Qui paye l'impôt sur le revenu ?
C’est une question qu’il faut se poser au moins une fois par an, et d’autant plus que l’impôt sur le revenu a toujours enflammé les débats dans l’opinion depuis sa création il y a un peu plus de 100 ans, en 1914. Alors essayons de voir d’abord ce qu’en dit le gouvernement. Dans la lettre jointe à votre déclaration, le ministre Michel Sapin donne de premiers éléments : d’abord, sur les 37 millions de foyers fiscaux français recensés en 2015, seuls 17 millions seront imposés cette année, ce qui signifie que moins de la moitié de ces ménages acquitte l’impôt sur le revenu et que cette proportion continue de décroître, puisque le ministre précise pour s’en réjouir qu’entre 2014 et la fin 2016, près des deux tiers des foyers fiscaux concernés auront vu leur impôt baisser, voire annuler. En clair, le gouvernement a fait le choix de sortir de l’impôt sur le revenu la plupart des ménages concernés par les deux premières tranches fiscales. Il affirme avoir ainsi rendu cinq milliards de pouvoir d’achat aux revenus modestes ou moyens. Ce mouvement a une conséquence directe : l’impôt sur le revenu redevient très concentré : les 70 milliards qu’il rapporte, reposent sur un nombre toujours plus faible de contribuables, c’est à dire essentiellement sur la classe moyenne supérieure et bien sûr les plus aisés.
Cette concentration de l’impôt sur le revenu fait vraiment débat, à droite comme à gauche…
Oui, et depuis le début. Quand cet impôt est créé juste avant la Première guerre, seul un petit 1% des contribuables, c’est à dire les plus riches, payaient 99% de l’impôt sur le revenu. Et puis, d’année en année, on a considéré que cet impôt était la clé de voute symbolique de notre système fiscal, un marqueur de citoyenneté, et qu’il fallait donc l’étendre à presque tous les foyers français. C’est entre 1975 et 1985 que cette idée là a été poussée le plus loin : il y avait alors plus de 60% des ménages qui payaient l’impôt sur le revenu, c’est à dire au moins 12% des ménages en plus qu’aujourd’hui. Depuis, un double mouvement s’est opéré : la base s’est réduite, la contribution des classes moyenne et supérieure a fortement augmenté. Aujourd’hui seuls 10% des foyers fiscaux payent 67% de la facture, c’est à dire les deux tiers ce que rapporte de l’impôt sur le revenu. C’est quand même très significatif, au point que s’est développée l’idée d’un matraquage fiscal, et qu’on a pu observer une série de révoltes souvent catégorielles dans l’opinion. Comme si le civisme fiscal avait été abimé par ces hausses d’impôts successives et cette hyper-concentration décidées d’abord par Nicolas Sarkozy puis par François Hollande pour faire face à la crise.
Et pourtant les recettes de cet impôt diminuent…
Oui, si sa charge symbolique et politique reste très forte, l’impôt sur le revenu s’est banalisé dans les comptes de la nation. Il rapporte un peu plus de 10% seulement des recettes, soit près deux fois moins que la TVA, ou 20 milliards de moins que la CSG. Cette situation n’a pas d’équivalent en Europe et on peut parier que le sujet va revenir sur la table au moment de la prochaine présidentielle. D’autant plus que si le ministre Michel Sapin se félicite d’une légère diminution, pour la première fois depuis sept ans, du taux de prélèvement obligatoire, la France reste l’un des grands pays industrialisés où le poids de la fiscalité rapporté au Pib est le plus élevé, en deuxième position derrière le Danemark.
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