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"J'ai des regrets, j'aurais dû en apprendre plus sur ma mère" : les confidences de Marc Levy sur son roman "Toutes ces choses qu'on ne s’est pas dites"

L’écrivain Marc Levy est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie toute cette semaine. L'écrivain français le plus lu dans le monde entier revient sur son parcours à travers cinq de ses ouvrages. Il vient de publier "Éteignez tout et la vie s'allume" aux Éditions Robert Laffont Versilio.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Marc Lévy, écrivain. (MAXPPP)

Marc Levy est romancier depuis plus de 20 ans. Il est considéré comme l'écrivain français le plus lu dans le monde, avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus, des traductions en 50 langues. Son succès a été immédiat après la parution de son premier roman, Et si c'était vrai…, en 2000. Celui-ci a été tel qu'il a démissionné du cabinet d'architecture dans lequel il travaillait, pour se consacrer pleinement à l'écriture. Il a continué à explorer les âmes humaines, les relations homme-femme, le couple, l'amour. Il y a eu Où es-tu ? en 2001, Sept jours pour une éternité... en 2003, Vous revoir en 2005, qui était d'ailleurs la suite de Et si c'était vrai..., Mes amis, mes amours en 2006.

Marc Levy vient de publier Éteignez tout et la vie s'allume aux Éditions Robert Laffont Versilio.

franceinfo : En 2008, vous publiez Toutes ces choses qu'on ne s’est pas dites. C'est l'histoire d'une jeune femme, Julia, qui, à la veille de son mariage, apprend par téléphone que son père est décédé. Un père qu'elle voyait peu et qui avait le don de disparaître toujours à des moments cruciaux de son existence. Mais ce même coup de téléphone lui apprend aussi que cet homme absent lui a réservé une surprise. Un voyage qui va lui permettre de découvrir toutes ces choses qu'ils ne se sont pas dites. Ce livre, c'est un peu, malgré tout le contrecoup de votre précédent ouvrage : Les Enfants de la liberté. On se rend compte à quel point, lorsque les gens disparaissent, ils nous manque beaucoup d'éléments, beaucoup de réponses à des questions que l'on n'a pas forcément eu le temps de poser...

Marc Levy : Ce livre est né d'une conversation assez inattendue que j'ai eu un jour avec ma mère. Je suis dans la voiture de maman. Je suis au téléphone avec mon fils et avant de raccrocher, je dis à mon fils : à tout à l'heure, je t'aime. Maman est au volant, redémarre. Il y a un grand moment de silence et au bout de quelques secondes, les yeux rivés vers le loin, elle me dit : "Mon père ne m'a jamais dit qu'il m'aimait" et je lui réponds : mais tu savais qu'il t'aimait ? Et maman n'a pas répondu. Et je me rendais compte qu'au moment où elle avait dit cette phrase, ce n'était pas ma mère qui l'avait dite, c'était la jeune fille de 12, 13 ans. Évidemment, je sais que mon grand-père a aimé sa fille, mais il y avait une souffrance dans le non-dit. Je suis aussi quelqu'un de très pudique, c'est pour ça que j'écris, j'écris pour mettre sur le papier tout ce que je n'arrive pas à dire à haute voix et je trouve ça passionnant dans le rapport humain. Ce frein de pudeur qui fait qu’on n’arrive pas à dire les choses tout en ayant conscience que cela peut s’arrêter demain. Et donc, j’ai eu cette idée farfelue de cette femme qui a eu un rapport très conflictuel avec son père, qui l'agace, qui l'énerve, qui l’insupporte avec lequel elle est en permanence en désaccord.

C'est un père qui prend beaucoup de place, un personnage assez tonitruant et le lendemain de sa mort, elle va se retrouver face à lui avec la possibilité de faire un voyage très limité dans le temps. En fait, elle a sept jours pour se dire tout ce qu'ils ne se sont pas dit. Et au cours de ce voyage, elle va, pour la première fois, comprendre que son père n’était pas que son père, c’était aussi un homme qui avait sa propre vie, ses propres émotions. Ce qui est merveilleux dans la vie, c’est que pendant toute une période, on est les enfants de nos parents et puis à un moment donné en devenant les parents de nos enfants, on prend conscience que nos parents n’étaient pas finalement juste nos parents, ils avaient aussi le droit d’être des êtres humains, d’être faillibles. C’est ça l’histoire de ce roman. Et c’est vrai que Julia au cours de ce voyage, finalement, rencontre pour la première fois de sa vie, l’homme qu’était son père et pas seulement la façade du père. Du coup, elle va se mettre à l'aimer beaucoup plus et différemment parce qu'elle va se rendre compte que toutes ses fragilités, tout ce qu'elle n'a pas réussi à contrôler et à maîtriser, c'était pareil pour ses parents.

Je me suis demandé si vous aviez des regrets parce que ce livre en dit long aussi, par moments, sur les questions qu'on n'a pas posé.

Beaucoup plus avec ma mère qu'avec mon père. J'ai l'impression qu'avec mon père, on s'est dit l'essentiel, il n'y a pas de zones d'ombre. Oui, j'ai des regrets avec maman, j'aurais dû en apprendre plus sur elle.

Du coup, vous transmettez ça à vos enfants ?

"C'est dans l'ennui que vous développez votre imaginaire et pas dans la suroccupation."

Marc Levy

à franceinfo

J'essaie. Alors ce qui est drôle, c'est que moi, je fais le contraire, mais ça ne les intéresse pas du tout. J'essaie de leur raconter, mais ils s'en foutent complètement alors que nous, on était très en demande, mais on n'osait pas demander. En même temps, aujourd'hui, les enfants ont des sources de distraction qu'on n'avait pas nous. Donc il n'y a rien de plus générateur d'imagination que l'ennui.

Ce qui est fort, c'est que tous les livres que vous avez écrits vous construisent en tant qu'homme.

Oui, alors pour Toutes ces choses j'ai eu, quand même, un grand bonheur, c'est qu'il a été adapté en série. C'est Jean Reno qui incarne le père et ça, c'est assez extraordinaire. Tout d’un coup, un personnage que vous avez créé est incarné et par un homme que vous admirez, que vous aimez et qui, ce n'est pas qu'il le joue, mais il le vit. Moi, j'ai vu Jean sur le plateau dans la scène où le père s'excuse auprès de sa fille de toutes les erreurs qu'il a pu commettre. J'ai vu toute l'équipe technique en larmes. Et ça, c'est un moment magique. Parce que dans la joyeuse folie de l'auteur, il y a cette schizophrénie douce qu'on entretient avec des personnages de fiction qui n'existent pas, mais qui rentrent dans votre vie comme des vrais personnages.

"'Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites' est un des romans qui m'a apporté le plus de bonheur grâce à cette adaptation en série. Tout à coup, vous êtes sur un plateau et Julia et Adam incarnés par Alexandra Maria Lara et Jean Reno prennent vie et vous les entendez, les voyez pleurer, rire. Là, c'est vraiment un moment magique."

Marc Levy

à franceinfo

C’est un des romans qui m’a apporté le plus de bonheurs grâce à cette adaptation. En plus, j'ai eu la chance de la faire avec un metteur en scène que j'aime passionnément, qui est Miguel Courtois et ça a été une aventure humaine magique, vraiment.

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