Le décryptage éco. L’obtention d'une étoile au Michelin est-elle vraiment rentable pour un chef ?
Le guide Michelin livre lundi son palmarès. Un verdict attendu avec impatience, et parfois angoisse, dans le monde de la gastronomie.
C’est un moment attendu avec beaucoup de fébrilité dans le monde de la gastronomie. L'édition 2018 du guide Michelin et sa sélection de restaurants étoilés seront dévoilées lundi 5 février à 16h30. Recevoir une étoile et être primé par ce guide qui existe depuis plus d’un siècle, c’est comme obtenir un César au cinéma. C’est une reconnaissance qui met en avant votre cuisine, et c’est une notoriété assurée qui attire les clients. Sans surprise, cela dope les affaires.
Un économiste a fait le calcul. Olivier Gergaud, professeur de la Kedg Business School, estime que le chiffre d’affaires augmente de manière impressionnante, avec une progression de 80% dans les trois ans qui suivent la promotion du restaurant. Mais les étoiles font flamber aussi les additions, de +27 % en moyenne, car les chefs augmentent leurs prix.
Des étoiles lourdes à assumer
Pourtant, certains chefs ne veulent pas entrer dans la course aux étoiles. On se souvient du coup de tonnerre provoqué par la demande du chef trois étoiles Sébastien Bras, du restaurant Le Suquet à Laguiole (Aveyron). Il ne voulait plus être référencé par le petit guide rouge. Avant lui, il y en a eu d’autres qui avaient rétrocédé leurs étoiles, parmi lesquels Joël Robuchon ou encore Olivier Rollinger.
En réalité, cela met beaucoup de stress sur les restaurants. Olivier Gergaud montre qu’il faut être à la hauteur des attentes implicites du guide, mais aussi des clients qui deviennent plus exigeants. Et que le Michelin incite les chefs à accumuler beaucoup de capital pour atteindre mais aussi maintenir un standing en salle et en cuisine.
400 000 euros d'investissements pour une étoile
Pour y arriver, ils sont obligés d’augmenter leurs coûts de production alors que les gains en rentabilité, au final, restent assez contenus. L’économiste estime que le bénéfice n’est pas aussi intéressant qu’on pourrait l’imaginer. Il a fait un calcul, à partir des comptes sur plusieurs années des restaurateurs primés. Selon lui, il faut plus de 200 000 euros d’investissements pour espérer entrer dans le guide, jusqu'à 400 000 pour être au niveau d’une étoile, et plus d'un million pour les deux ou trois étoiles. Ce sont évidemment des moyennes.
Par investissements, il faut comprendre le cadre du restaurant, le lieu géographique, le bâtiment, le mobilier, la vaisselle, la qualité de la cave, etc. Tout ça, c’est de l’investissement étalé sur plusieurs années. Comme un particulier, quand vous achetez un logement, vous remboursez sur 15, 20, 25 ans. Sauf que si quelques années après vous perdez votre étoile, c’est le drame. Votre réputation se déprécie, votre clientèle change, les prix baissent mais les charges continuent de courir.
Un impact psychologique fort
Être primé est donc à double tranchant et ce n’est pas sans incidence sur le modèle économique. Sans oublier les conséquences psychologiques sur les chefs et leurs équipes, qui peuvent nuire à la créativité. D’ailleurs, cette année, à la différence des éditions précédentes, les nouveaux deux et trois étoiles ne seront pas prévenus avant l'annonce des résultats, pour préserver le suspense. Mais ceux qui perdent des étoiles seront mis au courant au préalable pour qu’ils se préparent au choc.
Précisons que la marraine cette année est la chef Anne-Sophie Pic, seule femme à la tête d'un restaurant trois étoiles en France.
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