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"On est enfin matures" : Jean-Jacques Burnel et The Stranglers le prouvent avec leur 18e album "Dark Matters"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteur, compositeur et musicien Jean-Jacques Burnel du groupe The Stranglers.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jean-Jacques Burnel, bassiste du groupe The Stranglers (ZORAN VESELINOVIC / MAXPPP)

Jean-Jacques Burnel est auteur, compositeur, producteur franco-anglais. Il est surtout membre originel et bassiste de l'un des plus grands groupes anglais The Stranglers. On lui doit notamment le titre incontournable Always The Sun (1986), ou encore Golden Brown (1981).

Le nouvel album, le 18e des Stranglers, sort vendredi 10 septembre, Dark Matters. Un hommage vibrant à leur claviériste Dave Greenfield, décédé tragiquement de la Covid-19 en mai 2020.

franceinfo : Dark Matters avait été enregistré pour partie avant la pandémie et terminé lors des deux confinements. On y retrouve largement la patte de Dave Greenfield qui est décédé le 3 mai 2020. Comment avez vous vécu sa disparition ?

Jean-Jacques Burnel : Pendant quinze jours, j'étais presque dans un coma, assommé, et on a décidé de terminer ce qu'on avait déjà commencé avec lui.

La disparition de Dave Greenfield, notre claviériste laisse un énorme vide. J'ai écrit trois morceaux pour 'Dark Matters' après son décès.

Jean-Jacques Burnel du groupe The Stranglers

à franceinfo

Le single And If You Should See Dave... est vraiment un hommage. Vous vous adressez directement à lui ?

Absolument. En plus, c'était assez facile de créer une vidéo autour de ça. Dave était très excentrique, c'est le terme qu'on employait, mais en fait, il était autiste, atteint du syndrome d'Asperger et donc ça nous a fait comprendre pourquoi il était comme il l'était. Par exemple, il passait trois jours à apprendre des séquences de clavier que personne d'autre ne pourrait jouer. Une fois que c'était dans sa cervelle, c'était dans ses doigts.

Le groupe est né en 1974 et a été totalement adopté dès le départ par le mouvement punk. Vous avez eu des débuts très difficiles, c'est-à-dire que les gens manifestaient dehors contre vous.

Oui. Il y a eu une année où beaucoup de gens ont été choqués par les grands titres, sans les écouter ou essayer de les comprendre.

À nos débuts, c'était un peu comme dans ‘Frankenstein’, tous les villageois se mettaient à la porte pour essayer de nous attaquer.

Jean-Jacques Burnel du groupe The Stranglers

à franceinfo

Votre histoire est incroyable. Vous allez suivre vos parents, restaurateurs normands implantés en Angleterre. Vous avez vécu le racisme anti-français, quelque chose de très difficile à vivre à l'école.

À l'époque, à l'école primaire, la question était : "Que faisait ton papa pendant la guerre ? Il a levé les bras, n'est-ce pas ?" Tout le temps ce genre de choses, c'était un peu embêtant. Après, j'ai eu la chance de passer un concours et je suis allé à l'École royale. Là-bas, s'il y avait des malentendus entre les élèves, devant toute l'école avec des gants de boxe, on réglait les comptes et j'ai réalisé que ça m'arrangeait car je pouvais les battre.

Vous allez être attiré très vite par les arts martiaux et en même temps, une autre passion va avoir le dessus, c'est la guitare. C'est votre père qui vous encourage à vous y mettre.

Oui. Mon père, dans les années 1930, était cuistot sur la ligne française, The French line, entre Le Havre et l'Amérique du Sud, je crois. Il a découvert le tango en Argentine, il voulait donc à tout prix que j'apprenne la guitare espagnole. J'ai été forcé d'apprendre la guitare classique. Je ne le regrette pas maintenant, je dis 'merci papa', mais cela coïncidait avec le blues boom en Angleterre. Et dans le petit village où mes parents tenaient un restaurant, il y avait un petit pub qui faisait jouer des groupes et j'y ai vu Fleetwood Mac devant cinquante personnes.

Un énorme premier déclic. Puis, il y a cette histoire extraordinaire. Alors que vous êtes dans votre camion de peinture, vous prenez en auto-stop un garçon. C'est Hugh Cornwell. Il vous emmène boire un coup pour vous remercier dans un magasin de spiritueux que tient le batteur, Jet Black, du groupe The Stranglers. Là, c'est la révélation. Quelques jours plus tard, le bassiste décide de partir et vous prenez sa place.

Plus ou moins. C'était un groupe qui venait de Suède. Venu à Londres pour chercher fortune. Des membres ont trouvé qu'en Angleterre, c'était trop dur et certains sont rentrés en Suède en laissant une guitare basse, Hugh et Jet au-dessus d'un magasin de spiritueux.

Que représente cette carrière pour vous avec ce dernier album qui symbolise beaucoup de choses ?

On a eu la chance d'être mis dans un ghetto par nos pairs. Il y a eu un développement autonome, forcé et donc on a essayé de ne pas suivre un courant, d'exploiter le peu de talents qu'on avait.

Dans le groupe, on n'a jamais eu d'embrouilles d'argent. On a toujours tout partagé ensemble, les succès comme les faillites.

Jean-Jacques Burnel du groupe The Stranglers

à franceinfo

Que représente l'album Dark Matters pour vous ?

Peut-être le dernier, je ne sais pas. Je ne sais pas du tout.

Vous pensez à vous arrêter ?

J'y pense toujours, mais je ne veux pas planifier le futur, c'est beaucoup mieux comme ça. Je vis pour le moment et en plus, je crois que c'est notre album le plus mature. On est enfin matures.

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