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François Ozon mène l'enquête dans son nouveau film "Mon crime" : "C'est un hymne au jeu des acteurs, de mentir pour dire une vérité"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le réalisateur, scénariste et producteur, François Ozon. Ce mercredi 8 mars 2023 sort son petit dernier, "Mon crime" avec Nadia Tereszkiewisz, Rebecca Marder et Isabelle Huppert.
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Ozon, en février 2022. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

François Ozon est réalisateur, scénariste et producteur. Avec Claude Lelouch, Jean-Jacques Annaud, il est l'un des rares cinéastes à toucher aussi bien à la réalisation qu'à l'écriture, à la production de ses films aussi. Cinéaste prolifique, il sort en moyenne un film par an, souvent diamétralement opposés. Ses films ont du caractère, une esthétique, une photographie et son parti pris est systématiquement assumé. Ce qui a donné naissance à des films qui attisent l'envie de les découvrir d'une part, et de les laisser nous cueillir. On pense à Huit femmes (2001), Swimming Pool (2003), Ricky (2009), Potiche (2010), Été 85 (2020), Grâce à Dieu (2018). 

Ce mercredi 8 mars 2023 sort son petit dernier, Mon crime avec Nadia Tereszkiewisz, Rebecca Marder et Isabelle Huppert.

franceinfo : Mon crime sort aujourd'hui, il ne vous appartient plus. C'est dur à vivre ou pas ?

François Ozon : Pas du tout. Je suis content de m'en débarrasser.

Vous vouliez faire un film avec un faux coupable. Mon crime raconte l'histoire d'une jeune comédienne qui n'obtient aucun rôle et se retrouve accusée du meurtre d'un célèbre producteur qu'elle est allée voir peu de temps avant. Lors du procès, grâce à son amie avocate, elle invoque la légitime défense. C'est une comédie policière, une énigme à la Agatha Christie. C'est un énorme écrin pour les acteurs et les actrices que vous avez fait ?

C'est un hymne aux actrices et aux acteurs en général.

C'est presqu'une déclaration d'amour...

Oui, parce que ce que j'aime chez les acteurs, c'est qu'ils sont que dans le faux, dans l'artifice, mais néanmoins ils nous touchent. Une vérité émerge et c'est ça que j'ai voulu raconter dans ce film où il y a une espèce de mise en abyme sur une actrice qui effectivement dit un discours qui n'est pas le sien, qui est écrit par quelqu'un d'autre. Mais néanmoins, elle trouve sa propre vérité en disant les mots des autres et elle devient une grande actrice. Mon crime est un hymne au jeu des acteurs, au fait de mentir mais de mentir pour dire une vérité. 

C'est vrai que ce film continue le travail que vous avez démarré il y a bien longtemps sur la condition féminine, sur le rapport entre les hommes et les femmes et notamment sur le rôle clé que représente la figure féminine. C'était aussi un hommage que vous souhaitiez leur rendre ?

Je ne sais pas si c'est volontaire. En tout cas, j'ai toujours aimé les personnages féminins au cinéma parce que les femmes, par état de fait, sont souvent dans la société en position de victime. Donc elles doivent se battre plus, elles doivent trouver des moyens pour s'en sortir. Ce sont des personnages que je trouve souvent plus intéressants. Il y a le cliché de se dire que la femme doit utiliser sa beauté, sa séduction pour s'en sortir et là, ce que j'aime bien, c'est que ces deux jeunes filles se servent avant tout de leur intelligence et de leur malice pour trouver leur chemin.

Il y a plusieurs générations qui sont représentées dans ce film. C'est aussi tout votre travail. Celui de montrer qu'une actrice, au-delà d'un certain âge, peut toujours continuer à jouer. Il y a un énorme travail de transmission. C'est important pour vous ?

Oui. J'ai toujours aimé mélanger à la fois les familles d'acteurs et aussi les générations, parce que je trouve qu'il se passe quelque chose de souvent émouvant. De voir un acteur comme Fabrice Luchini, qui a un tel savoir-faire, qui a fait tellement de films, se retrouver face à une jeune actrice toute fraîche qui débute, ça le perturbe aussi. On met un monstre sacré avec quelqu'un qui débute... Après, il faut accompagner et faire en sorte que ça se passe bien parce qu'il ne faut pas que le grand acteur dévore le petit acteur ou la petite actrice. Mais je trouve que ça provoque quelque chose de toujours intéressant cinématographiquement.

Vous avez grandi avec un papa biologiste, une mère prof de français, dans une famille de quatre enfants. Vous gardez quoi de cette enfance ?

J'ai baigné dans un milieu culturel. Il y avait beaucoup de livres chez moi. Et puis mes parents étaient assez cinéphiles, donc j'ai vu des films assez tôt.

Mon père avait une caméra Super 8, il faisait les films de vacances et un jour, je me suis emparé de cette caméra et j'ai trouvé ma place. J'ai pris du plaisir.

François Ozon

à franceinfo

Vous avez filmé votre famille d'ailleurs !

J'ai filmé ma famille, j'ai filmé mon frère qui a assassiné mes parents et mes sœurs. J'ai commencé à raconter des histoires et en fait, c'est quelque chose d'incroyable pour un enfant de trouver sa voie. Tout d'un coup, savoir que là, je suis à la bonne place.

L'envie de faire changer les choses, de faire évoluer les regards aussi, j'ai l'impression que c'est ce qui a toujours été le moteur de votre âme créatrice. Vous étiez l'un des premiers à avoir parlé d'homosexualité, d'aller bousculer les conventions établies.

Oui, mais c'est quelque chose d'assez naturel. C'est-à-dire que moi, en tant que spectateur, j'aime rentrer dans une salle de cinéma et sortir bouleversé dans le sens où mes idées ont pu changer mes sentiments. J'aime bien cette idée que le cinéma vous révèle des choses à vous-même. Et ce qui est beau par rapport à mon expérience de spectateur, c'est que souvent, le cinéma nous révèle des choses qu'on a en soi, mais qu'on n'a pas été capables de formuler. Par exemple, quand j'ai vu Lettre d'une inconnue de Max Ophüls (1948), ça a révélé quelque chose d'une histoire d'amour que j'ai pu vivre. 

"Ce qui est beau, c'est quand le cinéma arrive à nous toucher intérieurement sans qu'on s'en rende compte."

François Ozon

à franceinfo

Quand on regarde vos films, on se rend compte que vous parlez beaucoup de vous-même, de ce qui vous touche, de ce qui vous correspond, de ce qui vous définit.

C'est vrai que j'ai souvent eu l'impression de me dévoiler. Quand on me dit que je suis mystérieux, je dis : mais attendez, regardez mes films, il y a tout ! Même si ce sont des personnages féminins, même si ce sont des personnes plus âgées que moi, j'ai l'impression de raconter quelque chose. Après, c'est un puzzle, mais en tout cas, ma sensibilité est présente.

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