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Le monde d'Elodie. Bernard Werber : "La planète se défend et nous oblige à rentrer dans un processus de survie"

L'écrivain, de formation scientifique, observe avec acuité la pandémie. Il vient de publier une nouvelle, "Homo confinus", accessible gratuitement sur le site "Lisle Noir, Polars sur Garonne". 

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Bernard Werber, écrivain. (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / RADIO FRANCE)

Elodie Suigo : Où êtes-vous confiné et comment vivez-vous ce moment très particulier ?

Bernard Werber : Je suis à Paris, dans mon appartement, je ne suis pas sorti depuis 15 jours. Je travaille le matin et j’ai la chance d’avoir un vélo elliptique chez moi, qui me permet de regarder des séries l’après-midi, donc je me fais une cure de séries sur les plateformes.

Vous êtes journaliste scientifique à la base, comment ressentez-vous cette menace de pandémie ?

Je trouve très suspect ce virus qui n’arrête pas de bouger, dont on nous dit que c’est une simple grippe et que ce n’est pas qu’une simple grippe. En tant que journaliste scientifique j’ai le sentiment qu’il me manque des informations, donc je suis très attentif à tout ce qui sort comme informations, notamment du reste du monde. Je pense qu’en France on n’a qu’une impression parcellaire, c’est mon intuition. Je ne veux pas encourager les théories complotistes, mais je pense que quand ce sera fini, on pourra décanter et savoir ce qui s’est passé. La chauve-souris et le pangolin, c’est juste la théorie officielle des Chinois et personne n’est allé la vérifier !

Vous participez à une opération originale, des écrivains se sont rassemblés à l’initiative du festival de littérature policière "Lisle Noir, Polars sur Garonne" pour offrir chaque jour une nouvelle à lire gratuitement sur internet, qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à cette opération ?

Je trouve que c’est intéressant que ce soit nous, les auteurs de l’imaginaire qui commencions à parler de l’après-crise et que nous proposions des scénarios du jour d’après. Il va y avoir dans les mois qui viennent plein de récits d’auteurs qui racontent leur confinement et je crois qu’il est intéressant d’avoir des récits d’auteurs qui utilisent leur imaginaire pour voir autrement que dans leur petit nombril le confinement ! J’essaie toujours d’être positif ; la science-fiction n’est pas là pour angoisser mais pour proposer des solutions de rechange et montrer qu’il y a des chemins là où on a l’impression que tout est fermé. Moi je crois à la littérature qui sauve et à la littérature d’évasion et d’imagination. Le minimum, c’était de faire une petite nouvelle pour montrer ce pouvoir imaginaire.

Après les fourmis, les chats, cette nouvelle raconte un confinement qui dure depuis trois ans, qui voit naître "l'homo confinus", une humanité qui vit désormais comme une taupe, alors que la nature reprend ses droits. C’est très sombre, mais c’est ce qui est en train de se passer, quand même ?

Imaginons que la Terre en ait marre de nous en tant que petite puce qui la démange, qui est de plus en plus nombreuse et qui, en même temps, détruit de plus en plus les forêts, l’air et l’eau… J’ai l’impression que la planète est un organisme qui se défend. Comme on ne va pas devenir tous seuls raisonnables, il y a un moment où il arrive ce genre d’incident qui nous oblige à ne plus tergiverser et à rentrer dans le processus de survie. Mais dans ma nouvelle, l’humanité vivant à son « taupe niveau » sous terre n’est pas plus malheureuse. C’est juste qu’elle vit autrement. L’air devient de plus en plus pollué, il y a de plus en plus de virus, voire il y a des problèmes type Tchernobyl qu’on n’arrive plus à résoudre ; l’homme va être obligé de rentrer sous l’épiderme de sa propre planète…

L’humanité va-t-elle tirer les leçons de cette épreuve ?

Oui, il va y avoir forcément un après crise. La prise de conscience va être un peu plus forte. Il faudrait presque que l’ONU ou toutes les nations se mettent à discuter pour poser des règles de croissance et d’harmonie ; qu’on ne soit plus dans le "toujours plus", mais dans le "toujours mieux" : mieux vivre, mieux éduquer les enfants, mieux leur donner les moyens d’être heureux, plutôt que leur donner toujours plus de jouets, de téléphones portables et de nourriture grasse et sucrée à manger ! 

Dans "le mieux" des humains, il y a justement cette belle initiative des écrivains, et vous en faites partie, de créer une cagnotte pour les soignants… 

Tout ce qu’on pourra faire sera bienvenu. Je réfléchis à d’autres moyens d’aider. J’ai moi-même une de mes cousines qui est en première ligne de ce  combat, qui me raconte au jour comment elle se retrouve à se battre en effet pour avoir un masque ou pour avoir accès à des moyens d’agir et quand elle rentre chez elle, elle a des messages qui lui demandent de partir parce que ses voisins considèrent qu’elle est dangereuse parce qu’elle risque d’amener le virus… Donc ça c’est du quotidien, maintenant en France, et je crois que le minimum, c’est que chacun à notre petit niveau, nous essayions d’aider ces gens-là, de les soutenir… 

Un message d’espoir à passer aux auditeurs de franceinfo ?

C’est peut-être le moment de travailler à développer son monde intérieur et le moment de méditer, de lire, de réfléchir à sa propre vie.

Merci Bernard Werber, je rappelle que votre nouvelle -et celles d’une quarantaine d’écrivains- est accessible gratuitement sur le site internet du festival de littérature policière "Lisle Noir, Polars sur Garonne".

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