tous aussi inavouables les uns que les autres. Et cela va aller vers une chose non répertoriée sur la planète Terre, au-delà du raisonnable, de la logique, et on est dans un monde de folie.
Il y a un slogan qui dit "Ne laissez jamais un ami vous confier un secret". Qu'est-ce que cela signifie ?
C'est un peu la morale de cette histoire. Dans la pièce, un des jumeaux dit : "Si le premier homme qui a fait du feu ne l'avait pas confié à un deuxième, qui lui-même ne l'avait pas répété à un troisième etc, où en serait-on ?" Voilà, c'est une belle interrogation, mais il y a aussi l'idée contraire à la fin de la pièce, qui dit : "Le premier mec qui a compris comment faire le feu a confié un secret à un ami. Qui a fait quoi ? Il l'a répété à un autre ami etc, et tu as vu où on en est ? Tu as vu l'état de la planète ?" Il y a deux morales un peu contradictoires : Est-ce qu'il faut révéler un secret ou pas ? Est-ce qu'il faut partager les choses ou au contraire, les garder pour soi ?
Vous gardez beaucoup de choses pour vous. Ça fait partie de votre personnalité ?
Je crois que je suis très pudique. Il n'y a rien à faire. On me le dit et je le remarque. Je n'ai pas envie de poser mes tripes sur la table en jetant tout.
"Même dans le jeu, quand les sentiments affleurent, ils sont beaucoup plus forts que quand ils sont jetés."
Patrick Chesnaisà franceinfo
C'est comme les litotes, on en dit moins pour faire sentir plus. Je crois qu'il y a un peu de ça. C'est ça que j'aime bien en tout cas.
Quand on vous voit sur scène, ce qui saute aux yeux, c'est ce plaisir que vous prenez à incarner des personnages. Vous êtes totalement habité par le théâtre. On sent que c'est votre cour de récréation. Finalement, ça vous a toujours accompagné depuis que vous êtes enfant. Il y a d'abord eu un théâtre de marionnettes, ensuite, il y a eu un théâtre, dans la maison, construit par votre père, avec une petite rampe, des rideaux et tout ce qui allait avec. Est-ce que vous êtes né pour le théâtre ?
Peut-être que oui, pour le jeu, disons l'interprétation, l'art dramatique. Mais dans ce petit théâtre qui était dans ma chambre, construit par mon père, je faisais aussi du cinéma.
"J'avais ce qu'on appelait une cinette dans ma chambre. Je faisais des projections de Zorro, de l'attaque de la diligence par John Ford, des extraits comme ça. Je devais avoir 12, 13 ans."
Patrick Chesnaisà franceinfo
À 16 ans, vous avez appelé votre mère et vous lui avez dit : "Ça y est, je sais ce que je veux faire, je veux être acteur". C'était décidé ?
Non, ça a été un peu comme une illumination. Je n'étais pas bon en classe. Je voulais être footballeur professionnel, je voulais être plein de choses. Et comme effectivement j'avais fait du théâtre en colonie de vacances, on faisait des sketches et tout, je me suis vraiment réveillé un matin en me disant "bon Dieu, mais oui, mais c'est bien sûr" ! Et j'ai appelé ma mère pour le lui dire et elle m'a répondu : "Rendors-toi, il n'est pas l'heure d'aller à l'école."
Le Conservatoire national de Paris a été une vraie étape et surtout ce professeur de théâtre qui comprend dès votre première apparition qu'il va se passer quelque chose.
Oui, pour entrer au conservatoire, il fallait faire une espèce de petit concours. On passait une fable de La Fontaine et après ce passage des Animaux malades de la peste, de la Fontaine, il y a eu un grand silence. Et il a pris la parole en disant : "Par miracle, on rencontre un jour quelqu'un dont on est sûr qu'il fera une grande carrière comme acteur. Et Patrick Chesnais est de ceux-là." Paf. Il a donc convoqué mes parents en leur disant : "Il faut y aller, là, il faut laisser faire."
En tout cas, la scène est devenue un socle, une rampe, notamment au moment de la disparition de votre fils. Ferdinand est-il toujours avec vous ?
Oui, oui, toujours ! Alors, c'est peut-être une illusion, c'est peut-être moi qui recrée cette présence, je ne sais pas. Enfin, toutes les semaines, je vais au cimetière Montparnasse lui parler. Quand j'écris des bouquins, il est toujours là quelque part, même si ce n'est pas directement des livres qui parlent de lui. Il y a un moment, il apparaît, il traverse le bouquin, c'est obligé.
Ce qui est étonnant, c'est quand on vous regarde et qu'on regarde vos yeux, rien n'a changé. Quel est votre regard sur ce parcours déjà accompli ?
C'est difficile à dire parce que moi, j'ai l'impression que j'aurais pu faire mieux et plus. Et en fait, ce sont les gens autour, les journalistes ou les proches, les gens du métier qui me disent : "Ah non, votre parcours, waouh, etc." Moi, je ne m'en rends pas compte, j'aurais pu faire mieux, mais ce n'est pas fini !
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