"La créativité permet de garder l'espoir", soutient le chanteur Mika
Mika est auteur, compositeur, interprète et musicien français par adoption depuis la sortie de son premier album Life in Cartoon Motion, qui s'est vendu à plus d'un million et demi d'exemplaires rien qu'en France et presque six millions dans le monde entier en 2007. Le chemin parcouru ne s'arrête pas là, avec cette stature de coach dans l'émission "The Voice".
Vendredi 1er décembre 2023, Mika sort son sixième album : Que ta tête fleurisse toujours soit 12 titres en français. Il y aura également une tournée : l'Apocalypse Calypso Tour à partir du 1er mars 2024.
franceinfo : Le titre de votre album est très évocateur. J'ai l'impression que c'est le point de départ avant même qu'on ait envie d'écouter cet album.
Mika : Pour tout vous dire, c'est un message que j'ai reçu de ma mère, tout simplement. C'est elle qui m'a formé six jours par semaine. J'avais seulement le dimanche off. Il y a quelques années, elle est tombée malade. Elle a eu un cancer du cerveau et malheureusement avec cette maladie, on voit la personne en train de changer. On voit aussi la frustration de la personne. C'est très dur à vivre. Et elle m'a écrit une lettre pour mon anniversaire. C'était un cadeau. Et ma sœur lui avait donné un iPad avec un stylo pour dessiner parce que c'était plus facile. Elle pouvait envoyer très facilement ses dessins et ses messages.
"Ma mère, malade, m’a dessiné un cadeau d'anniversaire. Un portrait de moi très naïf, avec une tête et de celle-ci part une explosion de fleurs et de feuilles et elle m’écrit : ‘Cher Mika, joyeux anniversaire ! Je te souhaite que ta tête fleurisse toujours’"
Mikaà franceinfo
Je n'avais pas vraiment compris, mais maintenant que j'en parle, c'est là où je suis ému parce que je comprends le génie de cette femme qui était aussi dure, intense mais qui voyait super loin. C'est ce que je dis dans la chanson C'est la vie, elle me disait : "Là, on a construit tout ça ensemble, on a travaillé toutes ces années ensemble, j'étais dure, mais regarde, tu es libre. Je te souhaite juste que, maintenant que je vais disparaître, pas que tu travailles, pas que tu sois en santé..." Elle poursuit : "Si ta tête fleurit, tu vas toujours être heureux et tu trouveras toujours une solution et probablement tu auras plus de santé et plus de liberté."
Votre mère a toujours été un exemple. C'est vrai qu'elle vous a aussi apporté plein de couleurs dans votre vie, à travers les costumes, les ateliers de couture qui étaient au sein même de votre propre maison. Elle avait déjà aussi cette capacité à vous encourager à balayer d'un revers de main le regard des autres. On sent que ça, c'est à l'intérieur de cet album. Cet album, c'est d'abord l'homme que vous êtes devenu aujourd'hui ?
C'est sûr. C'est l'homme que je suis devenu aujourd'hui qui reconnaît d'où il est venu. C'est un peu ce "daydreamer" qu’il y a sur la couverture de l'album. C'est moi, assis sur un nuage. Et je regardais ça avec ma sœur avec qui je travaille depuis le départ et on rigolait. Elle me disait : "Ça fait un peu mort, non ? Tu n'es pas un peu gonflé là ?" Non, non, non, c'est le mec qui regarde les nuages et qui y voit des dessins. C'est un peu ça. C'est de se reconnecter avec ce "daydreamer" et balayer le regard et les pensées des autres.
Cet album est aussi un message parce que vous êtes devenu ce Mika-là aujourd'hui, après avoir bien galéré enfant avec le harcèlement scolaire, mais aussi avec ce que vous avez vécu avec votre père qui a été tenu en otage à l'ambassade américaine du Koweït. N'est-ce pas aussi une façon de dire qu'il faut garder espoir ?
C'est sûr, c'est super important. L'espoir en général, c'est super important. La créativité permet aussi de garder l'espoir. Mon père et la déstabilisation qu'on a vécue quand on était jeunes... On avait beaucoup, on avait rien, on avait un peu plus. On a changé de maison beaucoup de fois. Bien sûr qu'en moi, cela provoque un petit peu ce réflexe d'avoir peur de perdre, de manquer comme beaucoup de gens. C'est normal.
Ça signifie qu'il ne faut pas vivre sur ses acquis non plus.
Parce que la vérité, c'est que s'il n'y avait pas cette déstabilisation lorsque mon père était dans la première guerre du Golfe... Ensuite on a tout perdu, on s'est échappé de Paris pratiquement la nuit, on a pris le ferry de Calais pour aller à Douvres et ensuite j'ai eu des problèmes à l'école. Et tout ça m'a amené vers une sorte de mise à plat. J'ai dû recommencer. Je me sentais sans aucune valeur. L'École, c'était un désastre. J'avais arrêté de parler, de communiquer avec le monde autour de moi. Il fallait reconstruire un système de valeurs pour avoir de l'espoir.
Je me suis demandé si cet album n'était pas une réponse à votre tube de 2006 Relax, Take It Easy.
Je pense quand j'ai écrit Relax, je répondais à une circonstance très difficile en restant doux, en restant tendre, en ouvrant totalement ma poitrine.
"Très peu de gens le savent, mais, j’ai écrit ‘Relax, Take It Easy’ parce que j'étais dans le métro lorsqu'il y a eu des attentats à Londres. On a été évacués. C'était un peu, qu'est-ce que je fais ? J'écris. J'ai composé la chanson en 15 minutes."
Mikaà franceinfo
Pour terminer, vous dites d'aller plus vite ne nous permet pas d'aller plus loin. Ça signifie qu'il faut laisser le temps au temps ?
Oui, il faut quand même regarder autour de soi, autour de nous.
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