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"Douala Paris", le retour aux sources d’Irma

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’auteure, compositrice et interprète camerounaise, Irma. Elle vient de sortir son quatrième album, "Douala Paris".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
La chanteuse Irma, invitée de franceinfo le 12 novembre 2019 (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Irma est auteure, compositrice et interprète camerounaise. Révélée par les internautes à travers le label participatif MyMajorCompany, 416 internautes producteurs ont misé sur elle en moins de trois jours et à la clé, le succès, comme celui de son titre I Know. Il a fait le tour du monde et a même été choisi par Google pour sa pub du navigateur Chrome.

Aujourd'hui, après des titres chantés en anglais, Irma nous propose autre chose avec un mini-album de huit titres : Douala Paris.

franceinfo : Avec cet album, vous franchissez le pas de chanter en français. Que se passe-t-il ?

Irma : En fait, avec The dawn, j'allais, globalement, déjà vers cette espèce de retour aux sources. Ce n'était pas simplement un retour aux sources chez moi, au Cameroun, mais c'était aussi un retour aux sources avec ma langue maternelle. Ça a été hyper évident que sur ces titres-là, ça allait être du français.

On découvre effectivement une autre Irma, celle qui s'autorise à être féminine. Ça fait du bien de lâcher prise ?

Ça fait du bien. Je sais que je me suis beaucoup construite en opposition à cette féminité, parce que quand j'étais petite, je me disais que tout ce qui était lié à la féminité allait être pour moi une source de faiblesse. En grandissant, je me suis rendu compte que c'était la pire chose que je pouvais me dire parce que ma féminité, c'est ma force. De découvrir ça et de bosser au Cameroun aussi, avec des artistes qui m'ont permis de révéler ça, c'était magnifique.

Vous dites des choses très fortes dans Douala Paris. Vous racontez le fait que vous êtes étrangère ici, mais étrangère là-bas aussi. Où se trouve votre chez-vous ?

À la fin de la chanson, je finis par dire que c'est en moi. C'est un peu tout ce qu'on essaie de trouver, tous, dans ce monde assez fou dans lequel on vit. Cette espèce d'ancrage intérieur qui est très difficile, qui part et qui vient. Il y a cette espèce de lutte qui s'est toujours fait en moi : je suis qui ? Je viens d'où ? Au Cameroun, je ne suis pas assez africaine. En France, je suis Camerounaise. À vouloir toujours se définir comme ça, par des trucs très précis, très cadrés, on finit par s'enlever l'essentiel qui est, qu'en fait, on est toutes ces choses.

Votre famille a toujours énormément compté pour vous. Vous vouliez faire écouter votre musique à l'une de vos sœurs et du coup, vous la mettez sur Internet pour créer un pont de communication entre elle et vous, parce que vous êtes très, très loin. Ça en dit long quand même sur l'importance de cette famille dans votre écriture aujourd'hui.

Ma famille m'a toujours soutenue alors que ce n'était pas gagné, c'est-à-dire que dans la plupart des familles africaines, la réussite passe par une voie académique. Du coup, quand je dis que je veux faire de la musique, je m'attends à ce qu'on me dise : non. Ma famille a vraiment toujours été mon socle, même au moment où il y a une espèce de passage à vide, voire plus, entre le deuxième et le troisième album. J'ai toujours senti ce soutien.

D'où vient cet amour de la musique ? Quel est le déclic ?

C'est mon enfance. Mes parents sont pharmacienne et biologiste, mais ils ont toujours, toujours mis la musique au centre de tout.

"Mon père fait de la guitare et a toujours écouté beaucoup de jazz à la maison. Ma mère était une amoureuse de la musique française, je pense que c'est de là que vient le mélange dans ma musique."

Irma

à franceinfo

Cela a toujours fait partie de ma vie. Je me souviens d'un moment précis, où mon frère est en train de regarder à la télé une série qui, à l'époque, racontait l'enfance de Michael Jackson. Là, je tombe sur cette scène où il chante à l'église un titre qui s'appelle Climb every mountain, il a six ans. Je vois ce petit garçon qui chante et je me dis : c'est ça que je veux faire !

Vous n'avez pas forcément bien vécu le succès de vos premiers albums, à tel point que vous avez eu ce besoin de partir à New York à un moment donné pour vous retrouver. Ça va mieux aujourd'hui ?

Ça va beaucoup mieux. J'étais très jeune. Quand ça va vite, c'est quelque chose qui peut être très violent. On ne s'appartient pas, en fait. Et quand c'est dans un moment où on est en train de se construire, c'est un peu compliqué. J'ai réalisé en grandissant qu'il y avait aussi une partie de moi qui se protégeait de ça, parce que je pense en tant que femme, en tant qu'être humain tout court, qu'on ne mérite pas ce truc, les belles choses. C'est ce que je dis dans mon titre Black sun dans mon troisième album, parfois, on est son propre bourreau.

"Je pense que je me suis libérée de beaucoup de chaînes. Je pense que je n'ai plus peur."

Irma

à franceinfo

Je voudrais qu'on parle du titre Reine. J'ai l'impression que c'est le résumé de ce mini album.

Oui. Pour moi, il dit ce que j'ai découvert. Je me suis mis beaucoup de couches dans mes relations et dans les relations en général. Et j'ai compris en avançant que sans l'autre, on ne peut pas se connaître. Et Reine parle de faire tomber le masque qu'on se met quand on devient adulte, de laisser cette vulnérabilité à la vue de l'autre, de se laisser dans cette position où on dit à l'autre : Voilà qui je suis. Et d'accepter d'être aimée, c'est un peu mon parcours aussi.

Il reste quoi de I know dans votre vie ? Parce que ce succès vous pesait, vous qui aimez la pudeur et la discrétion.

Ça reste un pilier et je pense que ça le sera toujours. J'ai toujours énormément de plaisir à la chanter parce que, vraiment, elle me rappelle cette enfant que j'étais et que je n'ai pas intérêt à oublier.

Les peurs sont tombées ? Les démons partis ?

Les peurs sont tombées et les démons aussi. Ils reviendront peut-être sous d'autres formes, mais là, j'ai l'impression qu'ils sont partis.

Fière de cet album ?

Très fière et je pense aussi que c'est ce qui amène cette sérénité. C'est que j'ai vraiment l'impression d'avoir réconcilié beaucoup de choses et du coup, je suis vraiment très fière de le faire écouter.

Irma sera en concert le 31 juillet 2022 à Lyon.

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