"Tous les traitements innovants, on les importe" : "Il faut passer à l'action", alerte le syndicat des entreprises pharmaceutiques
Un médicament innovant sur dix est produit en France contre un sur quatre en Allemagne. "C'est inquiétant, il faut passer à l'action", s'alarme Thierry Hulot, président du Leem, le syndicat professionnel des entreprises du médicament et président-directeur général de Merck en France. Selon le baromètre 2024 de l’attractivité de la France pour les entreprises du médicament publié mardi par le syndicat, la France ne contribue pas suffisamment à la souveraineté sanitaire européenne. "On devrait être champions en recherche clinique en Europe. On n'est plus que troisième. L'Espagne, l'Allemagne nous doublent au poteau", précise-t-il. C'est le résultat, selon Thierry Hulot, de la désindustrialisation de la France et d'une fiscalité trop élevée qui "confisque à la fin 60% de la profitabilité", dit-il. "Ça nuit à l'investissement, ça nuit à la recherche, ça nuit à la réindustrialisation", affirme-t-il.
franceinfo : Le secteur pharmaceutique français est-il en train de décrocher ?
Thierry Hulot : On voit que l'investissement en recherche a augmenté de six milliards. En production, c'est deux milliards d'investissements cette année, il y a un peu plus d'usines, surtout pour renforcer les usines existantes. C'est un secteur qui crée plus d'emplois que la moyenne de l'industrie, qui a un niveau de salaire plus élevé que le salaire médian français et qui est quasiment à parité hommes-femmes. Il y a une base qui existe, mais cette base, elle se fragilise et c'est ça qui est inquiétant. Quand on regarde la recherche clinique, les produits de demain, on devrait être champions en recherche clinique en Europe. On n'est plus que troisième. L'Espagne, l'Allemagne nous doublent au poteau.
"Un essai clinique sur deux en Europe n'a plus lieu en France. Pour demain, c'est inquiétant."
Thierry Hulot, président du Leem, et PDG de Merck Franceà franceinfo
Est-ce que cela a des conséquences sur l'accès aux médicaments ?
C'est surtout sur des maladies lourdes de type cancer et des pathologies chroniques très lourdes. Il y a eu des progrès. On a mis en place en France l'accès précoce qui permet de donner très tôt des molécules ultra innovantes aux patients français. C'est 100 000 patients par an alors qu'il y a 13 millions de patients en pathologies chroniques. Ça reste très marginal. Ce qui m'inquiète, c'est que la France était un territoire de production de médicaments. On exportait largement. Ça a contribué à notre balance commerciale. Il y a dix ans, trois milliards d'euros positifs pour la balance commerciale, ça a été divisé par dix. L'Allemagne fait 60 fois mieux que nous. Pourquoi ? Parce qu'on produit en France des produits matures du quotidien pas cher, qu'on exporte. Et tous les traitements innovants, on les importe.
C'est un choix politique ?
C'est la conséquence d'années de désindustrialisation. Ces dernières années, il y a une correction qui s'est mise en place. On a amorcé la pompe, il va falloir du temps avant que ça tourne à plein régime. Parmi les médicaments innovants qui arrivent en France, un sur dix est produit en France contre un sur quatre en Allemagne. Ça montre l'effort qu'il y a à faire.
Vous appelez à réformer la fiscalité des "Big Pharma". Vous pensez convaincre en cette période électorale alors que Sanofi, par exemple, a fait un chiffre d'affaires de 43 milliards d'euros ?
Quand on regarde par rapport au reste de l'Europe, la France est le pays qui taxe le plus avec notamment cinq taxes sectorielles, qui ne touchent que la "pharma" et qui confisquent, à la fin, 60% de la profitabilité. Donc ça nuit à l'investissement, ça nuit à la recherche, ça nuit à la réindustrialisation. La France dans le marché pharmaceutique mondial, c'est à peu près 3%.
"Ne confondons pas l'état de santé d'un groupe international avec son activité en France."
Thierry Hulotà franceinfo
Je me bats tous les jours pour les patients français et je vois qu'en France, ce secteur souffre d'une surtaxation. Il y a urgence à agir. Le gouvernement avait lancé il y a un an une mission de réflexion sur le financement et la régulation du médicament. Le rapport a été rendu il y a un an. Depuis un an, on attendait sa mise en œuvre. C'était promis avec un démarrage au mois de juin. Là, on est à l'arrêt. Mon message est de dire : ce qu'attendent nos concitoyens, c'est de pouvoir se loger, se nourrir, se soigner.
Le Nouveau Front populaire, par exemple, propose de créer un pôle public du médicament avec un renforcement des obligations de stock. Comment vous réagissez ?
Si tous les pays d'Europe ou du monde se mettent à faire des stocks, c'est-à-dire mettre quatre mois de produits dans les hangars et pas dans les rayons des pharmacies, on sera dans cette situation ubuesque où il y aura du stock partout et du produit nulle part. La solution n'est pas de faire du stock, la solution est d'avoir un vrai plan de lutte contre les pénuries que nous avons proposé il y a 18 mois que le gouvernement, en février, a proposé de mettre en place. Maintenant, il faut passer à l'action. Cette action, elle sera européenne. C'est par la coordination européenne qu'on y arrivera. Ce n'est pas en mettant du stock dans des hangars qu'on traitera les patients.
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