"Il y a encore du boulot" pour médiatiser le sport féminin, souligne l'athlète Mélina Robert-Michon
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’athlète de haut niveau, spécialiste du lancer de disque, Mélina Robert-Michon.
Mélina Robert-Michon est une athlète spécialiste du lancer du disque, vice-championne aux J.O. de Rio en 2016 et aux Championnats du monde de Moscou en 2013, elle est détentrice du record de France de cette spécialité depuis juin 2000.
franceinfo : Depuis le 21 février dernier, vous êtes entrée dans l'histoire de l'athlétisme français car la plus titrée des athlètes françaises avec le plus de titres nationaux, soit 34 fois championne de France. Vous arrivez à déguster ce 34e titre, cette entrée dans l'histoire de l'athlétisme français ?
Mélina Robert-Michon : Oui, je savoure. Après, je ne m'en rends pas trop compte, ça ne me paraît pas si loin que ça, le premier. Je profite et en même temps je suis la première surprise car jamais de la vie, je n'aurais pensé y arriver et être encore là maintenant.
Aujourd'hui, vous avez 41 ans, vous êtes une athlète et une mère accomplie avec vos deux filles. On peut donc allier maternité et entraînement de sportive de haut niveau?
Je ne voulais pas choisir entre ma vie personnelle et ma vie sportive, aucun sacrifice. J'ai essayé de faire au mieux pour tout concilier et c'est maintenant une cause que j'ai envie de défendre.
Personne ne devrait avoir, à un moment donné, à faire ce choix entre sa vie de femme et sa vie d'athlète.
Mélina Robert-Michonà franceinfo
On est le 8 mars aujourd'hui. Y a-t-il un message à faire passer en tant que femme dans le sport sur ce qu'il y a encore à accomplir, les domaines dans lesquels il faut avancer?
J'ai envie de dire qu'il ne faut pas se poser de limites. Je pense que souvent, c'est nous-mêmes, en tant que femmes qui, parfois nous imposons un petit peu des limites en disant : "Non, je ne vais pas avoir un enfant pendant ma carrière". On trouve toujours de bonnes raisons. Je pense que déjà, il faut que nous, en tant que femmes, on ose le faire. Finalement, je me rends compte que les autres barrières tombent aussi plus facilement. Parce que lorsqu'on est convaincue de son projet, de ce qu'on veut faire, alors on emmène un peu avec nous tous les gens qui sont autour de nous.
Quand on se réveille un 8 mars, la journée des droits des femmes, se dit-on que le chemin est encore long ?
Je suis quand même plutôt optimiste, je me dis : "Voilà, il y a pas mal de choses qui ont été faites". Il faut aussi le souligner, ça fait du bien de le souligner. Il y a encore beaucoup de boulot. J'ai deux petites filles et je me dis que c'est aussi pour elles que je fais tout ça pour qu'elles n'aient plus justement à le faire. J'espère que dans quelques années, elles n'auront pas besoin de mener tous ces combats qui auront déjà été menés, qui auront abouti.
Vous dites qu'il faut mieux médiatiser le sport féminin. Il y a encore énormément de carences de ce côté-là?
On dit souvent qu'on ne parle pas beaucoup du sport féminin, que les gens ne s'y intéressent pas mais à un moment donné, ils ne peuvent pas s'y intéresser s'ils n'en voient pas. Par exemple le foot féminin, du jour où on a commencé à en montrer à la télé, tout de suite les gens s'y sont intéressés, ont commencé à regarder. Je pense que les images sont fortes et pareil pour une petite fille qui voit des filles jouer au foot à la télé. Si elle veut en faire, elle n'aura plus la même appréhension en se disant que c'est pour les garçons et pas pour les filles.
Vous êtes fille d'agriculteur isérois, loin du lancer du disque ! Vous craquez pour ce sport à l'âge de 15 ans. On va juste faire une petite précision, c'est qu'à 13 ans, vous mesuriez déjà 1,77 mètre et que vous n'étiez pas du tout bien dans votre corps. Ce sport vous a-t-il permis de lâcher prise sur vos complexes?
Dans une période où on a envie que personne ne nous remarque, on ne voyait que moi donc c'était un petit peu compliqué. J'aurais rêvé d'être petite, d'être un peu dans la norme, on va dire. Donc voilà, ça m'a permis de l'apprivoiser et de me dire que finalement, il allait me permettre de faire des choses que les autres pouvaient peut être pas faire aussi.
Le sport me permettait de valoriser ce grand corps que je trouvais hyper-encombrant. Maintenant, je me dis que je ferais bien quelques centimètres de plus, ça ne serait pas de refus !
Mélina Robert-Michonà franceinfo
Vous avez été repérée très vite. Vous aviez déjà cette force mentale. Les premiers Jeux Olympiques en 2000, puis Athènes avec une vraie déception. En 2008, Pékin, ça a été une énorme libération. 2012, c'est Londres. Vous êtes maman depuis deux ans et finalement, vous êtes revenue à la plus haute place. C'était un grand moment pour vous ?
Je m'étais dit : "Je vais faire mes derniers Jeux" donc j'ai vraiment profité et en même temps, je fais une performance que je n'avais pas faite depuis longtemps et ça a été mon meilleur résultat. Ma fille a été une motivation supplémentaire quand je suis revenue. Je me suis retrouvée cinquième et je me suis dit: "Je suis au pied du podium, est-ce que j'ai vraiment envie d'arrêter maintenant alors que je n'ai jamais été aussi près ?" Ça a été le déclencheur pour ma deuxième carrière.
2016, c'est la consécration. On est à Rio. Vous avez décidé de tuer le concours et c'est ce que vous allez faire avec un lancer extraordinaire.
Juste avant de me coucher, je regarde l'ordre de lancer qui venait d'être affiché et je vois que j'étais la première à lancer. Je connais un petit peu mes adversaires et je sais que si je fais un très gros premier essai, ça va un petit peu les déstabiliser. Donc je me dis : "Il faut que je joue là-dessus à fond, ton destin est entre les mains et à toi de jouer" et ça a plutôt pas mal marché.
Prochain objectif : les J.O. de Tokyo, qui ont été décalés.
J'ai envie de tout donner, de ne pas avoir de regrets. C'est vrai que j'ai toujours fonctionné comme ça dans ma carrière, de me dire : "Voilà, je fais tout ce qu'il faut. Après, ça marche ou ça ne marche pas, c'est du sport, donc on ne peut pas tout maîtriser non plus". Mais en tout cas, je n'aurais pas de regrets, c'est sûr.
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