Francis Cabrel : "Il n'y a pas d'album à venir, mais rien que d'en parler, ça me donnerait presque envie de réécrire"
Francis Cabrel, c'est plus de 45 ans de carrière, 14 albums studio, huit en public, cinq compilations et des centaines de concerts. Auteur, compositeur, parolier et musicien, il est devenu un artiste qui compte dans le paysage de la chanson française. Avec son accent du Sud revendiqué, Francis Cabrel a su s’imposer avec cette musicalité qui a séduit des millions d’oreilles. Il a aussi su nous prendre par la main, habiller nos souvenirs avec des chansons comme : Petite Marie (1977), L'encre de tes yeux (1980), La dame de Haute-Savoie (1980), Il faudra leur dire (1987), Sarbacane (1989) ou encore La corrida (1994), qui désormais ne sont plus à lui tout seul, mais aussi à nous. Cet artisan faiseur de tubes a reçu franceinfo chez lui, à Astaffort, un endroit fondateur qui a toujours fait partie de lui et de ses créations, notamment celle Des Rencontres d'Astaffort , un liant avec de jeunes artistes, auteurs, compositeurs, interprètes à l’image de sa fille Aurélie, qui y vit et a créé le label Baboo Music sous lequel est sorti son dernier single, Un morceau de Sicre .
franceinfo : Vos titres sont devenus des classiques de la chanson française. Celle qui vous a tant inspiré et guidé avec Bob Dylan, découvert à la radio alors que vous n’aviez que 13 ans. Que vous évoque cette catégorie : chanson française ?
Francis Cabrel : J’éprouve une admiration sans borne et sans limite pour la chanson française. Je peste beaucoup quand je vois des artistes français chanter en anglais. Ça me crispe parce que je pense qu'on a une langue qui est fabuleuse, qui a tellement de nuances, tellement de façons de la prononcer et aussi de la malaxer. Je crois que c'est une grande fierté d'être un chanteur français, justement.
Cinq décennies à nos côtés, 70 ans il n'y a pas si longtemps, et en même temps, j'ai l'impression que votre regard n'a jamais changé. C'est ce qu'on découvre d'ailleurs dans Un morceau de Sicre.
J'espère que rien n'a changé, que je suis toujours aussi passionné. Bon, j'en suis certain puisque je suis à l'intérieur de ma passion chaque jour. Quand je repense à celui qui a écouté Like a Rolling Stones par exemple, j'avais 14 ou 15 ans, et le choc que ça m'a procuré, eh bien, je suis toujours dans la même admiration pour la chose chantée, en fait. La chose chantée en français puisque je suis français et que j'adore la littérature et que tous les grands prédécesseurs nous ont portés et nous montrent toujours l'exemple, depuis La Fontaine, Victor Hugo, etc. Avec toutes les inspirations que je revendique, effectivement américaines, surtout anglaises, on peut arriver à faire quelque chose de digne.
Il y a un mot qui vous colle à la peau, c'est liberté. Êtes-vous un artiste libre ? L'avez-vous toujours été ?
C’est compliqué d'être libre dans ce métier qui a autant de contraintes sur lesquelles il faut quand même savoir passer. Je passe sous les contraintes avec le plus de liberté possible.
"Je donne l'impression d'être plus libre qu'il n'y paraît."
Francis Cabrelà franceinfo
C'est la première fois que votre fille Aurélie vous produit avec Baboo Music sur ce single Un morceau de Sicre. Vous avez toujours préservé votre famille, même si vous la racontez à travers vos chansons et maintenant, vous la mettez en exergue. Il y a un temps pour tout ?
Il y a un temps pour tout et elle a aussi fait ses preuves. Elle s'affirme comme quelqu'un qui a une autorité dans le domaine de l'édition, de la production. Avec son petit label, elle se bat comme une lionne pour que ces jeunes artistes existent. Mon idée, c'était de mettre un coup de projecteur aussi sur ce genre de travail. Et c'est toujours pareil, il faut que la notoriété serve à quelque chose. À Voix du Sud, l'histoire de ces rencontres d'écriture, c'est aussi "Que faire de ma notoriété ? Tiens, on va en profiter. Je vais convoquer tous mes potes du métier et on va aider ces jeunes artistes chacun à notre tour". Et là, c'est un petit label sur lequel je mets un éclairage pour que ma vie ait servi à quelque chose.
Quand on écoute Un morceau de Sicre, ce qui saute aux oreilles, c'est que votre voix ne bouge pas. Il y a toujours cette petite étincelle dans votre regard. On vous imagine en train de chanter. Il y a toujours cet accent, certes, mais il y a toujours cette musicalité, cet amour des autres. Alors, quel regard portez-vous sur cette carrière ?
Oui, je suis obligé de faire un bilan aujourd'hui. Je n'ai pas tout à fait 50 ans de carrière, 45 faciles, mais les 50 approchent. Moi, je suis très content de ce qui m'est arrivé parce que c'est vraiment une suite, je ne dis pas de hasards, mais de situations que je n'imaginais pas du tout. D'année en année, c'était des surprises quoi ! Qu'est-ce que je vais faire là ? Tiens, j'écris des chansons et ça passe bien. Il faut que j'en fasse une autre et ainsi de suite. Il n'y avait pas de plan préconçu. Je pensais que ça pouvait s'arrêter à tout moment.
"Mes 50 ans de carrière approchent et là, l'histoire continue. Quand je croise des gens qui me parlent de comment ils voient mon répertoire, je suis vraiment touché, assez profondément."
Francis Cabrelà franceinfo
Encore et encore est le titre qui vous colle à la peau. À chaque fois qu'on parle de vous, qu'on fait des bilans parce qu'on se dit encore et encore des chansons, encore et encore des concerts. Y a-t-il un album à venir ?
Il n'y a pas d'album à venir, mais rien que d'en parler, ça me donnerait presque envie de réécrire. Je n'ai pas d'idée. Je n'ai pas de petit carnet avec des phrases en avance. Je pars de zéro. Mais j'aime aussi beaucoup ça, c'est-à-dire que je ne me présente pas comme quelqu'un qui réutilise des ficelles, une demi-chanson qui a sept, huit ans. Non, non, je n'ai rien, je fais table rase et c'est ce défi qui m'intéresse.
Avez-vous vous une chanson qui vous colle le plus à la peau dans tout ce parcours ?
Moi, je pense que nostalgique comme je suis, mélancolique, romantique, je pense qu'Octobre est celle qui me correspond le mieux parce que j'aime beaucoup les couleurs de l'automne. La campagne devient magnifique, elle se pare de roux, de jaune. Il reste encore un peu de vert, mais qui jaunit, qui fane. Je trouve ça vraiment merveilleux. Tous les paysages de chez nous sont à leur maximum de beauté. Et puis parce que c'est un moment où on se resserre, où il commence à faire un peu plus frais. Alors l'idée de se resserrer, entre nous, repartir notamment dans son petit noyau familial, ça me plaît beaucoup.
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