Loi Travail : la CFDT joue sa crédibilité dans les négociations
Faute d’avoir été vraiment associée à la préparation de cette déjà fameuse loi sur le travail, et prise elle aussi à revers par l’intensité de la contestation sociale, y compris de sa base, la CFDT a dû mettre la barre très haut face au gouvernement : elles demandent donc la suppression de plusieurs points clés du texte et la réécriture de l’essentiel de la réforme du licenciement. Ça fait beaucoup et bien évidemment cela met sous pression Manuel Valls, monté en première ligne. Le Premier ministre n’a pas d’autres choix s’il veut franchir l’obstacle : il lui faut rallier la CFDT, le grand syndicat réformiste en France, sans pour autant trop se déjuger. Sans la CFDT, la loi El Khomri n’a aucune chance de voir le jour. Même le patron du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a dit que finalement il s’alignerait sur la position du syndicat de Laurent Berger. Globalement, la CFDT profite à la fois de sa propre dynamique et du déclin de la CGT. Elle a un peu moins de votants mais désormais un peu plus d’adhérents que sa grande rivale. Elle est sur le terrain le syndicat le plus engagé dans une logique de négociation. D’autant que la CFDT a aussi un pouvoir d’entrainement sur les autres plus petites organisations que sont la CFTC et la CGC.
La CFDT, partenaire historique de négociation des gouvernements de gauche comme de droite
Dans l’histoire sociale française, la CFDT a toujours été le grand partenaire de négociation des gouvernements de gauche comme de droite. Face à un front du refus, incarné par la CGT et Force Ouvrière, la CFDT, issue d’un courant catholique plus modéré, et porteur d’une politique de compromis, a toujours été un partenaire disponible. Avec la gauche d’abord, bien sûr, on se souvient qu’en 1981, nombre de cadres de la CFDT avaient rejoint les cabinets ministériels. Puis elle a incarné un courant moderniste, très en phase avec la deuxième gauche de Michel Rocard. Mais ce ne fut pas toujours facile, la CFDT a par exemple toujours eu des relations très électriques avec Martine Aubry, notamment sur la manière dont avaient été conçues et imposées les 35 heures. Avec la droite, les relations ont été parfois très tendues, comme par exemple en 2010 lors de la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy. Mais, en 1995, et sous la direction de Nicole Notat, la CFDT avait au final approuvé le plan Juppé sur les retraites et la sécurité sociale. Un plan finalement abandonné face un immense mouvement social. En 2003 aussi, la CFDT avait aussi soutenu la réforme des retraites de François Fillon.
Sur la loi travail, position paradoxale pour la CFDT
La CFDT est-elle en position de force ou sous pression au sujet de la polémique loi travail ? Les deux à la fois. La CFDT se trouve en fait dans une position paradoxale. En 1995, elle avait payé très cher son soutien à Alain Juppé et perdu nombre de militants. Elle sait donc qu’elle aurait beaucoup à perdre en accompagnant trop loin le gouvernement. Mais d’un autre côté, elle ne veut pas qu’on lui fasse porter l’échec possible de la loi El Khomri, qui peut en plus déboucher sur une grave crise politique. La CFDT souffre également de ne pas avoir fait beaucoup de pédagogie sur ses propositions, sans doute sa vision de la transformation sociale s’est-elle aussi émoussée ces dernières années. Est-elle aujourd’hui vraiment porteuse d’un projet alternatif ? Nul ne le sait vraiment. Voilà pourquoi le moment est aussi crucial pour la crédibilité et l’avenir de la CFDT.
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