Le monde d'Elodie. Thierry Beccaro : "Pour certains enfants, c'est la triple peine : le virus, le confinement et la violence"
L'animateur de télévision, qui fut un enfant battu, appelle à la vigilance pendant le confinement et au signalement au 119.
Elodie Suigo : Thierry Beccaro, vous êtes animateur de télévision et comédien ; à la télé, animateur depuis ...
Thierry Beccaro : Depuis 29 ans ! Et en général je résume, je dis trois décennies de présentation de Motus et puis de temps en temps de Télématin. Trois décennies, ça fait un nombre de téléspectateurs incroyables et puis surtout un fil que j’ai tendu depuis plus de 35 ans à France Télévision. Ce qui est génial, c’est que comme j’étais sur scène avant qu’on soit en confinement, je m’aperçois que ce fil est toujours tendu quand je rencontre les téléspectateurs qui viennent voir la pièce, dont le titre est assez incroyable, Elodie, c’est Faut que ça change !
Le président a annoncé un déconfinement à partir du 11 mai, comment vous le vivez ce confinement Thierry Beccaro ?
Quand j’ai reçu le coup de fil du tourneur pour me dire "Tout s’arrête !", j’ai quand même pris un coup sur la tête, mais je ne suis pas le seul ! La vie s’est arrêtée ce soir-là, c’est à dire que tout à coup, du jour au lendemain on nous a dit stop, basta, on ferme les théâtres. Pour un comédien, c’est terrible. Et puis après, il faut faire face au Coronavirus, il faut faire face, je pense que c’est un message que l’univers nous envoie. Il faut réfléchir à ce qui se passe et je ne sais pas comment ça va se traduire quand on va sortir du confinement, mais je pense Elodie qu’on va être un peu boiteux. Quels sont les premiers qui vont oser entrer dans une salle de théâtre ? Qui va aller au cinéma ? Qui va se dire " Allez, on retourne au restaurant ! "...
Comment imaginez-vous l’après ?
On ne peut pas repartir comme avant, ce n’est pas possible ; quand on regarde les informations sur comment se porte la planète elle-même. Vous avez vu comme elle se porte mieux ? La couche d’ozone, comment certains animaux commencent à revenir. Regardez le ciel : pas une trace d’avion dans le ciel ! Il faut que l’activité économique reprenne mais je pense qu’il va falloir vraiment prendre en compte le fait que la planète était en train d’asphyxier. Moralité : la pandémie s’est prend à nos poumons et c’est nous maintenant qui avons du mal à respirer et j’ai un ami qui est en réanimation en ce moment, à qui je pense tous les jours et je prie le bon Dieu pour qu’il s’en sorte. Alors, comment on va en s’en sortir ? J’espère qu’on va faire un petit peu mieux ! C’est vrai que le président l’autre soir a dit " A quand les jours heureux ? Nous allons retrouver les jours heureux ! ". Mais il faut dire que ce n’était pas forcément des jours très très heureux, avant la pandémie : les Gilets jaunes, le personnel hospitalier, il y avait quand même des gens qui n’étaient pas forcément très très heureux...
Pendant le confinement, Thierry Beccaro, vous avez souhaité communiquer sur un numéro d’appel, le 119, un numéro d’appel d’urgence pour signaler les enfants et les ados maltraités. Vous avez été un enfant battu, vous-même, c’est important d’être présent sur ce terrain là ?
Elodie, j’ai eu l’honneur d’être nommé ambassadeur de l’UNICEF, mon domaine, c’est l’enfance, par rapport à ce que j’ai vécu, que j’ai écrit dans mon livre, il serait bien qu’on parle de cette triple peine qui touche les enfants aujourd’hui avec le confinement : Coronavirus, confinement et en plus, dans certaines familles, malheureusement enfermement, parce que violence, parce que exaspération, parce que télétravail plus l’école à la maison. On n’a pas encore les chiffres, on les a tous les soirs avec les victimes de la pandémie, mais, ceux qui concernent les violences faites aux femmes et aux enfants on ne le sait pas encore et je crains qu’on ait des chiffres assez terribles, c’est pour ça que je me permets d’intervenir quand on me le demande, pour m’adresser aux enfants pour leur dire qu’il y a un numéro, le 119, alors n’hésitez pas, mettez-vous dans un coin, appelez, ne serait-ce que pour parler, il y aura toujours quelqu’un pour vous écouter.
Et en plus, quand les enfants appellent, ou quelqu’un de la famille, ça n’apparaitra pas sur la facture de téléphone...
C’est intraçable. Et le deuxième volet de mon intervention, si jamais vous entendez, vous qui êtes un voisin, si ça vous semble un peu suspect, n’hésitez pas, alertez, vous vous tromperez peut-être, mais peut être que vous sauverez une vie ! Une fessée, une raclée, il y a des mots qui courent : "ça n’a jamais tué personne ! " Hé bien si ! Et si on ne bouge pas, ça fait des adultes blessés. C’est du confinement à vie pour ces enfants-là, parce qu’ils n’auront pas la force d’avancer, ils seront enfermés dans leur cœur, dans leur tête. C’est ça que je veux signaler. Je veux le faire, bien humblement, en espérant que le message sera entendu.
Votre premier souhait pour le monde d’après ?
Retourner vite sur les planches, retrouver mes partenaires et puis retrouver toutes celles et tous ceux que j’ai quittés, les dernières personnes que j’ai vues, c’était un dimanche et puis après, on est entrés en confinement.
Merci Thierry Beccaro, je rappelle le titre de votre livre : Je suis né à 17 ans, c’est sorti chez Plon en poche et le numéro d’enfance maltraitée, c’est le 119, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.
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