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Les confidences d'Alain Pacherie, directeur du Cirque Phénix : "Il y a 20 ans, un cirque sans animaux, ce n'était pas à la mode"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le directeur du cirque Phénix, Alain Pacherie. Son nouveau spectacle, "Rhapsodie", est joué au Cirque Phénix jusqu’au 15 janvier 2023, avant une tournée en France.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Alain Pacherie, patron du cirque Phénix, en janvier 2020. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Alain Pacherie est le patron du cirque Phénix. Le premier à avoir renoncé aux animaux en France. Aujourd'hui, son chapiteau possède entre 5 500 et 6 000 places, 9 000 si on est debout. Il est d'ailleurs estampillé le plus grand du monde pour un cirque. Rien ne prédestinait Alain Pacherie à cette carrière, et beaucoup disent de lui qu'il est un" pantre", c'est-à-dire quelqu'un qui ne porte pas le nom d'une grande famille du cirque comme Bouglione, Gruss ou encore Zavatta. Pourtant, il a de qui tenir avec un grand-père trapéziste et un père forain, ce qu'il a découvert seulement à 40 ans.Il présente son nouveau spectacle, Rhapsodie, qui succède à celui 100% féminin Gaïa.

franceinfo : Rhapsodie laisse la place à des artistes sud-africains avec l'Orchestre philharmonique du Cap et à la Compagnie Zip Zap Circus. C'est un spectacle pop rock haut en couleurs. Je crois qu'on peut dire que l'âme circassienne est reine dans tous vos spectacles !

Alain Pacherie : Mais oui, parce que c'est aussi un rêve d'enfant. Et quand dans mon métier, j'ai rencontré des artistes de cirque, je suis tombé amoureux d'eux parce que ce sont des artistes qui travaillent énormément et qui savent qu'ils ne seront jamais riches et célèbres. Alors Zip Zap a une histoire un peu particulière, parce que c'est une école de cirque sociale, une des toutes premières, qui a été créée par une Française et un Sud-Africain qui étaient trapézistes. Ils se sont rencontrés dans un club de vacances. Il lui fait visiter son pays. Il monte le trapèze dans une marina parce qu'il faut qu'il s'entraîne un peu. Et puis, il y a des gamins qui viennent pour s'entraîner un peu, il leur demande une petite participation. Et puis, au bout de quelques jours, il y a les gamins des bidonvilles qui viennent. Et là, il n'y a pas de possibilité d'avoir de participations. Alors il dit : "Tiens, c'est donnant donnant. Vous aidez à monter le trapèze et moi je vous montre un petit peu le trapèze". Et Brent et Laurence se sont dits : "Pourquoi on ne créerait pas une des premières écoles de cirque sociale au monde où tout serait gratuit pour ces gamins ?"

"Le cirque, c'est le premier spectacle où l'on emmène un enfant et c'est ce qui m'est arrivé et j'en ai gardé un souvenir extraordinaire."

Alain Pacherie

à franceinfo

J'ai l'impression que vous n'avez jamais perdu cette âme d'enfant. Ça veut dire qu'on garde justement cette naïveté, cette envie de déguster les moments comme ils sont ?

Le cirque, c'est vraiment particulier. Alors bien sûr, je ne suis pas d'une grande famille. Il y a des noms bien plus prestigieux que le mien, mais je n'ai pas cherché à faire un nom. J'ai cherché à faire des beaux spectacles. Je me souviens de la première interview que j'ai faite, j'ai dit : je voudrais faire du cirque spectaculaire. Je me suis accroché à ça depuis le début.

Vous êtes issu d'une famille modeste. Votre mère vous a élevé seule, c'est ce qu'on appelle une mère courage. Vous n'avez pas connu votre père, je tiens à préciser, donc il y a eu cette absence qui a pesée pendant très longtemps sur vous.

Honnêtement, il ne m'a pas manqué. Il ne m'a pas manqué parce que j'avais un frère qui avait 11 ans de plus que moi, une sœur qui avait 14 ans de plus que moi. J'avais donc deux mères, voilà. Donc j'ai été très gâté par la vie. Il n'y avait pas d'argent, mais il y avait énormément d'amour. Il y avait tellement de solidarité et d'amour, que toute notre vie, ma maman est morte à 80 ans, ma sœur, mon frère et moi, on allait la voir tous les jours.

Le but du jeu dans tout ce que vous faites, c'est d'abord de raconter une histoire et de rencontrer des gens différents, de proposer autre chose.

Mais c'est tellement extraordinaire. J'ai largement l'âge de la retraite, mais jamais je ne la prendrai. Ce ne sont que des éclats de rire, des applaudissements autour de moi, des jeunes qui se défoncent pour éblouir le spectacle, pour le faire sourire, pour que pendant deux heures le public pense à autre chose qu'aux problèmes quotidiens. On a des témoignages, quand les gens sortent de la salle, inimaginables. Je ne peux pas les dire ici parce que je vais pleurer en même temps, donc je vais les garder pour moi. Mais le cirque, ça véhicule des valeurs, c'est la solidarité.

Ce qui est moderne dans votre cirque aussi, c'est une décision que vous avez eu le courage de prendre, c'est d'arrêter les animaux au sein de vos spectacles. Vous avez été très touché par un des oursons qui intervenait dans votre spectacle. Ce qui a engendré cette décision. Elle a été suivie, depuis, par beaucoup de personnes. Ça vous touche ça, de vous dire que vous étiez au départ d'une décision qui a été majeure dans le monde du cirque ?

Oui, ça me touche parce que c'est une décision difficile à prendre.

"C'était il y a 20 ans, un cirque sans animaux, ce n'était pas à la mode. Et c'est vrai que commercialement, ça a été très difficile pendant quelques années parce que dans l'imaginaire des gens, le cirque, c'étaient les animaux."

Alain Pacherie

à franceinfo

J'ai pris cette décision parce que j'avais un numéro extraordinaire d'ourson cosaque et je voyais l'ourson : il avait peur à chaque séance et ça m'a pesé au fur et à mesure. C'était de pire en pire. J'étais de plus en plus mal à l'aise. Donc à la fin de la saison, j'ai dit à mes équipes : c'est terminé, il n'y aura plus d'animaux du tout, ni sauvages ni domestiques, au cirque Phénix.

Pour terminer, ce spectacle est également très musical. Il y a évidemment des acrobaties. Vous reprenez des grands classiques de la musique comme Proud Mary de Tina Turner, à My way de Nina Simone ou encore I'm still standing d'Elton John joués en live par 20 musiciens. Cet orchestre symphonique joue un grand rôle, c'était important aussi d'apporter autre chose ?

L'Orchestre a une part importante dans le succès du spectacle parce que ces numéros formidables, soutenus par un orchestre de 20 musiciens avec des standards connus rendent le public dingue à la fin du spectacle. Et vraiment, c'est deux heures de rêve, de bonheur, de joie de vivre.

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