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Le monde d'Elodie. Olivier Assayas : "La salle de cinéma est devenue une vitrine pour les films en VOD"

Le réalisateur sort son dernier film, Cuban Network, en VOD et s'interroge sur ce que la pandémie change dans le monde du cinéma.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'affiche de "Cuban Network" d'Olivier Assayas, en salle le 20 janvier 2020, en VOD en mai 2020. (Memento Films Distribution)

Elodie Suigo : Olivier Assayas, réalisateur et scénariste. Pendant le confinement, la sortie en VOD de votre film Cuban Network avec Pénélope Cruz a été avancée. La VOD est-elle l’avenir du cinéma ? 

D’abord, cela fait un moment que ça se pratique. Je l’expérience de mon film Carlos, en 2009, il est sorti dans la plupart des pays dans sa version intégrale de 5h30 en salle et simultanément en VOD. La salle est devenue en quelque sorte une vitrine, y compris pour donner du prestige au film, lui permettre l’accès aux récompenses -il se trouve qu’on a eu le Golden Globe de la meilleure mini-série avec ce film-. Aujourd’hui, dans le contexte actuel du terrain, c’est sûr que les chronologie vont changer, qu’il va falloir s’habituer et qu’on n’aura pas tellement son mot à dire. 

Pendant ce confinement, les grands gagnants, ça reste les plateformes… notamment Netflix. C’est un point positif ou cela impose-t-il de réinventer des choses ? 

Moi j’en ai bénéficié. Pas de Netflix, mais de du succès des plateformes en règle générale pendant le confinement, puisque mon film Cuban Network est sorti plus tôt que prévu en VOD et avec un certain succès, donc je ne vais pas m’en plaindre ! Je pense néanmoins que c’est vrai qu’aujourd’hui, on est obligés de parler en tenant compte de deux hypothèses : l’une étant que le danger épidémique persiste. Dans ce cas là, les gens, y compris moi, ne sont pas disposés à se retrouver dans une salle de cinéma pleins ou dans n’importe quel lieu public et confiné, salle de concert ou théâtre... Soit le temps passe et la situation devient plus saine et à ce moment-là, progressivement, on reviendra vers les cinémas. Mais le problème, c’est d’abord, dans quelles conditions ? Est-ce que ce sera de la même façon qu’avant ? Est-ce que les mois qui ont passé et qui ont obligé les gens à repenser leur manière de vivre, de fonctionner, de gérer leur temps, je ne sais pas si le cinéma aura le même statut, si on ira dans les mêmes voir les mêmes films ? Honnêtement, je n’en sais vraiment rien du tout. 

Que pensez-vous des mesures annoncées par le président de la république en faveur des intermittents du spectacle ; le maintien de leurs droits jusqu’en août 21. Il a parlé aussi d’un fonds d’indemnisation pour le cinéma. Cela vous a rassuré ? 

Il y a toute une population de gens, population importante, qui sont des acteurs, qui sont des techniciens, qui sont des gens qui vivent de cinéma et qui sont absolument sinistrés. Aujourd’hui, cela doit être l’une des priorités. Je pense beaucoup aussi aux producteurs, qui ont des films arrêtés. Vous vous rendez compte : ce sont des entités extraordinairement fragiles, qui fonctionnent toujours à la limite de la rupture. Et quand elle se prennent un coup comme celui-là, ça déséquilibre plein de petites boites de cinéma français. C’est terrible ! 

Pensez-vous que ces événements vont fragiliser le festival de Cannes ? 

Depuis toujours, on dit qu’il est fragilisé à cause de ceci, à cause de cela… Ça a toujours été, historiquement, et ça va continuer à l’être, l’un des endroits où se réunit le cinéma mondial. La notoriété, en plus, s’acquiert à Cannes pour un certain type de films, pas forcément ceux qui sont le plus portés par l’industrie et c’est quelque chose d’extrêmement important. Donc je ne vois pas du tout Cannes perdre une place primordiale. Mais sous quelle forme ça va continuer, encore une fois, on en est réduit à des hypothèses. 

Votre bonne résolution dans ce Nouveau Monde ? 

Il y a des mesures radicales à prendre, qui sont les enjeux essentiels de notre génération. Le fait qu’il y ait eu confinement, qu’on ait déplacé des montagnes pour essayer d’arrêter une pandémie prouve bien que les gens sont prêts à réfléchir ensemble et à prendre des décisions ensemble et à s’engager du point de vue de leur vie quotidienne, pour faire face a des dangers collectifs graves. Donc, d’une certaine façon, on se dit pourquoi pas effectivement, se mobiliser non seulement contre cette pandémie, mais dans le futur, pour la défense de l’environnement. 

Ça vous donne des idées de films ? 

Des idées de films (rires) ? Non, je ne me suis jamais senti aussi peu cinéaste, dans le sens où je me dis, est-ce que j’ai envie d’aller sur un plateau de tournage : non pas vraiment. Est-ce que j’ai envie d’écrire ? Ah oui tiens, plutôt. Ça me donne du temps pour écrire. Moi j’ai la chance d’avoir fait très récemment deux films l’un après l’autre, donc je n’ai pas été, par chance, sinistré par ce qui s’est produit récemment. Le hasard a fait que mon film Cuban Network est sorti entre la période de grève sur la réforme des retraites et le confinement de la pandémie. J’ai l’impression d’être passé par un portillon qui se refermait ! 

Cuban Network est donc disponible en VOD. Merci Olivier Assayas !    

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