Dominique de Font-Réaulx : "Dix millions de visiteurs virtuels, le Louvre c’est une aventure moderne et révolutionnaire, il ne faut jamais l’oublier"
Le musée le plus visité du monde est devenu pendant le confinement l'un des plus connectés avec des offres en ligne très variées : visites virtuelles, podcasts, Petit Louvre pour les enfants. Résultat : dix millions de visiteurs virtuels en trois mois.
franceinfo : Dominique de Font-Réaulx, la Joconde doit se sentir bien seule et abandonnée dans le musée du Louvre désert depuis le confinement, un musée qui ne rouvrira que le 6 juillet prochain. Vous êtes conservatrice du Louvre, directrice de la médiation et de la programmation culturelle. En fait, la Joconde a tort de se sentir seule car vous avez développé, dès le début du confinement, une offre sur Internet et sur les réseaux sociaux qui est un immense succès et qui a presque décuplé la fréquentation du site Internet du Louvre. Comment avez-vous mis les choses en place ?
Dominique de Font-Réaulx : C’est une question qu’on s’est posée tout de suite en fait, dès l’annonce du confinement, on s’est dit "On va sûrement être confinés, mais il va falloir qu’on soit présent. On ne va pas se contenter d’un message d’information disant le Louvre est fermé du fait du confinement". Et ça a été un moment assez extraordinaire parce qu’on a fait une sorte de revue de presse pour pouvoir, à chaque fois, choisir les sujets et les enrichir petit à petit.
Vous avez été surprise du succès au début ?
Vous vous souvenez de l’effet de sidération dans lequel on était tous. On avait du mal à s’attendre à quelque chose. On a été surpris parce qu’on a vu que très très vite, ça marchait, à la fois en France mais aussi en Italie, en Espagne et aussi de façon très forte aux États-Unis et on a été très touchés. Alors évidemment, ça a conforté notre envie de proposer des contenus et d’être à la rencontre de nos internautes visiteurs.
Il y avait déjà eu un avant, avec l’exposition Vinci pendant laquelle un tête-à-tête avec la Joconde était proposé…
Oui, nous avions fait la première réalité virtuelle que le Louvre a conçu et que nous avions dédiée à la Joconde. Là aussi, c’était une expérience car nous n’avions jamais fait ça. Ça a attiré énormément de monde. Pas seulement les geeks ou les jeunes, mais aussi des gens de tous les âges et pas seulement ceux qui ne connaissaient pas forcément bien la Joconde, mais également ceux qui la connaissaient très bien. Et du coup, on s’est dit qu’il y avait une envie de contrepoint, de vision nouvelle, qui permettait aussi d’enrichir le regard sur les œuvres et puis la rencontre avec les œuvres.
Quelles sont les propositions Internet qui ont eu le plus de succès ?
"En tête-à-tête avec la Joconde", comme nous venons de le dire, mais aussi les visites virtuelles pour tout un tas d’expositions, notamment pour l’exposition Figure d’artiste qui va rouvrir dès le 6 juillet. Et puis aussi, et cela m’a fait très plaisir, quelque chose qu’on n’avait jamais vraiment fait comme ça, qu’on a appelé Petit Louvre et on aime bien le terme, d’ailleurs. Ce sont des rubriques pour enfants dans lesquelles on a, au départ, retrouvé des contenus qu’on avait déjà, mais aussi redonné de nouveaux contenus notamment, avec les éditions Delcourt, des coloriages avec des sujets du Louvre ; avec les éditions Gründ, des jeux et puis tout un ensemble de petites pastilles animées très courtes, entre 50 secondes et une minute 20 sur des œuvres du Louvre. Et ça, ça a très très bien marché. Pour les petits mais aussi pour les grands. On ne s’était pas rendu compte qu’il y avait une telle appétence. Et c’est très intéressant parce que ça permet de se dire qu’on peut, sur le site Internet du Louvre, mettre à la fois des éléments d’information sur le Louvre, mais aussi créer des contenus qui vont peut-être n’exister qu’en numérique et qui trouveront leur relais autrement au sein du Louvre quand il sera rouvert. C’est très intéressant !
Immense succès donc de ce nouveau Louvre virtuel, alors que le musée a reçu l’an dernier dans ses murs près de 10 millions de visiteurs, en trois mois, le site Internet a attiré lui presque 9 millions de visiteurs uniques. Le Louvre était déjà le musée le plus visité du monde, il est maintenant aussi l’un des plus connectés et le musée d’art ancien le plus suivi sur Instagram. Le Louvre est branché ?
Branché, nous l’avons toujours été. Le Louvre, c’est une aventure moderne et révolutionnaire, il ne faut jamais l’oublier. Je pense que le succès que nous avons sur les réseaux sociaux, Instagram, Facebook, Twitter, montre aussi que c’est un musée qui est capable d’établir un dialogue et de faire ce lien toujours important entre passé et présent et d’être une fenêtre sur le monde d’aujourd’hui.
Ce Louvre virtuel peut-il être un outil pour attirer au musée des visiteurs qui n’en sont pas familiers, qui pourraient se sentir intimidés par ce musée ?
Je le souhaite beaucoup. Que cela puisse être le moyen d’avoir des visiteurs qui ne soient pas uniquement des visiteurs in situ mais qui appartiendront à cette communauté du Louvre. Et je pense notamment au fait que, pendant un certain temps, on ne va pas pouvoir accueillir des visiteurs étrangers ou du moins pas venant de très loin. Donc c’est important que les contenus qu’ils vont trouver là soient aussi des contenus pour eux. Que ce soit une visite particulière, sans pour autant se substituer à la visite sur place. Il y a tout un travail à faire, qu’on a commencé à entreprendre, pour lier à la fois les enjeux de la visite sur place, mais aussi ces enjeux d’une visite numérique virtuelle. Et ça, c’est passionnant !
Dominique de Font-Réaulx, on rappelle une autre date que celle de la réouverture du Louvre le 6 juillet prochain : aujourd’hui lundi 15 juin, on peut à nouveau réserver en ligne sa visite au Louvre.
Oui en effet, des créneaux sont rouverts, sachant que les conditions sanitaires rendent la réservation indispensable et tout le monde a bien compris cet élément-là.
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