"Le parquet national financier ne fait pas de la politique", soutient son patron Jean-François Bohnert

Sa parole est rare. "Notre travail est d'aller traquer la délinquance économique et financière où elle se trouve", répond le patron du PNF aux attaques fréquentes menées contre son institution. "Je conçois que notre activité puisse déranger".
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Jean-François Bohnert, procureur de la République financier., le 22 mai 2024 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Le parquet national financier ne fait pas de la politique", soutient mercredi 22 mai sur franceinfo Jean-François Bohnert, procureur de la République financier. Depuis sa création, il y a dix ans, le PNF fait l'objet de vives critiques, émanant parfois de personnalités politiques. 

Son patron s'en défend sur franceinfo, assurant que la "boussole" des magistrats du PNF demeure "le code pénal, l'application de la règle du droit".

franceinfo : Depuis sa création il y a dix ans, votre institution fait régulièrement l'objet de violentes attaques. Est-ce le signe que le PNF joue pleinement son rôle ?

Jean-François Bohnert : D'une certaine manière. Nous ne cherchons pas à plaire, ni à déplaire, mais il est certain que notre activité peut déranger. Le but d'un parquet national financier est d'aller traquer la délinquance économique et financière là où elle se trouve. Le travail du PNF est un travail méticuleux, opiniâtre et nous allons au bout des choses.

En dix ans, vous avez rapporté douze milliards d'euros à l'État via des amendes et des dommages et intérêts. Où vont ces milliards d'euros ?

Ils viennent abonder le budget général de l'État. Nous ne touchons pas de pourcentage sur l'activité. Il n'y a pas de prime de résultat au parquet national financier. Le budget de l'État est abondé tout simplement parce que les infractions commises nécessitent une sanction et cette sanction est l'amende et les confiscations, qui reviennent au niveau du budget de l'État.

Vous négociez en quelque sorte avec les entreprises qui veulent éviter d'aller au procès. C'est ce qu'on appelle les conventions judiciaires d'intérêt public. Sur quels critères vous décidez-vous ?

Le premier critère, c'est la bonne foi de l'entreprise, la bonne foi de la personne morale. Si elle est prête à discuter avec nous, à faciliter le travail d'enquête par la coopération, alors nous sommes prêts à envisager une convention judiciaire d'intérêt public en bout de parcours. Nous mesurons et nous évaluions ce travail de coopération. On sait faire confiance à la personne en face de nous, mais la confiance n'exclut jamais le contrôle et pour cela il y a toujours des enquêtes en parallèle.

Les baisses d'effectif dans la police ont-elles un impact sur le PNF ?

Pour le moment, nous avons des signaux qui semblent aller dans ce sens-là. Je reste, pour ma part, très prudent. La France est surveillée sur cette question-là. L'OCDE regarde de très près quelles sont les tendances lourdes en train de se mettre en place sur le continuum de la lutte contre la délinquance économique et financière. Récemment, la conférence nationale des procureurs de la République s'est prononcée sur la question, en émettant des signaux d'alerte. Au PNF, nous avons enregistré quelques refus de saisines, dont la décision n'a pas été expliquée.

"On attend encore pour stabiliser notre diagnostic, mais nous sommes inquiets sur la ligne qui est engagée."

Jean-François Bohnert, procureur de la République financier

à franceinfo

On peut penser qu'à moyens constants, il y aura des répercussions. 

Un reproche très souvent adressé aux magistrats du parquet national financier, celui de faire de la politique.

Le PNF ne fait pas de politique. [Nos décisions] peuvent avoir des conséquences politiques, mais ce n'est pas notre boussole. Notre boussole, c'est le code pénal, l'application de la règle du droit. Le calendrier judiciaire est difficilement [juxtaposable] avec le calendrier politique. Ce que nous faisons, c'est scruter et tenter d'éviter la manipulation. Pour essayer de se dégager de ce risque, [il faut] laisser aux enquêtes leur rythme propre. Ce qui est important pour nous, c'est de toujours, dans nos décisions, faire précéder la prise de décision et d'orientation pénale d'une analyse minutieuse qui prend toujours du temps. On ne prend jamais des décisions à chaud, parce que ce sont des décisions techniques. Il faut prendre un certain nombre de garanties dans les domaines technique et juridique avant de se lancer.

Parmi les affaires sensibles que traite le PNF, il y a celle qui vaut à la ministre de la Culture Rachida Dati d'être mise en examen depuis 2021, notamment pour corruption et trafic d'influence passif. Dans ce cas, avez-vous dans un coin de votre tête l'élection municipale de 2026 et les conséquences éventuelles sur sa candidature à Paris ?

Ce sont des facteurs que nous avons présents à l'esprit. Mais dire que nous les prenons en compte, ça voudrait déjà dire qu'on les intègre complètement. Ce n'est pas possible matériellement, techniquement et juridiquement. Après, dans la chaîne de décision qui est la nôtre, ce sont des facteurs qui sont présents. 

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