"La douceur est une force" : Yves Duteil dévoile l'histoire de sa chanson culte "Prendre un enfant"
Yves Duteil est chanteur mais aussi auteur, compositeur, ancien maire sans étiquette de la commune de Précy-sur-Marne en Seine-et-Marne, de 1989 à 2014, commune dans laquelle a vécu la chanteuse Barbara. Cela fait un demi-siècle que sa voix résonne dans nos familles à travers son écriture et ses chansons comme Prendre un enfant (1977), Dreyfus (1997), Virages (1980), La langue de chez nous (1985) qui ont accompagnées nos vies et les souvenirs qui vont avec. Ce vendredi 12 mai 2023, Yves Duteil sort Chemin d'écriture - L'intégrale des chansons dans un coffret de 16 CD. Un livre aussi intitulé Chemin d'écriture est sorti aux éditions de l'Archipel le 4 mai dernier.
franceinfo : À l'intérieur de ce coffret, on découvre l'intégralité de votre vie. Ça vous touche ?
Yves Duteil : Ça me touche énormément parce que je me revois au début. Je m'imagine avec mon petit carnet à petits carreaux sur mon lit à essayer d'écrire mes premiers textes. Ma guitare avec les premières chansons. Et se dire que 50 ans après, on est encore là et qu'on a toujours la même passion, la même liberté... C'est un voyage dans le temps incroyable. J'avoue que je n'en reviens pas.
À quel moment démarre cette passion pour les mots ?
Je pense que c'est ma mère qui m'a transmis cette passion pour les mots.
Yves Duteilà franceinfo
Ma mère était championne de mots croisés et quand on mangeait à la maison, dans la salle à manger, il y avait au bout de la table un petit meuble où il y avait des lexiques. Et quand il y avait un mot qui surgissait dans la conversation, hop, elle laissait refroidir son assiette et elle fonçait vers le mur et nous donnait l'étymologie, l'orthographe, l'origine du mot. J'ai toujours gardé ça comme un trésor et aujourd'hui, je me rends compte que je porte ça en moi, comme un héritage.
En tout cas, l'écriture vous a permis de vous construire. Je voudrais qu'on parle de votre première chanson J'ai longtemps aimé la terre qu’on découvre en 1969 pour le Petit conservatoire de Mireille. Il y a toujours de l'émotion quand vous écoutez ces chansons-là, qui, évidemment, vous rappellent des souvenirs de début ?
Oui. Parce que j'ai toujours mes premiers carnets de chansons dans lesquels j'écrivais comme ça, sans savoir que j'allais faire ça toute ma vie. Et quand je vois ce début et que je m'entends chanter, il y a déjà en germe tout ce que j'ai vécu après. Et quand j'ai passé l'audition, Mireille a préféré vraiment dans tout ce que je lui ai présenté, les bossa. Elle m'a fait chanter ça pour mon arrivée et c'est vraiment ma première apparition publique.
Il y aura L'écritoire en 1974 et ce nom-là va vous accompagner tout au long de votre vie avec votre épouse. J'ai l'impression que c'est ça aussi qui définit l'homme que vous êtes. Cette fidélité.
C'est que je suis deux. C'est ça. Tout seul, je n'aurais jamais pu faire tout ça. On a pris notre envol quand on s'est rendu compte que le métier d'éditeur était très flou. Et là, en 1981, on a décidé de créer les Éditions de l'Écritoire, de produire nos albums, de prendre le risque financier, d'être propriétaires des enregistrements et de développer nous-mêmes cette histoire incroyable, cette aventure artistique qui aura duré jusqu'à maintenant.
Qui est d'abord une histoire d'amour finalement...
C'est une histoire d'amour. En fait, Noëlle a fait de notre vie une œuvre d'art. Littéralement.
Comment est née la chanson Prendre un enfant ?
Sa vraie histoire commence à partir du moment où tout le monde se l'est appropriée. Je trouve ça extraordinaire qu'elle soit aussi devenue une chanson de lutte contre la maltraitance des enfants. Elle a été utilisée pour la marche blanche après la mort de Julie et Mélissa en Belgique. C'est la chanson qui a été chantée au Liban, à Beyrouth après un attentat meurtrier d'un camion piégé qui a foncé dans la caserne en faisant des centaines de victimes, et qu'est-ce que les soldats ont chanté au Noël d'après ? Prendre un enfant.
La douceur est une arme, c'est une arme de séduction massive. C'est une arme dont je me suis abondamment servi et pour laquelle je milite énormément. Cette douceur est une vraie force.
Yves Duteilà franceinfo
Que représente cette carrière pour vous ?
L'idée d'être utile parce que quand on écrit une chanson ou des chansons, on ne peut pas imaginer qu'on est utile. On a besoin de se le prouver à soi-même. Au moment où, grâce à Monique Lemarcy, qui a insisté pour que Prendre un enfant fasse partie du panel de chansons qui était soumis au vote du public pour être la plus belle chanson du siècle, le fait d'être arrivé en tête de ce sondage m'a bouleversé et m'a posé un problème. Est-ce que je suis l'homme de mes chansons ? Est-ce que je suis capable d'assumer dans la vie l'idéal que je défends à travers mes chansons ? Et peu à peu, je suis devenu plus un homme d'actions, sans pour autant quitter la poésie. Je me suis dit : c'est incroyable à quel point la poésie prend de la valeur quand elle est ancrée dans le réel. Et c'est comme ça que, avec Noëlle, on est devenu maire et maire-adjoint d'un village, qu'on s'est engagés dans des actions associatives, qu'on a créé une école en Inde, etc. Des choses qu'on n'aurait jamais imaginé, mais qui étaient en fait le corollaire de ce que j'écrivais dans mes chansons. L'utilité de l'écriture s'est révélée parce que j'avais le choix entre la plume et l'action et que j'ai choisi les deux.
Yves Duteil se produira le 13 mai 2023 à Rethel, le 19 à Paris et le 30 septembre à Marle.
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