"J'ai réussi à trouver le drôle de ce que j'ai vécu", Manu Payet se livre dans son nouveau one man show
Manu Payet est né à Saint-Denis, sur l'île paradisiaque de la Réunion. Touche à tout, il est humoriste, réalisateur et scénariste et c'est en tant qu'animateur radio qu'il a démarré sur son île natale avant d'arriver à Paris où il s'est rapidement fait remarquer en tant qu'humoriste. Ce qui lui correspond le plus, finalement, c'est la scène sur laquelle on l'a découvert en 2007. Dix ans après, il y a eu un one man show : Emmanuel 1 et là, il est en tournée dans toute la France avec la suite : Emmanuel 2.
franceinfo : Qu'est-ce qui a le plus changé entre vos débuts et aujourd'hui avec Emmanuel 2 ?
Manu Payet : Ce qui a le plus changé, c'est mon rapport à notre beau pays, c'est-à-dire que je sais où je vais. Je sais un peu plus à qui je vais m'adresser et je trouve que le concept de la tournée est absolument formidable et riche. Je me suis rendu compte que moi, pourtant Réunionnais, je connaissais mieux mon pays que pas mal d’amis qui vivent et qui sont nés à Paris. Je trouve que c'est une grande chance que de retourner à la rencontre du public là où il est, là où il a grandi, là où il vit, parce qu'il y a tellement de choses qui se passent dans notre pays que j'adore arpenter les régions. C'est vraiment un moment que j'avais beaucoup moins, en 2007, quand j'ai commencé.
Ce qui ressort, c'est vraiment cette joie de vivre qui n'a pas changé. Je précise quand même que vous avez été élevé à la dure.
"J'ai été élevé à la dure. Du coup, je m'étais donné la mission de faire rire mes parents."
Manu Payetà franceinfo
Mes parents ont fini par rire. Oui, je suis toujours un peu ébahi comme ça. Les gens pensent parfois que c'est un peu naïf, mais je trouve qu'on vit dans une époque où redire des choses naïves, être un peu l'ingénu de service, c'est important. Donc j'essaie de faire de chaque moment, un moment un peu kiffant. Globalement, on fait un métier qu'on aime, on a cette chance d'être sur scène, de réaliser chaque soir un rêve de gamin. En tout cas, c'est mon cas, donc j'essaie vraiment de kiffer. Et c'est ce qui donne cette impression de joie de vivre qui peut être mélancolique aussi.
Ça vous arrive d'être triste ?
Absolument. Pour être joyeux comme vous me voyez être en représentation, il faut que j'aie pu être triste avant, c'est obligatoire. C'est le clown ! Pour enfiler des pompes grandes comme ça, il faut ne pas aller bien à un endroit.
Vous avez 48 ans et c'est vrai que vous gardez toujours cette âme, ces yeux d'enfant.
Je suis toujours ce gars qui, depuis la cinquième, a écouté et a essayé de respecter les mots de Madame Motta qui était ma professeure de français, professeure principale et qui m'a dit : "N'arrêtez jamais de vous étonner devant les évidences Emmanuel. Pensez toujours à ça".
Vous parlez de votre mère aussi dans ce spectacle. Elle n'a jamais vraiment compris que vous puissiez faire le clown parce que pour elle, ce métier est un métier de clown. Elle, elle enseigne dans une école d'infirmière.
La fantaisie quoi ! J'ai dû forcer un peu le truc. Aujourd'hui, j'en parle dans mon spectacle. Je regarde avec nostalgie, malgré tout, cette époque qui n'a pas toujours été chouette au niveau de la sévérité et de la discipline qui régnaient à la maison avec mes parents.
"Quand tu deviens parent, tu deviens beaucoup plus indulgent avec les 'conneries' des tiens."
Manu Payetà franceinfo
La scène vous a construit, vous a apporté ce petit truc en plus. Est-ce qu'elle a fait de vous l'homme que vous êtes devenu ? Est-ce qu'elle a finalement changé votre regard sur la vie ?
Je pense que j'ai d'abord pensé à me faire ma place. J'ai eu du mal à accepter que j'en avais une. Tout ça, ça prend du temps. Et puis, on a vu mes affiches dans Paris, des gens ont commencé à venir me voir, ont vraiment aimé, ont carrément cité des moments de mon spectacle... C'est fou. Il faut faire attention à comment la célébrité te fabrique. Il faut faire gaffe à ça. La scène, c'est la scène, c'est mon métier, c'est mon travail, ce n'est pas la vraie vie. Mais mon travail, c'est de jouer, c'est très ambigu.
Là, vous jouez moins finalement, vous vous racontez et pour le coup, c'est de l'intime.
Là, je joue moins, exactement et j'ai réussi à trouver le drôle, enfin ce que moi je trouve drôle, de ce que j'ai vécu.
Est-ce que justement, l'adulescent que vous étiez hier est devenu adulte aujourd'hui ou est-ce qu'il restera, quoi qu'il arrive, avec un pied dans l'enfance ?
J'ai eu la chance de jouer au théâtre avec Jean-Pierre Marielle pendant quatre mois et en écrivant le petit mot à Jean-Pierre, au moment de sa mort, j'ai terminé par cette phrase : "J'étais un enfant quand je t'ai rencontré et grâce à toi, je le suis resté". J'ai parlé de fondation, j'ai perdu mon papa, voilà, je viens d'évoquer une chose très sérieuse, mais tout ce qui essaie de faire de moi un adulte, je discute avec, on prend un café ensemble, je demande : est-ce ce que tu as vraiment besoin que j'ai 48 ans pour gérer cette affaire ? Ou est-ce que je peux en avoir sept et traverser la rue sans mes parents ? Alors je vais avoir sept ans.
"J'essaye de rester cet enfant tout en sachant que je suis papa."
Manu Payetà franceinfo
J'adore ce que ma fille dit à ses copines : "Mon père fait tout le temps des blagues, donc ne vous inquiétez pas, c'est juste qu'il est fou" et je vois dans le regard des autres ce que j'aimerais voir dans celui de ma fille. Les autres enfants se disent : "Il est génial ton papa, il ne fait que des blagues !" "Je te garantis qu'au bout de quelques jours c'est un peu relou", mais ça ne me fera pas grandir pour autant. Pas là en tout cas.
Manu Payet sera à Dammarie-les-Lys le 11 janvier, au Havre le 28, à Aix-en-Provence le 21 février, à Marseille le 13 mars etc.
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