Jean-Jacques Debout : "Cette carrière m'a permis d'être heureux par moments et malheureux à d'autres"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 26 mars 2024 : L’auteur, compositeur, parolier et interprète, Jean-Jacques Debout. Il est de retour en tant qu’interprète avec l’album "Frida Kahlo".
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
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Jean-Jacques Debout, auteur, compositeur, interprète. (RADIOFRANCE)

Jean-Jacques Debout est à lui tout seul une immense mémoire de l'histoire de la chanson française. Il a plusieurs casquettes : auteur, compositeur, interprète. Au départ, il était interprète avec des chansons notoires comme Les boutons dorés (1961), puis il a embrassé une carrière d'auteur à succès avec des chansons emblématiques écrites pour les plus grands : Pour moi, la vie va commencer ou Ma guitare pour Johnny Hallyday en 1963, Tous mes copains (1963) ou Comme un garçon (1967) pour Sylvie Vartan. Il est aussi le papa des tubes intergénérationnels et des spectacles de comédies musicales de celle qui est devenue son épouse, Chantal Goya. Il est de retour en tant qu'interprète avec l'album Frida Kahlo, 14 chansons qui racontent sa vie et les personnages qui ont habillé son existence.

franceinfo : Quel est votre regard sur ce parcours à la fois décousu et constant ?

Jean-Jacques Debout : J'ai écrit ce disque en me disant que c'était peut-être le dernier, parce qu'à 84 ans, on sait bien qu'on a l'avenir derrière soi. Mais j'avais envie d'écrire ces chansons qui me tenaient à cœur, parce qu'elles faisaient partie de ma vie. Les chansons que je chante dans ce disque sont évidemment des histoires que j'ai vécues.

Au départ, vous étiez interprète, ensuite vous avez écrit beaucoup pour les autres, vous vous êtes occupé de Chantal Goya et là, vous revenez sur le devant de la scène. On sent toujours cette émotion à l'idée de chanter.

"C'était ma vie d'écrire des chansons."

Jean-Jacques Debout

à franceinfo

Je suis rentré au début des années 50 comme coursier aux éditions Raoul Breton. J'ai eu la chance d'y rencontrer que des génies : Charles Trenet, Gilbert Bécaud et puis Michel Legrand, avec qui j'ai chanté à l'Alhambra avec son grand orchestre. J'ai débuté là, et toutes mes rencontres m'encourageaient pour continuer.

L'histoire ressemble à un conte de fées. Mais au début, votre père était un grand opticien - il s'occupait notamment du général de Gaulle - et était persuadé que vous alliez prendre la relève. Un jour, vous lui annoncez que ce ne sera pas possible. Il vous met carrément à la porte de l'appartement familial et vous envoie en pension à Juilly. Il y a une chanson dans laquelle vous abordez cette période. Comment la vivez-vous ?

Je ne l'ai pas bien vécu quand j'ai appris qu'il me mettait en pension. Mais quand j'y suis arrivé, je suis tombé sur Jacques Mesrine qui est devenu mon copain. Avant de devenir l'ennemi public que l'on sait, il était, à l'époque, plutôt l'ami public de tous les orphelins de guerre du collège. Jacques avait un cœur d'or. Quand sa mère venait le voir le dimanche, il disait : "Ah, il y a un tel qui a des chaussures qui prennent l'eau, celui-là a un pull tout déchiré" et je revois sa maman. Elle ouvrait son sac qui était plein de billets de banque et elle disait : "Bah écoute, prends ce dont tu as besoin". Alors lui, il prenait les billets et à peine revenu au collège, il allait voir les orphelins concernés et il leur achetait tout ce qui leur manquait. Et je me disais en moi-même c'est quand même formidable ce garçon. J'étais loin de penser qu'il allait avoir la fin que vous connaissez.

Finalement vous allez plus vous consacrer aux autres qu'à vous-même. Ne regrettez-vous pas cela aujourd'hui avec la sortie de ce disque ?

Non, je vais vous dire, moi, personnellement, je ne suis pas mon type d'homme. Je ne me suis jamais bien supporté. Ça a toujours été comme ça depuis mon enfance. C'est peut-être dû à un maître d'école, sur lequel je suis tombé une année, et qui me fichait des coups de règle partout.

"J'ai toujours préféré travailler pour les autres que pour moi. Pour travailler pour soi, il faut quand même s'aimer un peu. Et je ne m'aimais pas assez pour pouvoir faire une grande carrière d'interprète."

Jean-Jacques Debout

à franceinfo

Et aujourd'hui ?

Aujourd'hui, je suis très content d'avoir fait ce disque. C'est Chantal qui m'a poussé à le faire et qui l'a produit .J'espère qu'elle ne sera pas déçue. C'est le vœu que je fais.

Une chanson lui est consacrée : Ne ris pas. Votre relation est incroyable. C'est vraiment l'amour de votre vie, la femme de votre vie.

Ah, je l'adore !

Autant que vous êtes l'homme de sa vie d'ailleurs, vous lui avez permis de se construire. Vous dites même que vous avez grandi ensemble.

Oui, certains vieillissent ensemble, mais nous, au lieu de vieillir, on a grandi.

Pour terminer, des Boutons dorés à Frida Kahlo, en passant par Bécassine, les numéros 1 de Maritie et Gilbert Carpentier, vos chansons pour Michel Sardou, mais aussi pour les génériques de télévision. Que pensez-vous de cette vie alors ?

Elle m'a permis d'être heureux par moments, d'être malheureux à d'autres. Parce qu'il ne faut pas croire qu'écrire des chansons et chanter, c'est toujours rigolo. Et puis tout d'un coup, il y a toujours un petit rayon de soleil qui réapparaît et qui vous redonne l'envie de rechanter. J'aime aussi beaucoup écouter les autres.

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