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Le photographe Sebastião Salgado espère que son exposition sur l'Amazonie "pourra toucher le cœur des gens"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, le photographe humaniste franco-brésilien Sebastião Salgado.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Portrait du photographe Sebastião Salgado, en février 2020. (RICHARD MOUILLAUD / MAXPPP)

Photographe humaniste franco-brésilien, Sebastião Salgado travaille en argentique et en numérique, mais toujours en noir et blanc. Pendant sept ans, il a sillonné l'Amazonie brésilienne en photographiant les fleuves, la forêt, les montagnes, les peuples qui y vivent. Ce travail colossal est saisissant et on le retrouve dans un livre Amazônia aux éditions Taschen. Il sera aussi exposé du 20 mai au 31 octobre de cette année au Musée de la musique Philharmonie de Paris, et accompagné d'une création musicale signée par Jean-Michel Jarre, avec des archives récoltées in situ.

franceinfo : Vos 200 photos et cette collaboration bioacoustique sont-elles une belle façon de déplacer les oreilles, les yeux et de faire entendre de l'intérieur les voix de l'Amazonie ?

Sebastião Salgado : La musique était nécessaire. C'était un très bon choix qu'on fasse cette exposition à la Philharmonie, parce qu'en plus de la musique de Jean-Michel Jarre, on a beaucoup de musique d'Heitor Villa-Lobos. On aura aussi un concert de musique classique le 31 août. J'espère que cette exposition pourra toucher le cœur des gens parce que s'il n'y a pas une mobilisation de nous tous sur la planète, on perdra à une vitesse incroyable cette forêt. 

Au Brésil, on a déjà perdu à peu près 17,5% de la forêt amazonienne. Ce n'est pas irréversible, mais pour cela, il faut avoir une grande concertation planétaire

Sebastião Salgado

à franceinfo

Qu'apporte cette forêt amazonienne ?

Cette forêt apporte tout. Elle émet par jour un peu plus de 1 000 litres d'eau en évaporation. C'est le seul endroit du monde qui ne dépend pas des océans pour la pluie. Cette grande quantité d'humidité quitte l'Amazonie et s'en va dans le monde entier. C'est la plus grande concentration d'eau douce du monde. Tellement des choses représentent l'Amazonie. La concentration de tribus en Amazonie représente la préhistoire de l'humanité. Mon grand espoir, c'est que les gens qui viennent voir cette exposition ne soient plus les mêmes personnes en repartant.

On a seulement dans la forêt amazonienne brésilienne un peu plus de 100 groupes d'Indiens qui n'ont jamais été contactés. C'est nous il y a 10 000 ans ! On est peut-être une des seules espèces qui peut encore vivre avec sa préhistoire

Sebastião Salgado

à franceinfo

Je vous sent très ému. Vous êtes né à Aimorès (Etat du Minas Gerais) au Brésil, et vous êtes le seul garçon d'une fratrie de huit enfants. Est-ce que ce regard féminin ne vous a pas aidé aussi ?

Il y a des regards qui m'ont énormément aidés, les regards féminins. Au total, il y avait14 femmes chez nous. Donc je viens d'un monde vraiment féminin. Il y a un deuxième monde qui m'a fait beaucoup réfléchir, qui m'a aidé dans ma vie, c'est celui des handicapés. J'ai un fils qui est atteint de Trisomie 21 et c'est fantastique ! Ce fils nous a amené dans un autre monde, un monde merveilleux, un monde de gens d'une très haute qualité humaine. Donc on a appris aussi avec ce monde des handicapés.

Vous avez à un moment quitté l'endroit où vous viviez, vous avez fui la dictature brésilienne en 1969. Vous êtes revenu seulement dix ans après l'amnistie politique. Comment avez-vous vécu cette période ? 

C'est très difficile d'être un réfugié. On n'avait pas le statut de réfugié politique donc on ne pouvait pas retourner au Brésil, il y avait une dictature, une répression énorme. On a appris à vivre en France, un pays qu'on aime profondément. On a même les deux nationalités, je suis Français et Brésilien, nos enfants sont nés ici. Mais il faut dire qu'encore, j'ai en moi un émigré. C'est très difficile de devoir vivre loin de ses origines. Heureusement que nous nous sommes bien adaptés à la France et aujourd'hui, la grande question de notre vie est où est-ce qu'on va mourir ? En France ou au Brésil ? Parce qu'on est déjà vieux ma femme et moi, j'ai 77 ans et Lélia a 74 ans, et donc il faut qu'on fasse un choix relativement vite parce que si tout va bien dans 10, 15 ans, on ne sera plus là.

Êtes-vous inquiet pour l'avenir de l'Amazonie ?

Je suis très inquiet pour l'avenir de toute la planète, l'Amazonie inclus. Quand vous imaginez que l'acte essentiel de notre survie c'est de respirer et que cette oxygène est produite grâce à la photosynthèse, dont une grande majorité est produite par les arbres... Et on détruit des arbres à une cadence infernale dans le monde.

Toutes les grandes forêts ont pratiquement été détruites. Il faut qu'on reconstruise une partie de la planète, sinon ça va être très, très difficile pour la survie de l'espèce humaine

Sebastião Salgado

à franceinfo

Après Paris, l'exposition Amazônia va faire le tour du monde en s'arrêtant à Sao Paulo, Rio de Janeiro, Rome ou encore Londres.

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