"Qui ?", de Jacques Expert
"Qui?", de Jacques Expert est publié aux éditions Sonatines (319p., 18
euros)
L'auteur de ce crime crapuleux ne sera jamais identifié. Neuf ans plus
tard, quatre hommes s'apprêtent à regarder à la télé l'émission " Affaires non
résolues ", dont le thème, ce soir là, est le meurtre de Carpentras. Quatre
hommes hantés par l'affaire depuis ce jour où ils ont retrouvé le corps de
Laetitia. Tous étaient voisins à cette époque, tous habitaient la résidence du
Grand Chêne. Durant l'heure que va durer l'émission, avec son lot de questions
et de révélations, ceux-ci se souviennent. Leurs épouses également. Certains
secrets reviennent à la surface, des suspicions anciennes, des non-dits. Au
terme de l'heure que dure l'émission, le voile sera levé. L'un de nos quatre
hommes est en effet bel et bien le coupable du viol et du meurtre de Laetitia.
Mais qui ? Avec son nouveau roman, Jacques Expert nous offre un formidable jeu
de piste et met à l'épreuve la perspicacité du lecteur. Celui-ci saura-t-il
trouver avant la fin de l'émission, et du livre, qui est coupable ? Spécialiste
depuis longtemps des affaires judiciaires françaises, l'auteur, qui a, en
particulier, suivi comme journaliste l'affaire du petit Gregory, nous fait
profiter d'une expérience qui confère à son récit un réalisme rare.
Extrait du prologue
J'aime beaucoup jardiner. Ça me détend...Quand je travaille, je
me donne du mal, j'aime bien l'effort physique... Je transpire, je perds des
calories, mes enfants sont contents, ils m'encouragent à faire de l'exercice. "À
ton âge, c'est important, il faut ménager ses artères. On veut un grand-père en
pleine forme !"
Je leur réponds que je ne suis pas si vieux, qu'il n'y a pas
urgence. Mais je dois le reconnaître, "Papi", c'est vrai que ça me plairait
bien. Je suis convaincu que ma femme fera une bonne mamie, elle aussi... Elle
est comme moi, elle a toujours aimé les enfants.
Il serait temps qu'ils s'y
mettent ! Surtout ma fille aînée qui approche de la trentaine. Elle a eu un
compagnon, un brave gars, pendant un bon moment, mais ils se sont séparés l'an
passé. Depuis, rien en vue. Sa mère et moi, nous commençons à désespérer, pourvu
qu'elle ne reste pas vieille fille ! Mon cadet, lui, j'ai renoncé à compter ses
conquêtes ! C'est ma fierté, celui-là, un vrai don Juan...
Mais surtout,
quand je jardine, j'oublie tout. Tout. Pas seulement mon boulot, les petit
tracas du quotidien, les traites pour finir de payer le crédit de leur logement.
On l'a acheté il y a des années, et on a cet emprunt sur le dos, je commence
tout juste à en voir le bout. Mais quand je suis dans mon jardin, je ne pense
plus à tous ceux qui m'emmerdent. Pourtant il y en a un paquet.
J'efface mon
passé. J'oublie même que ma vie n'a pas été ce que j'aurais espéré quand j'étais
jeune. Dans quelques années, je serai à la retraite, mais "je la voyais pas
comme ça, ma vie", comme dit la chanson ! Parfois, j'ai du mal à me persuader
qu'il faut bien s'en satisfaire et que même si tout ça n'est guère réjouissant,
au final, le bilan n'est pas si mauvais. La vie passe tellement vite... On fonce
vers la vieillesse sans s'en apercevoir.
Et puis, j'ai mon petit lopin de
terre... Oh, pas bien grand, mais suffisant. À mon âge... Je fatigue plus vite
qu'avant.
J'ai passé ce premier dimanche d'avril à préparer mon potager, tout
au fond de la parcelle. Je sais que ma femme préférerait qu'on y fasse creuser
une piscine. Elle rêve d'y voir barboter un jour ses petits-enfants. Pas trop
grande, hein ? Six mètres sur trois ou quatre. C'est bien suffisant pour faire
trempette, et je pourrais en dégoter une aux alentours de huit, dix mille euros.
J'ai fait mes comptes, on peut se la payer. Jusqu'à présent j'ai réussi à
résister, mais je sais qu'il faudra bien que je cède. Ma femme a une qualité :
elle parvient toujours à ses fins. Elle y met le temps qu'il faut mais elle ne
renonce jamais.
Mais moi, pour l'instant, je n'ai pas envie de sacrifier mon
jardin, le seul endroit où je me sente vraiment bien. Dans mon potager, je
cultive des haricots, des choux de Bruxelles (j'adore !), des petits pois (j'ai
une revanche à prendre : je les ai ratés l'an passé), des melons, des oignons,
du persil et toutes sortes de plantes aromatiques, des courgettes, et bien sûr
des tomates. Pour le simple plaisir de les voir pousser.
Ce matin, il faisait
un beau soleil de début de printemps. J'ai dit à ma femme que je déjeunerai sur
le pouce.
"La journée est trop belle, il faut que j'en profite. Et puis, tu
les aimes bien mes légumes, avoue !
- Toi et ton jardin !" a-t-elle lancé
sur un ton exaspéré.
Mon fils s'est mis à rire.
"Tu as raison d'être
jalouse, maman ! Tu sais comment papa fait rougir ses tomates ? En se mettant
tout nu devant !"
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