"Ça m'a manqué charnellement" : Anne Parillaud de retour au théâtre dans "Je ne serais pas arrivée là, si..."
Anne Parillaud est cette actrice habitée, indissociable de son rôle de Nikita, gravée dans toutes les mémoires, réalisé par Luc Besson. Interprétation et même incarnation qu'elle a assumée, qu'elle a portées et qui lui ont permis d'obtenir le César de la meilleure actrice en 1990 et d'être repérée aux États-Unis. Là, il y a un nouveau défi qu'elle relève avec la pièce, Je ne serais pas arrivée là, si... D'Annick Cojean, sous la direction d'Anne Bouvier au Théâtre Antoine à Paris du 23 avril au 1er juin.
franceinfo : Le point de départ de cette pièce est un questionnement posé à une trentaine de femmes, parmi lesquelles Christiane Taubira, Amélie Nothomb, Juliette Gréco, Joan Baez : "Quel hasard, quelle rencontre, quel accident peut-être aussi, a aiguillé votre vie ?" Qu'avez-vous répondu à la question : "Je ne serais pas là, si..." ?
Anne Parillaud : J'ai essayé de traduire plutôt une blessure parce que ça peut aussi venir d'une blessure, les déclencheurs. Et d'un manque affectif et d'une famille dysfonctionnelle qui m'a poussée à me jeter dans le théâtre et dans le cinéma pour me libérer de toute la vie qui était étouffée en moi et d'exorciser les blessures.
"C'est vrai que oui, je pense que je ne serais pas arrivée là si j'avais été aimée."
Anne Parillaudà franceinfo
Les témoignages qui y sont exprimés sont évidemment très forts et effectivement, on se rend compte à quel point il y a toujours une corrélation avec l'enfance qu'on a vécue. C'est ça la clé selon vous ?
Je pense que tout se joue là et qu'effectivement la construction d'un individu est vraiment dans cette période parce qu'un enfant arrive avec une virginité, avec une innocence, avec une ouverture, et il absorbe tout ce que sa famille et ses éducateurs, les écoles, les institutions vont lui transmettre. Et le problème, c'est que si on ne lui a pas donné des repères, si on ne lui a pas donné des références, il garde ses datas pendant très très longtemps, pensant que c'est la société.
En 2021, vous sortiez votre premier romman, Les abusés. Vous y avez raconté l'inceste dont vous avez été victime, tout comme vos sœurs, de la part de votre père. Est-ce que de lire ces témoignages qui pour la plupart corroborent aussi avec des blessures assassines que d'autres femmes très connues ont pu vivre, ça vous rassure ? Est-ce que cela vous conforte de vous dire que vous n'êtes pas toute seule ?
Absolument. C'est qu'en fait, j'ai beaucoup de mal à m'exposer et à me positionner sur les combats sociétaux, frontalement. Et c'est pour ça que c'est tellement merveilleux en fait d'être artiste parce qu'on a ce champ de catharsis que beaucoup de gens n'ont pas. Et c'est pour ça que je pense qu'on a une sorte de mission ou de devoir de remplir ce poste en pouvant parler au nom de tous ceux qui ne le peuvent pas. Moi, par exemple, je me suis jamais positionnée, est-ce que je suis féministe ? Pas féministe ? Et effectivement je le suis. Mais voilà, je peux me permettre d'en parler parce qu'à côté de moi, il y a un spectacle, un livre ou une œuvre qui me permet de m'associer.
Je voudrais qu'on parle des mamans. Elles sont très présentes aussi dans ces témoignages. Que vous a apporté votre mère ?
En fait, c'est plutôt ce qu'elle ne m'a pas apporté qui m'a amenée là où je suis. Mais la mère, on la rend responsable de beaucoup de choses. Moi, je n'en veux pas à mes parents et je n'en veux pas à ma mère parce que je suis en capacité de faire une déclaration d'amour à ma mère, malgré tout. Finalement, si je regarde l'itinéraire de ma mère, il y a une cohérence avec ce qu'elle ne m'a pas donné parce qu'elle-même a été bafouée et abîmée. Le pardon est quelque chose de très important dans l'itinéraire de vie, mais ça trace des chemins qui permettent à d'autres de dire : "Bon, je n'ai pas eu ça, mais j'aurais peut-être ça et je vais avoir une existence pas ennuyeuse, ça c'est sûr".
Vous avez mis beaucoup de temps à avoir confiance en vous et c'est incroyable parce que Jacques Weber, Alain Delon, Luc Besson, Diane Currys, tout le monde a eu confiance en vous très vite, très tôt, mais pas vous.
Quand vous dites que finalement j'ai mis beaucoup de temps, je ne l'ai toujours pas et en fait, je donne confiance à mes personnages. Si mes personnages séduisent le public, alors ça se reportera sur moi et là j'aurai gagné la partie.
"Je ne cherche pas non plus à avoir un rapport direct avec moi-même parce que je ne suis pas sûre qu'il soit envisageable."
Anne Parillaudà franceinfo
Je me demandais ce que représentait le fait de monter sur scène puisque le théâtre, c'est autre chose que le cinéma. J'ai l'impression que vous prenez énormément de plaisir à monter sur scène au théâtre.
C'est vrai que la scène m'a manqué après Le lauréat. Ça m'a manqué charnellement. Dans le charnel, c'est effectivement le rapport avec cet autre partenaire. C'est vraiment des partenaires. C'est pour ça qu'une représentation n'est jamais à l'identique parce qu’eux ne sont jamais les mêmes et que quand on est sur scène avec ses partenaires, il y a vraiment ce partenariat fondamental et c'est celui-là, je pense, qui manque quand on n'est plus au théâtre.
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