Y’a-t-il une réelle divergence au sein du gouvernement ?
Il faut revenir sur cette polémique, parce qu’elle est à la fois importante et révélatrice de l’état du débat dans ce pays. Pour vous répondre, il faut d’abord en revenir aux mots. C’est en petit comité, devant un groupe de réflexion, que le ministre Emmanuel Macron affirme vendredi que le statut des fonctionnaires n’est plus « adéquat, ni justifiable pour certaines missions ». Il y a un certain nombres de cas où « la justification d'avoir un emploi à vie garanti sera de moins en moins défendable ». Et il ajoute : « Je ne sais pas justifier que quelqu'un qui travaille dans la cyber-sécurité dans une PME soit un contractuel en CDD et que quelqu'un qui travaille, par exemple, dans mon ministère dans le développement économique doit être un fonctionnaire. »
Ces propos ont été rendus publics. Et donc le président de la République est sorti du bois pour rappeler son attachement au fameux statut, garant de l’engagement des fonctionnaires, selon François Hollande. Et le petit théâtre est reparti, les frondeurs du Parti socialiste réclament désormais la démission d’un ministre qui décidément ne parle pas comme les autres.
Sur le fond, le débat pourtant n’est pas nouveau
Et bien non, des tas de rapports, sous des majorités différentes ont dit à peu près ce que dit le ministre. La plupart des pays qui nous ressemblent en Europe, à commencer par les pays du Nord, à la culture social-démocrate ont redéfini les droits et les devoirs des fonctionnaires, sans que cela ne suscite de passions exacerbées. Ce fameux statut, qui concerne plus 5 millions et demi de personnes, soit plus de 20% des emplois en France, reste justifié dans les fonctions régaliennes : la police, la justice, l’armée. Mais l’est-il toujours autant dans tous les autres domaines ? Non, ont répondu de nombreux gouvernements de droite comme de gauche, en Suède, en Italie, ou en Suisse.
Quand on pense au statut des fonctionnaires, on pense toujours à la garanti à vie de l’emploi. Mais est-ce que ça ne cache pas des réalités plus contrastées ?
Oui, parce que pour maintenir à tout prix ce statut, on précarise toute une population : ceux qu’on appelle les contractuels dépassent le million de personnes aujourd’hui : pour contourner la rigidité du statut, on utilise une main d’œuvre à laquelle tous les efforts sont demandés, contrats courts à répétition, mobilité et flexibilité à outrance, souvent à la limite de la légalité.
Et cette rigidité se retourne aussi contre les fonctionnaires : parce que le statut actuel a pour conséquence de ne pas permettre de vrais parcours professionnels, de limiter les mobilités souhaitées, ce qui fait qu’une majorité de fonctionnaires ont des carrières relativement plates.
Au total, on ne voit donc pas très bien pourquoi ce serait forcément libéral ou de droite que de s’en inquiéter. Seulement dans ce pays, on préfère souvent se faire peur avec des polémiques artificielles plutôt que d’aborder de face les vraies questions et d’en débattre sereinement. Et ce n’est pas le moindre des handicaps français.
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