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Les sanctions économiques contre la Russie. Ça marche ?

La question se pose au moment où l’Europe s’apprête à prendre une troisième vague de sanctions contre la Russie pour contraindre Poutine à un changement de stratégie en Ukraine.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
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En vérité, pas toujours, même assez rarement, en gros, une fois sur trois. Les sanctions économiques, c’est vieux comme le monde, mais sans remonter à l’antiquité, un économiste a compté que depuis le début du XXème siècle, 174 actions, assimilables à des sanctions économiques, ont été prises par un Etat ou une coalition contre un pays ennemi.

Une récente étude américaine, en a fait le bilan et affirme que seul un tiers de ces actions a donné des résultats positifs. Il y eut donc des échecs retentissants : l’embargo américain contre Cuba, par exemple, décrété en 1962, n’a jamais eu raison du régime castriste. Douze ans de sanctions économiques contre Saddam Hussein ont appauvri l’Irak, sans faire bouger le régime. Plus récemment, les mesures prises contre le syrien Bachar al Assad et son clan ont été, comme on le sait, sans le moindre effet.

Mais il y a aussi des cas où les sanctions économiques ont eu un effet positif ?

Oui, tout à fait. Le cas le plus net, c’est l’Afrique du Sud : un sévère embargo économique et financier, décrété par un large groupe de pays occidentaux et africains a fait céder le régime en moins de cinq ans : en 1989, Pretoria a mis un terme à sa politique d’apartheid, engagé des pourparlers avec les organisations noires et libèré Nelson Mandela. Les experts estiment aussi que l’embargo décidé contre l’Iran en 2003 n’a pas fait renoncer le régime à son programme militaire, mais le pouvoir a dû accepter d’ouvrir des négociations.

Est-ce que la mondialisation et le fait d’avoir des économies de plus en plus interdépendantes change la nature et l’efficacité des sanctions ?

Bien sûr ! Plus aucun pays ou presque ne vit en autarcie, une part croissance de l’économie russe, du pouvoir d’achat des Russes, dépend ainsi du commerce mondial. La population a déjà payé cher l’aventurisme de son président : la croissance s’est effondrée, plus de 100 milliards de dollars de capitaux étrangers ont fui la Russie, l’inflation galope et le rouble flanche. Les Etats-Unis et l’Europe ont décidé de tout faire pour mettre à genoux l’économie russe, avec l’espoir que la population finira par se retourner contre Poutine. Il y a aussi des actions ciblées : la mondialisation de la finance, qui peut parfois être notre amie - permet de frapper personnellement les affairistes qui gravitent autour du Kremlin : comptes bloqués, gel des avoirs, interdiction de visa. On appelle ça des smart sanctions, des sanctions intelligentes.

Mais la Russie aussi peut à son tour prendre des sanctions contre nous ?

Elle ne s’en prive pas et c’est tout le problème. Bruxelles estime à 5 milliards par an le coût des représailles russes à notre encontre. C’est l’Allemagne surtout qui a beaucoup à perdre mais elle y est prête depuis cet été. La France va subir aussi le contre coup de l’embargo que la Russie a décidé contre mes produits alimentaires occidentaux. ET la Russie a encore en réserve d’autres armes économiques qui pourraient faire mal, comme les livraisons de gaz dont l’Europe a tant besoin. A ce jeu là, pourtant, les les Européens et les Occidentaux seront les plus forts. Mais le problème avec les sanctions économiques, c’est qu’elles sont une arme rationnelle et que la politique répond souvent à d’autres canons !

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