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"Ne pas choisir, c'est aussi un choix" : dans son nouveau roman, Mazarine Pingeot explore l'importance des décisions dans nos vies

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 4 septembre, l’écrivaine Mazarine Pingeot. Elle a publié en août 2023 un nouvel ouvrage, "Le salon de massage", aux Éditions Mialet-Barrault.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Mazarine Pingeot à Paris le 3 mai 2021 (BRUNO COUTIER / BRUNO COUTIER)

Mazarine Pingeot, la fille de l'ancien président de la République François Mitterrand et d'Anne Pingeot, historienne de l'art, a été très tôt happée par la plume. Elle est donc devenue écrivaine, mais aussi professeure agrégée et docteure en philosophie. Ses romans abordent systématiquement certains thèmes comme la famille, la maternité et l'enfance.

En août 2023, elle a publié un nouvel ouvrage, Le salon de massage, aux Éditions Mialet-Barrault. L'histoire de Souheila, en couple avec Rémi. À priori, tout va bien entre eux, mais elle va pousser la porte d'un salon de massage et sa vie va changer.

franceinfo : Dans Le salon de massage, Souheila va être contrainte de faire des choix. S'ensuivront des chamboulements pour cette femme de 28 ans qui jusque-là ne vivait qu'au rythme du hasard. C'est cette notion de choix qui est au cœur de ce livre. Le choix, c'est la vie ?

Mazarine Pingeot : Oui, le choix, c'est la vie. Mais en effet, c'est très juste il y a la question du choix : où aller ? Que faire ? Quelle décision prendre ? Et en fait, l'héroïne de ce livre ne sait pas trop, elle n'a pas vraiment de boussole. Et elle cherche. Elle cherche quelque chose, mais elle ne sait pas quoi et ça la rend insatisfaite parce que rien ne lui dicte les choix qu'elle doit faire. Elle ne fait pas toujours de bonnes choses ou de bons choix et du coup, elle va se retrouver dans certaines situations.

Cela va au-delà de ça d'ailleurs, le but du jeu, ce n'est pas tant de faire les bons ou les mauvais choix, c'est d'en faire tout simplement. N'est-ce pas cela le nerf de la guerre ?

Exactement. C'est vrai et parfois c'est difficile, c'est-à-dire qu'on peut aussi avoir tendance à ne pas choisir pour voir ce qui va arriver. Évidemment, ne pas choisir, c'est aussi un choix. Mais quand on n'a pas d'idées, quand on ne sait pas, quand il n'y a rien qui vous emmène, qui vous emporte d'un côté plutôt que de l'autre, c'est compliqué. Et surtout lorsqu'on se cherche, lorsqu'on ne sait pas vraiment qui on est, qu'on est bien avec la personne avec qui on vit, mais pas tout à fait non plus. Voilà, c'est cette sorte d'incertitude, d'inquiétude qui l'irrigue et ces émotions vont quand même la mener malgré tout à faire quelques choix.

Vous débutez le livre en écrivant : "Je n'étais pas contre l'enfance. Il y a d'autres choses dans la vie que la reproduction, l'enfance, l'éducation et la profession, le couple, les amis, il y a également soi-même". Votre écriture a toujours traduit vos émotions. Avez-vous eu du mal à décider de vous occuper de vous-même ?

"J'ai fait des choix, mais pas nécessairement guidés par moi-même, en effet. Je pense que ça prend du temps de s'occuper de soi."

Mazarine Pingeot

à franceinfo

Je précise que dans le livre, la narratrice parle à la première personne, ce n'est pas moi qui parle. La question de soi, ce n'est pas une sorte d'égotisme où il s'agit uniquement de penser à sa propre image, à se faire du bien, etc. Non, c'est vraiment juste l'idée d'exister pour soi et pas seulement pour les autres, dans le regard des autres, dans le désir des autres. Et donc elle va essayer de s'octroyer un espace uniquement pour elle, un espace que personne ne connait, un espace dans lequel elle puisse totalement se lâcher, se libérer, s'oublier, avoir quelque chose qui n'appartient qu'à soi et pas au social, pas au couple, pas à l'amitié, à rien d'autre qu'elle.

L'un des personnages dit que la psychanalyse ne conduit pas au bonheur, mais à la vérité. Vous écrivez même que le bonheur n'est qu'une illusion. C'est quoi le bonheur pour vous ?

C'est difficile à définir puisque ce n'est pas quelque chose qui est de l'ordre du concept, de l'objectivité ou même du consensus. C'est une forme d'équilibre, de joie, enfin, à un moment donné tout s'aligne. Mais c'est assez mystérieux.

Êtes-vous heureuse ?

Oui, plutôt oui. Je dois dire que les années qui passent sont toutes bénéfiques.

Il y a toujours beaucoup de vous dans votre écriture. Avant, il y avait une forme, non pas de souffrance, mais il y avait une sorte de manques. Et aujourd'hui, quand on vous lit, j'ai l'impression que c'est comblé. Il y a cette histoire, cette relation entre un père disparu et sa fille où elle se questionne de savoir quel regard il portait sur elle. Il l'adorait. Pour lui, sa fille était un trésor. Il y a toujours le spectre de votre père derrière vous quand vous écrivez ?

"C'est aussi un roman sur la quête des origines, du manque, de l'appartenance. Il y a toujours ce questionnement sur d'où on vient, qui on en est."

Mazarine Pingeot

à franceinfo

En tout cas, il y a toujours quelque chose qui a à voir avec les origines.

Que gardez-vous de votre père ?

Peut-être une forme d'exigence et malgré tout, une certaine idée de la liberté. Ne pas toujours obéir aux normes, avoir le courage de ses positions, ce n'est pas toujours simple. Mais oui, peut-être ça.

Qu'est-ce que l'écriture vous procure ?

Ça dépend vraiment de chaque aventure, de chaque ouvrage. Par exemple, dans le précédent, Et la peur continue, il y avait une forme d'urgence, de frénésie. Et celui-là, pas du tout dans le sens où je l'ai écrit dans un état d'esprit beaucoup plus amusé, agréable, ça n’a été qu’une forme de plaisir du début à la fin, sans aucune souffrance, sans aucune angoisse. D'ailleurs, je ne pensais pas du tout l'écrire. Je m'y suis mise comme ça et c'est arrivé un petit peu par hasard. Il n'y avait pas de préméditation d'une certaine manière et je me suis beaucoup amusée.

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