Les Portugais ont subi une violente politique d’austérité
Oui, c’est un exploit politique que vient de réussir la coalition de centre droit au Portugal. Je sais la situation peut paraître étrange, déjà une majorité reconduite, c’est rare, voire très rare en Europe, si on ne s’appelle pas Angela Merkel ou David Cameron, mais une majorité qui en plus a appliqué une thérapie de choc, une véritable purge, alors là, c’est une performance de premier ordre. Même si il faut mettre un bémol, la coalition a remporté les élections avec près de 40% des voix, mais elle ne conserve pas la majorité absolue dont elle jouissait depuis quatre ans.
Pour mesurer cet exploit, il faut redire d’un mot la réalité de cette austérité qui a été appliquée au Portugal : diminution du nombre de fonctionnaires, allongement de leur temps de travail de 35 à 40h par semaine, diminution de 5% de leur traitement pour ceux qui touchaient plus de 1500 euros par mois, mais aussi toute une série de mesures très rudes qui a rendu la santé, les transports ou tout simplement le coût de la vie beaucoup plus cher pour la plupart des citoyens.
Mais est-ce que cette politique d’austérité marche ?
C’est une question très politique. Si on essaie de classer les pays qui ont vraiment appliqué des politiques d’austérité : il y a l’Irlande, l’Espagne ou les Pays baltes qui flambent où la croissance dépasse en général les 3%. Il y a ceux où ça n’a pas marché, pour des tas de raisons, comme la Grèce. Et puis il y a le cas du Portugal : en positif, il y a un net redressement des comptes publics, le déficit sera même revenu sous la barre des 3% cette année, la croissance est enfin revenue, moins forte que dans l’Espagne voisine, mais plus forte qu’en France. Le chômage commence à diminuer, il est passé de plus de 15% à 12,5%. Donc, il y a, c’est incontestable du mieux. Tous ces efforts ont fait que le Portugal est redevenu compétitif. Ses exportations dans le monde atteignent 40% du PIB, un poids inégalé même avant la crise. Et les entreprises étrangères, comme BNP-Paribas, reviennent ou investissent à nouveau au Portugal. Seul point noir, la dette, dont le poids reste considérable.
Cette amélioration explique qu’il n’y a pas eu de tremblement de terre politique hier soir au Portugal ?
C’est une explication, sans aucun doute, mais soyons honnêtes, ça n’est pas la seule. D’abord parce que de nombreux Portugais n’ont pas encore senti une nette amélioration de leur vie quotidienne, cette réalité là se lit d’ailleurs dans la montée en puissance de la gauche radicale qui dépasse les 10%. Mais je crois qu’il y a une autre raison : c’est aussi le Parti socialiste qui a été battu hier : les socialistes n’ont pas réussi à incarner une politique alternative crédible, une sorte d’austérité plus douce. Les Portugais ont eu peur de ruiner les efforts qu’ils avaient consentis. Et c’est un signal qu’a observé avec beaucoup d’intérêt la droite espagnole voisine au pouvoir, à quelques semaines d’élections décisives. Ce qui a valu au Portugal hier soir, vaudra-t-il demain pour l’Espagne ? On peut simplement dire que jusqu’ici, la crise et ses effets dramatiques n’ont pas beaucoup profité aux partis de gauche en Europe.
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