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Coline Serreau : "Je suis un peu née sur une scène et je m'y sens vraiment chez moi "

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 18 octobre 2023 : la réalisatrice, metteure en scène et comédienne, Coline Serreau. À partir du 23 octobre 2023, elle sera seule en scène, pour cinq représentations, au Théâtre Michel à Paris, dans "La belle histoire de Coline Serreau".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
La scénariste, réalisatrice, comédienne et metteure en scène Coline Serreau en février 2022 au festival TV de Luchon, en Haute-Garonne. (FREDERIC CHARMEUX / MAXPPP)

Coline Serreau est cinéaste et surtout une touche-à-tout. Tour à tour scénariste, réalisatrice, comédienne, metteure en scène, ses plus grands succès, mais également ses plus grands souvenirs de tournage et de direction d'acteurs restent ses trois films : Trois hommes et un couffin (1985), La crise (1992) et La Belle verte (1996). Sa vie a toujours été entourée de combats pour la liberté, pour la vérité, contre le patriarcat.

À partir du 23 octobre 2023, elle sera seule sur scène, pour cinq représentations, au Théâtre Michel à Paris, pour nous raconter sa vie depuis sa plus tendre enfance dans La belle histoire de Coline Serreau.

franceinfo : La belle histoire de Coline Serreau est un tête à tête avec le public, sans artifice. Vous nous communiquez votre plaisir d'être là, au théâtre. Le théâtre qui vous accueille pour ce retour semble avoir toujours été une clé dans votre construction.

Coline Serreau : Je suis un peu née sur une scène parce que mon père avait un théâtre. C'est dans son théâtre qu'a été créé En attendant Godot de Samuel Beckett. J'ai toujours été sur scène et je m’y sens vraiment chez moi, mais même un plateau de cinéma est une scène.

Le point de départ ce sont vos années d'études à l'école Beauvallon, dans la Drôme, créée en 1935 par deux femmes incroyables. Dans cette école, il n'y avait pas de chaussures, pas de limites, il y avait surtout cette notion qui est au cœur de votre vie, de votre parcours, c'est la liberté.

La liberté et puis un respect pour les autres, un respect pour la nature et l'hôpital intérieur qui est en nous. Il y avait des assemblées où on pouvait parler, les enfants et les adultes avaient le même droit de parole. C'était un vrai endroit démocratique, ça manque un peu en ce moment.

Dans cette école, vous avez aussi appris ce qu'était la résistance. Elles ont été proclamées "justes parmi les nations". Ça vous a aussi forgée, endurcie ?

Oui, ça m'a fait comprendre que quand on sent qu'on est dans un combat qui est juste, ce n'est pas important d'être majoritaire. On va le devenir. Cela m'a appris la relativité de l'idéologie d'un instant. La résistance n'était pas dominante, elle était très, très, très minoritaire.

"Si on a une conviction profonde, il faut continuer à la défendre et un jour, elle sera dominante et reconnue."

Coline Serreau

à franceinfo

Dans ce spectacle, vous abordez vos parents et votre enfance. Ils étaient artistes. Vous dites qu'ils étaient des princes, mais en même temps qu'ils étaient clochards parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'argent qui rentrait.

Il n'y avait pas beaucoup d'argent à la maison. Même pas du tout ! Mais ça, c'est super parce que même si quelques fois, je suis allée à l'Élysée ou des trucs comme ça, comme cinéaste, eh bien dans la rue, je suis super à l'aise avec tout le monde. Cette histoire d'argent, ça ne m'intéresse pas, ça ne me concerne pas. Je sais ce que c'est que d'être fauchée. Je sais ce que c'est que d'avoir une grande culture et ça ne me met pas au-dessus des autres.

"Ni rien ni personne n'est au-dessus de qui que ce soit et l'argent n'est pas un critère. C'est ça ma philosophie."

Coline Serreau

à franceinfo

Votre père était très dur avec vous.

Non, non, il n'était pas très dur, il n'était pas là.

Ça vous a manqué ?

À l'époque, c'était extrêmement massif comme phénomène. Les types s'occupaient de leur vie et puis les femmes s'occupaient des gosses. Mais comme ma mère était une intellectuelle, quelqu'un qui était remarquable sur le plan intellectuel et sur le plan artistique, c'était difficile.

Que gardez-vous de votre mère d'ailleurs ?

Une infinie admiration.

Que vous a-t-elle transmis ?

Déjà l'écriture. C'est une écrivaine formidable. Et puis la rigueur. Je suis quelqu'un de très, très rigoureux quand je tourne aussi. Quand je suis sur le plateau, là, oui, c'est moi qui décide et qui mène les choses d'une manière extrêmement rigoureuse, parce que je le dois au public qui vient me voir.

Le public a toujours été là même aux moments où ceux qui comptaient dans le métier n'y croyaient pas.

Je dois tout au public ! C'était la force de la connaissance de ce que c'est que la résistance, c'est-à-dire : ne jamais s'arrêter à un jugement, même s'il est négatif, qu'il n'est pas intérieurement juste. Le jugement du public est souvent juste, lui, compte pour moi. J'adore les critiques, je les entends, mais pas les critiques professionnels. Vous savez, Télérama a quand même dit de Trois hommes et un couffin que c'était "Pipi caca dodo à la française". C'est un mépris total du peuple français qui a vu ce film et qui, lui, n'a pas vu ça !

Comment avez-vous vécu #MeToo et l'affaire Weinstein ?

Enfin, l'abcès a été crevé. Il y en a plein d'autres qui vont sortir là ! Comme la pédophilie. C'est énorme les incestes. Sylvie Pierre-Brossolette est géniale, elle fait un boulot en ce moment... Et il y a toujours des crétins qui sont là pour lui dire : "Ah oui, mais la liberté sexuelle" oui, la liberté sexuelle, on adore ça, on la pratique ! Mais pas avec les gosses quoi !

"J'ai vécu #MeToo et l'affaire Weinstein comme un soulagement, c'est quelque chose contre laquelle je me suis battue toute ma vie."

Coline Serreau

à franceinfo

Je me suis demandée si vous aviez souffert d'être une femme en tant que cinéaste. Est-ce que ça a été plus difficile ?

Non. Maintenant, c'est plus difficile parce qu'à l'époque, on était tellement peu, on était jeune, on avait beaucoup de charme, tout ça, ça allait, on ne menaçait rien du tout, mais maintenant ! Pour moi, ça ne rentrait même pas en ligne de compte qu'il y ait des difficultés. J'étais un bulldozer, j'ai eu énormément d'obstacles, mais je ne croyais pas que c'était possible que ce ne soit pas possible de le faire, voilà !

Grande joie de monter sur scène ?

Ah ça oui, ça, c'est un bonheur total. Mais surtout, s'il y a du monde !

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