"J'ai eu besoin d'écrire pour être bien dans mon équilibre d'homme" : Maxime Chattam se dévoile dans son nouveau roman
Maxime Chattam est un romancier qui aime nous faire peur. Ex-étudiant en criminologie, ses romans se sont tout de suite inscrits dans le registre policier. Il s'agit là d'un bon compromis et d'un beau mélange entre ses deux passions, l'écriture et le crime. Au départ, il a écrit des nouvelles, puis des trilogies. Il a également écrit des romans plus indépendants, comme Le Cinquième règne, Le coma des mortels, Le Signal, Une secte. Son dernier roman, Lux vient de paraître, chez Albin Michel.
franceinfo : Le suspense est parfois insoutenable. Vous nous secouez, vous nous obligez à nous questionner. Je crois que c'est le but d'ailleurs ?
Maxime Chattam : Oui, la littérature de divertissement, elle doit divertir. Mais si elle ne va pas un peu plus loin que ça, on n’en retire pas grand-chose. Il faut que ça interroge. Dans un livre comme celui-là, il y a l'envie de prendre le lecteur par la main, pas seulement dans mon histoire mais aussi dans sa propre histoire, pour qu'il se pose des questions. C'est un livre qui parle des peurs collectives. Quel est le monde dans lequel je vis et quel est le monde que je lègue à mes enfants ? Le réchauffement climatique, la peur de l'autre, etc. Mais tout ça, en fait, renvoie à nos peurs personnelles individuelles et la manière dont on se construit. Comment nos peurs personnelles façonnent parfois une société et pas toujours dans la bonne direction. Ce roman fait peur dans ce qu'il implique. Mais là où d'habitude mes romans sont des histoires très noires, avec des crimes, des tueurs en séries et des scènes assez dure à lire, et à écrire d'ailleurs, là c'est un livre très solaire avec des personnages qui sont plutôt positifs. Il n'y a pas de crime. C'est vraiment un livre qui pose des questions.
Impossible de résumer ce livre sans spoiler ?
Je peux vous dire que c'est un roman d'aventures et d'amour. C'est aussi un roman de mystère. C'est un thriller dans la façon dont c'est écrit. Cest un roman où j'essaie de rattacher à des univers qui m'ont construit. Et typiquement celui-ci, ce serait un peu un clin d'œil à Barjavel, par exemple. La Nuit des temps ou Le Grand secret sont des romans qui parlent de choses qu'on espère ne jamais vivre. En réalité, à travers ce truc un peu dingue qui est presque un cinéma américain, il va nous parler de nous, de la société. Ce que j'aime chez Barjavel, c'est qu'il nous prend par la main pour nous divertir avec un grand D, c'est vraiment du grand spectacle, de l'aventure, du mystère. Et en même temps, régulièrement, on s'arrête, en se disant : cette question-là, je peux me la poser, mais quelle est ma réponse ? Et c'est ce genre de moment-là que j'ai essayé d'atteindre.
C'est un focus aussi sur cette notion de vérité qui nous accompagne tous les jours. Où se trouve la vérité ? Est-il vraiment raisonnable, évident ou obligatoire de connaître la vérité ?
Avoir des fragments de nos vérités, c'est déjà bien. Et Barjavel disait "la vérité, c'est ce qu'on croit". Cette phrase m'a animé pendant toute l'écriture parce que je trouvais ça intéressant de raconter une histoire, mais que cette histoire-là puisse avoir différentes vérités. Que ce soit celle des différents personnages, mais aussi celle des différents lectrices et lecteurs du roman. J'espère que chacun va se l'approprier et en tirer quelque chose de personnel qui va au-delà même du récit.
Ce récit est particulier pour vous, parce que votre père a disparu juste avant qu'il ne sorte et vous lui rendez hommage à travers cet ouvrage comme vous rendez hommage à votre grand-mère. Qu'est-ce que vous gardez de vos parents depuis que vous êtes tout petit ?
Ils m'ont apporté tout ce que je suis aujourd'hui et l'équilibre que j'ai trouvé en tant que romancier. Je me suis mis à écrire parce que le monde dans lequel je vivais ne correspondait pas à ce monde que j'aurais voulu vivre. J'étais malheureux. Je trouvais que le monde était très décevant.
"Quand on lisait Mark Twain, Tom Sawyer ou 'Le Seigneur des anneaux' de Tolkien et qu'on voyait le monde derrière, il y avait de quoi être vraiment déçu."
Maxime Chattamà franceinfo
Ce sont des mondes avec des valeurs, riches de possibilités et optimistes, alors que celui dans lequel on vit est plutôt un peu l'inverse par moments. J'ai eu besoin d'écrire pour être bien dans mon équilibre d'homme, tout en restant un être humain et pas juste un auteur qui se réfugie dans l'écriture. D'ailleurs, c'est un peu ce dont je parle avec Zoé, un des personnages, qui est romancière dans le roman. On a vite fait, quand on est heureux dans son écriture, de ne faire que ça et de ne vivre qu'à travers l'écriture parce que tout ce qu'on n'a pas dans la réalité, on peut se l'inventer. Quand on écrit, quand on a le pouvoir de maîtriser les mots, c'est tentant de rester dans son monde sept jours sur sept, vingt heures par jour, à écrire ses histoires et à fuir la réalité. Mes parents m'ont, je pense, donné les outils pour comprendre le monde avec ma perception et pour arriver à trouver mon point d'équilibre, à être justement un être humain, un romancier et à essayer de faire en sorte que les deux puissent cohabiter et exister.
Il y a beaucoup de vous dans cet ouvrage ?
Oui, je pense. Plus que dans beaucoup d'autres en tout cas.
Lors de la conclusion d'un roman, c'est difficile pour un écrivain de quitter ses personnages. Est-ce que vous les faites vivre tout simplement ou est ce que, comme Zoé dans le livre, vous les avez incarnés et vous avez été l'un d'entre eux à chaque fois ?
Quand Zoé parle de ces personnages, c'est moi qui parle. Ce livre-là à la fin, ça a été un déchirement total. J'ai eu le baby blues du romancier.
"J'ai aimé fondamentalement et profondément mes personnages, parce que j'ai été eux."
Maxime Chattamà franceinfo
Même les personnages un peu déglingués, parfois des personnages qu'on n'a pas envie de caractériser comme des héros, je les aime parce que je comprends leurs failles. J'ai vécu tout ça, toutes ces choses que je fais grandir en moi. Et à un moment, j'écris. Sauf que quand je dis adieu et surtout quand je sais que je ne reviendrai jamais à ces personnages dans une histoire, c'est hyper difficile parce que c'est vraiment dire adieu à des enfants qu'on a aimés pendant quelques mois ou années et les confier au monde. À partir de là, c'est aux lectrices et aux lecteurs de se les approprier.
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