Le décryptage éco. Quel rapport Valls entretient-il avec l'économie ?
Quel rapport Manuel Valls entretient-il avec l’économie : quelle est vraiment sur ce sujet sa sensibilité, son logiciel, et son positionnement au début de cette campagne ? Le décryptage de Vincent Giret.
L’économie n’est pas son fort, ni sa tasse de thé. Manuel Valls a fait des études d’histoire, il entre dans la politique par le militantisme étudiant, et très vite par la communication politique. L’économie, même encore aujourd’hui n’est pas le domaine où il sent le plus à l’aise.
Manuel Valls s’est choisi des mentors, à commencer par Michel Rocard, et plus tard Dominique Strauss-Kahn, qui appartiennent à la deuxième gauche, une gauche réformiste qui voulait dépasser le vieil âge idéologique dans lequel la gauche s’était enfermée. C'est donc une gauche qui s’intéresse moins à l’idéologie qu’au réel et aux conditions de le transformer, une gauche qui veut agir dans le cadre d’une économie de marché, une gauche qui croit en la société civile, et donc davantage au contrat qu’à la loi.
L'économie comme outil pour se singulariser
Manuel Valls a ainsi utilisé l’économie pour affirmer son rapport au réel, pour se singulariser, pour se faire une place : il a utilisé les totems ou les tabous de la gauche en économie pour transgresser et affirmer ce qu’il appelle une gauche du XXIe siècle.
Cela se voit très clairement lors de la campagne des primaires de 2012, il fait ainsi entendre sa différence, sur les 35 heures, sur l’ISF, comme il le fera ensuite sur l’entreprise et sur la nécessité de moderniser à la fois la doctrine économique de la gauche et sa pratique du pouvoir. Il ira jusqu’à penser que le mot socialiste est devenu daté, galvaudé et qu’il faut en changer pour affirmer à nouveau rapport au monde. Même Michel Rocard n’avait pas apprécié.
Je fais le pari que l'économie occupera une place minimale dans son programme pour au moins trois raisons.
1. Le risque de la division. L’économie est aujourd’hui, le sujet qui divise le plus profondément la gauche. La clarification à chaud n’est pas possible où alors elle fait exploser la primaire.
2. Le besoin de rassembler. Manuel Valls veut rassembler, on l’a bien entendu lundi. Son slogan écrit en gros sur le pupitre était "Faire gagner tout ce qui nous rassemble". Et tout ce qui rassemble les socialistes aujourd’hui revient à rechercher le plus petit dénominateur commun, et là il n’y a pas de place pour l’économie.
3. Le fardeau du bilan. Parler d’économie, c’est prendre le risque pour Manuel Valls de se voir ramener au bilan du quinquennat, plutôt médiocre en la matière. D’autant que Manuel Valls reste sur le fond extrêmement critique sur les deux premières années de la présidence Hollande, qui ont selon lui plombé le quinquennat mais il ne le dira surtout pas, pour pouvoir justement tenter de rassembler.
La question sociale plutôt que la question économique
Manuel Valls a signé le 23 novembre une tribune très critique sur la mondialisation. C’était au lendemain de l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis et dans le quotidien Les Echos. Et cette tribune, inédite pour lui, donne un fil pour comprendre le positionnement de Manuel Valls pour cette campagne.
La cohésion et la protection sociale seront prioritaires pour lui dans les semaines qui viennent. Avec le Brexit, puis la victoire de Trump, et dimanche l’échec de Renzi en Italie, c’est le grand retour de la question sociale : la mondialisation et la crise économique ont fait beaucoup de perdants dans les pays développés, dans les couches populaires et les classes moyennes.
C’est ce thème là que Manuel Valls veut à son tour préempter : il veut répondre à cette insécurité sociale et à cette peur du déclassement. On l’a entendu lundi soir, où il ne fut quasiment pas question d’économie, évoquer un besoin de nouvelles sécurités pour les salariés et un besoin de cohésion sociale. Ce sont ces thèmes là qu’il développera dans les jours et les semaines à venir, notamment avec l’idée d’un revenu universel.
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