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Jean Dujardin : "OSS 117, c'est passer par une époque pour se regarder maintenant"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le comédien, producteur et réalisateur Jean Dujardin.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Jean Dujardin lors du Festival de Cannes (Alpes-Maritimes) le 17 juillet 2021. "OSS 117 : Alerte rouge en Afrique Noire" y a été présenté en clôture. (VALERY HACHE / AFP)

Acteur, humoriste, scénariste, réalisateur, producteur, Jean Dujardin est indissociable de la série télévisée Un gars, une fille (1999-2003) ou encore des films Brice de Nice (2005 et 2016). En 2012, son interprétation dans le film en noir et blanc de Michel Hazanavicius The Artist lui vaut notamment l'Oscar du meilleur acteur.

Il devient Hubert Bonnisseur de la Barth en 2006 devant la caméra de Michel Hazanavicius dans OSS 117 : Le Caire, nid d'espions. Aujourd'hui, l'espion est de retour au cinéma dans un troisième volet réalisé par Nicolas Bedos, intitulé OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire.

franceinfo : Quelle place occupe ce personnage d'OSS 117 dans votre vie ?

Jean Dujardin : C'est un peu comme si ce personnage me reconvoquait. Il y a une envie, à chaque fois, de rentrer dans la photo ou la carte postale des années 50, celle des années 60 sur le deuxième et là, on est dans les années 80. Je suis un enfant des années 80. J'aime être dans les époques. J'ai le sentiment que c'est du cinéma pour tout le monde.

On a le sentiment avec le film qu'il y a aussi une vraie envie de porter un regard, de réfléchir sur cette époque révolue.

C'est aussi fait un peu pour ça, OSS 117. C'est passer par cette époque pour se regarder maintenant. C'est une façon de tirer un peu la chasse, pardon pour l'expression, mais c'est vrai que c'est cathartique.

Ce n'est pas mal aussi de rire de ce qu'on a été et avec OSS, on sait de qui on rit. En l'occurrence, c'est de lui, d'un idiot qui a le front un peu bas et qui enfile les clichés avec condescendance.

Jean Dujardin

à franceinfo

On ressent qu'OSS 117 est un rôle très fort dans votre vie, qu'il jalonne votre parcours. Quel est le point de départ de cette envie d'être acteur ? C'est le scoutisme ?

Baden-Powell si tu me vois ! Je ne sais pas... J'arrive à un moment dans ma vie, j'ai 14 ans et je ne sais pas trop quoi faire et effectivement, le scoutisme c'est organiser des veillées, amuser, divertir. On vous donne une responsabilité et je me suis senti un petit homme assez vite, assez tôt. Je ne sais pas si c'est tout ça. Je pense qu'il y a eu une certaine éducation et puis un gros second degré dans la famille qui fait qu'à un moment, on essaie de ne pas trop s'envoler, de ne pas croire à tout ce qu'on peut dire de toi, donc je garde le meilleur en fait.

Dans tout votre parcours, vous avez éprouvé le besoin d'avoir une famille, des gens sûrs autour de vous, solides. "Le Carré blanc", devenu la troupe "Nous C Nous" montre bien que vous aviez vraiment cet esprit d'équipe.

Oui. Peut-être que cela vient de la fratrie Dujardin pour le coup. On était quatre garçons, donc j'ai toujours grandi avec cette idée-là. J'allais voir mon père au rugby le dimanche. J'ai toujours vu beaucoup de gens autour de moi. Je m'entoure aussi de gens que j'estime et ce sont souvent eux qui travaillent le mieux, aiment foncièrement ce qu'ils font.

Quand vous avez quitté Un gars, une fille qui cartonnait à ce moment-là, vous décidez de vous lancer dans le cinéma avec un personnage finalement qui était né largement avant, c'est l'aventure Brice de Nice.

Oui. Il était là depuis le début. C'est un peu ma patte de lapin. C'est un personnage que j'ai créé dans ma chambre et j'ai écrit un jour pour le café-théâtre. C'est un peu mon mauvais fils. J'ai deux fils, OSS et l'autre abruti de Brice.

'OSS' et 'Brice' sont vraiment un bon garde-fou. Une façon de dire aussi : 'Arrêtez de penser à ma place, arrêtez les fantasmes, je vais vous dire qui je suis'.

Jean Dujardin

à franceinfo

Beaucoup de rencontres ont fait basculer votre vie, comme celle avec Nicolas Boukhrief dont la proposition va vous permettre de montrer vos capacités à endosser un rôle à contre-emploi après Un gars, une fille. Le film Le convoyeur (2004) est un tournant ?

J'ai toujours pensé qu'il fallait s'arrêter quand il faisait beau. Si on avait fait une cinquième année, on aurait fait une resucée de tout ce qu'on avait pu faire. Je pense qu'on avait fait le tour du couple. D'ailleurs, je refuse systématiquement la petite comédie romantique parce que ça me rappelle tellement les scènes que j'ai pu vivre dans la série que je préfère voir des choses un peu singulières et nouvelles.

Il y a quand même des metteurs en scène qui prennent aussi leurs risques et je remercie Nicolas Boukhrief de l'avoir fait. Très tôt, j'ai pu commencer à rentrer dans un cinéma d'auteur. J'étais content parce qu'en fait, c'est exactement ce que je suis depuis le début, j'alterne.

J'aime bien me balader dans les genres. Je ne sais pas si je peux tout faire, mais j'ai envie d'essayer.

Jean Dujardin

à franceinfo

Le film muet The Artist est indissociable de votre parcours. Au début, vous avez beaucoup hésité avant de dire oui. Il vous a valu un Oscar. Quand on touche du doigt les étoiles, continue-t-on de rêver et était-ce un rêve d'enfant ?

Je vais vous dire, enfant, mon rêve était sortir de l'école et ce que je visais ce n'était pas la lune, c'étaient les mecs sur les échafaudages, dans les chantiers, en me disant, voilà des gens qui sont à l'air, et qui sont libres. L'Oscar n'est pas un rêve, c'est un accident, c'est un passage. Je suis passé par là. Je ne vais pas croire qu'on puisse être un meilleur acteur ou que ça soit un meilleur film, on est juste là, à un moment et c'est le bon.

Oui, j'ai pris mon risque en disant, je vais faire un film muet en noir et blanc. J'ai douté au début et puis, très rapidement, je me suis dit : "Allez au pire, on se plante. Mais enfin, être une star dans les années 20 dans un film muet, ça se tente quand même ! Vas-y, fonce. De quoi as-tu peur ?"

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Il y a beaucoup d'ironie. L'Oscar en a été la plus grosse de ma vie, quand même, parce qu'aller chercher un Oscar en parlant un anglais de sixième, c'est une arnaque. Je vous avoue que je me pose rarement la question. Je regarde rarement derrière. Je ne sais pas à qui j'ai affaire. Ce gars de 24 ans qui commence dans les bars devant sept personnes puis qui va dans les cafés-théâtres avec ses sketchs, seul sur scène, je sais pas si je pourrais y retourner là, maintenant. Je trouve qu'il avait du courage pour le coup.

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