Taxation des CDD laissée à l’appréciation des partenaires sociaux
Effectivement le gouvernement pourrait proposer cette taxation des CDD aux partenaires sociaux, puisque c’est eux qui ont la main sur ce sujet dans le cadre de la négociation de la convention Unedic qui se tient jusqu’au moins de juin. Une mesure très politique pour envoyer un signal aux jeunes. Intuitivement, et en première appréciation, taxer le CDD, les abus de CDD peut avoir l’apparence de l’évidence, du bon sens. Puisque certains en usent et en abusent et bien taxons les employeurs pour les contraindre à proposer des CDI, plus protecteurs et donc moins chers pour l’entreprise. Seulement, en économie, il faut parfois se méfier des fausses évidences. Les faits, les réalités, les relations à cause à effets sont parfois plus complexes.
D’abord, ça tombe bien, la taxation des CDD, on l’a déjà essayée. Donc regardons ce qui s’est donc passé : en 2014, les partenaires sociaux avaient relevé la part patronale des contributions "chômage" sur les contrats courts de moins de trois mois. Résultat inattendu : les CDD ont augmenté de deux points, et le taux de chômage des jeunes actifs a lui aussi continué à monter…
Certains syndicats, affirment qu’il y a trop de dérogations pour que le dispositif fasse vraiment ses preuves…
Oui, il y a effectivement certaines dérogations, notamment pour l’intérim. Mais dans les faits, cela ne change pas grand chose. Pour comprendre, regardons ce qui se passe dans la fonction publique : savez vous, que la fonction publique, donc l’Etat employeur est l’un des plus gros contributeurs de contrats courts, et notamment de contrats d’un mois. Les ¾ de ce qu’on appelle les contractuels, il y a en a près d’un million en France, sont en CDD, et ils peuvent cumuler ces CDD pendant six ans. Alors oui, ces contrats là ne sont pas taxés, parce que c’est le contribuable qui paierait la différence et ça n’aurait pas de sens. Et embaucher tout le monde dans le fonction publique, ferait exploser les finances publiques. Et là encore cela n’aurait pas de sens. Et ce raisonnement là vaut tout autant pour le secteur privé. Et cela illustre la situation de notre marché du travail : d’un côté des statuts, ultra-protecteurs et bétonnés, fonction publique ou CDI et de l’autre une hyper flexibilité déployée à outrance, jusqu’au maintient dans la précarité. La rigidité des uns fabrique la précarité des autres.
Si l’on vous suit, taxer les CDD serait donc contre-productif ?
C’est ce que montre l’expérimentation. Et pour une autre raison : l’emploi, on le sait, vient d’abord de la masse des petites et moyennes entreprises, bien plus que des grands groupes. Un petit patron utilise d’abord les CDD pour les variations de son carnet de commandes, un congés maladie ou un congés de maternité. C’est un outil pour lui de flexibilité, dans une situation où il ne peut objectivement pas embaucher en CDI un salarié supplémentaire. Taxer ce CDD ne va pas résoudre son problème, bien au contraire, ni l’inciter le moins du monde à proposer un CDI, on le comprend bien. Voilà donc une mesure qui a l’apparence du bon sens, mais qui risque dans les faits, de renforcer la précarité et même de se retourner contre les jeunes qui auront plus de mal encore à intégrer le marché de l’emploi. Si en politique tout est possible, en économie, c’est parfois un peu plus compliqué…
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