"Je n'ai jamais créé de sentiment tiède" : Lara Fabian évoque une chanson qui lui ressemble, "La Différence"

L’autrice, compositrice et interprète, Lara Fabian est l’invitée exceptionnelle du Monde d'Élodie Suigo du 15 au 19 juillet 2024. Cinq jours, cinq chansons pour mieux comprendre cette artiste devenue incontournable sur la scène internationale.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Lara Fabian lors d'un concert pendant une visite d'État de la famille royale belge au Canada à Montréal, le vendredi 16 mars 2018. (BENOIT DOPPAGNE / MAXPPP)

Lara Fabian est l'invitée exceptionnelle du Monde d'Élodie toute cette semaine. Cinq jours pour évoquer ses 30 ans de carrière avec ses hauts, mais aussi ses bas. Celle que les Français ont vu débarquer du Québec dans les années 1990 avec une voix puissante touchant droit au cœur, est devenue, au fil de ses 16 albums, une artiste qui compte aussi bien dans les pays francophones qu’anglophones. C’est sans filtre qu’elle se livre en évoquant des bouts de son histoire, des souvenirs de vie autour de ses chansons devenues cultes telles que : Je t'aime, Adagio, I Will Love Again, J'y crois encore, Immortelle, Tu es mon autre, Humana ou encore La différence. Elle revient sur sa rencontre avec le taulier, Johnny Hallyday, qui lui a donné confiance, sur sa vocation à transmettre ce qu’elle a appris aux autres et puis surtout elle souligne l’importance d’un sentiment qui réchauffe les cœurs fermés : l’empathie.

Durant trois décennies, Lara Fabian n'a jamais cessé de proposer un éclairage sur la vie, avec ses joies et ses peines, des pages qui se tournent et des aventures qui démarrent, à son précieux public. En prélude à la sortie d’un 17e album prévu fin 2024, elle nous a offert en janvier 2024 le single Ta peine écrit et composé avec Slimane et confirme qu’une tournée est à venir.

franceinfo : L'adoption a été quasi immédiate dès la sortie de votre premier album. 30 ans plus tard, les ventes ne baissent pas, les salles de spectacles à chaque concert sont pleines. Quel rapport entretenez-vous avec ce public qui vous considère comme l'un des membres de leur famille ?

Lara Fabian : Un rapport de gratitude et d'amour, d'amour infini, d'amour renouvelé avec tout ce qui fait que l'amour est magique. On ne sait pas vraiment pourquoi on aime ou on nous aime. On ne sait pas vraiment pourquoi c'est si fort. On ne sait pas vraiment pourquoi on est attachés les uns aux autres à ce point-là. Et c'est ça qui, à mon avis, crée la magie.

Après le premier album, Lara Fabian (1991), puis Carpe Diem (1994) et Pure (1996), votre destin est scellé. Perdez-vous pied à ce moment-là ?

Alors je perds pied plus quand je commence à traverser du côté international, où je signe aux États-Unis. Il y a un album en anglais qui sort et quelque part, culturellement, même si c'est une partie de mon rêve, je vais me déporter. Alors, je ne perds pas pied qu'à cause des conditions dans lesquelles, quand on n'est pas équipé, on vit un succès, ça, c'est une première partie, c'est vrai. Mais je vais perdre pied à cause de la rapidité des choses. Je vais perdre le sens, le goût des choses. Et je vais être sauvée par une famille et quelques femmes exceptionnelles qui m'auront vraiment tenue à bout de bras pour traverser ces 15 années-là.

Dans Pure, il y avait tellement de tubes. Vous avez inondé les ondes, vous étiez partout, en télévision, dans tous les médias. Je me suis demandé comment vous arriviez à garder ce recul nécessaire, les pieds sur terre...

Je n'y suis pas arrivée. Je me suis laissée happer par les conséquences. Alors, certains se laissent happer en changeant d'un point de vue, leur identité, ils changent complètement. Ça, moi, je ne l'ai pas fait parce que j'étais vraiment très ancrée dans ma culture, dans l'essentiel aussi. Et justement, j'avais le besoin vital d'y revenir pour comprendre ce qui faisait vraiment sens pour moi.

Comment vos parents ont vécu ce moment-là ?

Avec beaucoup de douleur. Parce qu'en fait, les conséquences dont on parle, c'est un peu de se retrouver devant le géant qui nous propulse et ensuite devant le géant qui nous prend et nous écrase. J'ai vraiment vécu les deux.

"Tout ce qui a résonné dans le cœur des gens, et qui faisait de moi une artiste aimée, est aussi devenu la raison pour laquelle j'ai été vraiment détestée."

Lara Fabian

à franceinfo

Après, la bonne nouvelle, c'est que je n'ai jamais créé de sentiment tiède et que c'est vrai que c'était : ou on aimait, on embrassait à 360 degrés ce que j'étais, ou à 360 degrés, j'étais décriée pour ce que je suis, pas ce que j'étais.

Ça vous a touchée qu'on puisse dire du mal de vous, qu'on puisse se moquer ?

Quand c'était vraiment très cruel, oui. Aujourd'hui, ça me fait sourire parce que je me revois en train de réagir par rapport à des choses qui me semblaient tellement injustes. Ce n’était tellement pas ce que je suis. Il y a aussi eu beaucoup de mensonges qui se sont racontés, sur qui je suis, sur quelle était ma posture. Je n'avais pas de posture, en fait. À un moment donné, j'ai glissé parce que c'était incroyablement mouvementé. Et puis j'ai fait du mieux que je pouvais pour me relever. Mais quand on touche à votre voix, quand ce qui vous définit est votre voix et que ça a été profondément aimé et qu'à la fois, c'est ce qui est profondément détesté, vous ne comprenez pas. Il y a une sorte de rupture intérieure qui se produit.

Justement, quelle est votre relation avec votre voix ? Elle ne bouge pas, c'est énormément de travail.

Ma voix est évolutive. Elle est très intime. Elle est réconciliée avec sa force. Je suis très en phase avec toute sa douceur et tout son velours. 

"À une époque, j'avais l'urgence de dire les choses d'une certaine façon et je crois que mon intensité dérangeait beaucoup."

Lara Fabien

à franceinfo

Je crois que ce que j'avais besoin de dire avec cette force, et cette intégrité pouvait irradier quelque chose qui faisait miroir à l'autre d'une intensité insupportable. Ça, j'en ai conscience. Néanmoins, j'étais sincère. Voilà, ça, on ne pouvait pas me le reprocher.

Quelle est la chanson de l'album Pure qui vous a le plus marquée et qui est vraiment une photo de cette période-là ?

Pour moi, c'est La Différence. Après Tout, après Je t'aime qu'on ne présente plus, qui me suit, me précède même dans tous les pays du monde où je vais chanter en français, La Différence, c'est quelque chose qui va cristalliser ce que j'ai à dire. Pour moi, le sujet, c'est la peur qui nous empêche de reconnaître la dimension de ce que l'amour peut être et donc toutes les dimensions que l'amour peut prendre. Et ce qui me touche le plus dans cette chanson, ce n'est pas tellement comment elle est écrite ou ce qu'elle dit, c'est ce qu'elle a fait aux gens, c'est ce qui reste de La Différence. C'est qu'encore aujourd'hui, c'est peut-être une des chansons dont on me parle le plus comme ayant été l'élément de transformation dans les vies d'énormément de gens, de familles, de gens de la communauté qui s'en sont servie comme d'un bouclier ou comme d'un étendard. Quand, en tant qu'auteur-compositeur, on peut faire sens, c'est le plus beau cadeau que le public puisse nous faire.

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