"Donner confiance à l'autre, c'est assez compliqué parce que tout est fait pour vous enlever l'humour, la confiance et la dérision", estime José Garcia

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 7 mai 2024 : le comédien, José Garcia. Il fait la voix de Blue, un animal violet imaginaire, dans le nouveau film de John Krasinski "Blue & Compagnie".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
José Garcia, comédien. (RADIOFRANCE)

Voilà bientôt 30 ans que la voix et le visage de José Garcia nous accompagnent à la télévision et dans les salles de cinéma. Indissociable de l'émission "Nulle part ailleurs", avec Antoine de Caunes, de comédies comme La vérité si je mens ! (1996), il est aussi la voix française de Mushu dans Mulan (1998), de Tulio dans La Route d'Eldorado (2000) et d'Alex dans la saga des Madagascar. Demain, il sera Blue dans Blue & Compagnie, le nouveau film de John Krasinski. Blue est un animal imaginaire, un charmant monstre qui, contrairement à ce que son prénom indique, est violet.

franceinfo : Blue est un ami qui vient de l'intelligence artificielle. Un sondage, paraissant en même temps que le film, commandé par la Paramount, montre qu’un enfant sur deux se crée des personnages imaginaires. Est-ce que cela signifie que c'est important de travailler son imagination pour bien grandir ?

José Garcia : Bien sûr. Pour les adultes aussi, puisque de toute façon, dès qu'on est, par exemple, dans la religion, on est dans des personnages que l'on considère comme présents. Dès que quelqu'un vous manque ou que quelqu'un a disparu, il est quand même là puisque ce n'est que son image dans le monde des vivants qui le rend réel. On est donc toujours, tous, confrontés à cet imaginaire. Vous êtes toujours dans cette transposition, dans cet imaginaire, vous avez toujours espoir que quelqu'un va venir vous réconforter, d'une certaine manière.

D'après ce sondage, les personnages imaginaires permettent d'avoir plus confiance en soi. Blue & Compagnie raconte l'histoire d’une petite fille qui s'appelle Bea et qui réussit à affronter la vie grâce à Blue.

C'est une petite fille qui se rend compte qu'il y a plein de personnages imaginaires qui sont dans un lieu juste à côté de chez elle. Ils n'ont plus de contact avec les enfants qui ont grandi et donc elle se dit qu'il faudrait peut-être les mettre en connexion avec d'autres enfants qui en ont besoin.

"Blue, c'est un personnage qu'on a tous envie d'avoir à la maison quand on rentre le soir."

José Garcia

à franceinfo

Blue est une espèce de peluche gigantesque. Violette, parce qu'en fait, le premier garçon avec qui il était en contact était daltonien. Cette grosse peluche, c'est ce dont on a besoin en permanence pour pouvoir se lover dans quelque chose de doux et de gentil comme ça.

Cette voix, qui fait partie des personnages que vous avez incarnés, que ce soit dans les comédies, dans les drames, ça vous touche ?

Ça me touche énormément parce qu'en fait, les premières expériences de dessin animé que j'ai eu, les premières choses avec lesquelles j'ai pu travailler mon imaginaire, rentrer dans le monde de Walt Disney avec Les Aristochats et Le livre de la jungle, c'est en les écoutant sur des disques. Le son, c'est quand même quelque chose d'assez exceptionnel. Il vous emmène beaucoup plus loin que l'image, comme la littérature peut vous emmener encore beaucoup plus loin dans l'imaginaire. Oui, je suis très touché.

Blue a une voix chaleureuse. Il a cette fonction d'être un pilier et de rassurer cette petite fille. C'est aussi le rôle que nos parents nous transmettent, où à un moment donné, on devient le pilier de la famille. Y avez-vous pensé ?

Ce qui est intéressant, c'est que le réalisateur, qui joue aussi dans le film, a à peu près la position que j'aime bien occuper. Il essaie de donner confiance à sa fille parce qu'il rentre à l'hôpital, il a un petit souci de santé, et il n'arrête pas de déconner, de lui montrer que tout ça n'est pas si grave. Et de nos jours, c'est encore plus difficile de montrer qu'il faut quand même garder de l'humour, garder de la distance et être capable de ne pas prendre les choses au tragique en permanence. C'est ça qui est le plus important.

"De nos jours, donner confiance à l'autre, c'est assez compliqué parce que tout est fait pour vous enlever et l'humour et la confiance et la dérision."

José Garcia

à franceinfo

Là, où ce film fait du bien, c'est qu'on a tendance à montrer l'intelligence artificielle comme une confrontation avec le monde réel. Mais ici, il y a une part de poésie qui est essentielle et qui ne vient pas en confrontation avec l'artificiel. Ça vient justement gommer tout ça et montrer que la poésie permet justement de garder les pieds sur terre et de continuer à rêver.

Je peux vous dire qu'on n'a jamais eu autant besoin de poésie. La poésie est partout. Je crois que l'être humain et l'intelligence artificielle aussi, sont en complément par rapport à l'imaginaire. Il y a la rationalité mathématique et puis l'âme humaine, qui est beaucoup plus complexe, heureusement. Donc, n'ayons pas peur non plus. Il n'y aura pas de remplacement par une machine parce que de toute façon, on arrivera toujours à la tordre, à la contourner. Le seul truc que n'a pas la machine, c'est la perversion que nous avons, nous, êtres humains. Le seul problème, ce sont les gens qui vont l'utiliser, ce qu'ils veulent nous donner et comment elle va être programmée.

Ce film est quand même un regard sur l'espoir ? Il y a une lumière au bout du tunnel ?

C'est un regard sur l'espoir, c'est un regard sur le fait de savoir qu'on n'est jamais seul. C'est un film qui donne du réconfort. Et puis Blue est un personnage tellement réconfortant qu'on a tous envie de le prendre dans ses bras quand on a passé une journée dans les embouteillages. Une fois que les gens sont bien énervés, qu’ils sortent de la voiture, descendent du vélo, ou sont à pied, ils viennent se blottir là-dedans. Je pense que ça va faire du bien à tout le monde.

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