Edgar Morin : "L’amour, la curiosité, les amitiés, tout ça c’est la poésie de la vie"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, le sociologue et philosophe sans âge Edgar Morin pour son dernier livre "Les souvenirs viennent à ma rencontre" aux Editions Fayard.
Dans son dernier ouvrage Les souvenirs viennent à ma rencontre, Edgar Morin nous livre "les éléments clefs de son histoire". Il y raconte ses débuts dans la vie avec une mère qui ne souhaite pas le garder et tente d’avorter et puis une naissance difficile avec le cordon ombilical autour du cou avant qu’il puisse respirer. Il apprend cela par une lettre écrite par son père : "C’est un évènement qui m’a marqué très profondément (…) Donc, je reste encore marqué par cette naissance".
L’autre évènement tragique, c’est la perte de cette mère alors qu’il n’a que 10 ans : "Le terrible c’est que non seulement cette mort m’a frappé, qu’on me l’a cachée mais que je l’ai découverte quand j’ai vu mon père avec les souliers noirs, un costume noir et tout en noir. J’ai tout compris et j’ai fait semblant de ne pas comprendre".
Il a tellement voulu me protéger qu’en fait il m’étouffait.
Edgar MorinĂ franceinfo
Ses trois péchés mortels
Edgar Morin, dès l’adolescence, milite, s’engage dans des combats politiques : "Je crois que cet engagement vient des évènements qui étaient très intenses à l’époque. Il y avait le nazisme, le fascisme, le communisme stalinien. C’était plutôt anormal que de ne pas être touché par ces évènements. Ce que j’ai fait". Gaulliste, communiste et juif, trois péchés mortels pour les nazis : "Oui bien sûr, parce que quand j’y pensais je me disais : 'Mon dieu qu’est-ce que je risque avec ça ? Trois fois la mort'. Mais en même temps, je m’en glorifiais, je me disais : 'Quand même c’est pas mal'."
De l’importance d’aimer et d’être curieux
"Ce n’est pas que je suis un sĂ©ducteur, je suis un sĂ©duit, très facilement sĂ©duit. Mais dans le fond, je crois que je suis restĂ© profondĂ©ment fidèle Ă l’amour". "Ce qui est le plus important c’est l’amour et la curiositĂ© avec les variantes de l’amour qui sont les amitiĂ©s, tout ça c’est la poĂ©sie de la vie".Â
Arrivé à 98 ans, c’est aussi pour lui la période de la disparition des amours, des amis, des moments difficiles à vivre mais aussi une projection sur sa propre fin. Edgar Morin raconte : "Quand j’ai atteint 80 ans et que je suis devenu un octogénaire, je me disais que cela peut arriver d’un moment à l’autre. Donc je m’attendais à cet évènement, à cet accident en me disant 'on continue à vivre et on verra bien'. Et puis j’ai atteint 90 ans, j’arrive à 91, 92… Maintenant je suis arrivé à un point  en me disant : 'C’est vraiment bizarre si je meurs'. Mais elle va finir par m’avoir !"
"La pensée est le bien le plus précieux pour nous et pour la société"
Depuis 1987, l’infatigable Edgar Morin est directeur de recherches émérite au CNRS et officie encore dans de nombreuses universités dans le monde : "C’est mon bouclier (…) Cela prouve que je ne suis pas totalement nul ".
Et ce grand penseur souligne l’importance de la pensée dans notre société malade : "Aujourd’hui, à travers toutes les crises que nous subissons, je pense qu’il y a au noyau de cette crise, une crise de la pensée, une crise de l’intelligence, une crise de la connaissance. Avant de penser à traiter les autres crises, c’est cette crise là qu’il faut surmonter".
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