Le décryptage éco. Le rapprochement Alstom/Siemens, les doutes de la Commission
La Commission européenne émet des réserves sur la fusion Alstom/Siemens. On est encore loin de la naissance d'un champion du rail européen. Le décryptage de Fanny Guinochet ("L'Opinion").
Ce n’est pas gagné pour la création d’un champion du rail européen. La Commission européenne émet des réserves sur la fusion Alstom-Siemens. La Commission avait déjà laissé entendre que le rapprochement entre le Français Alstom et l’Allemand Siemens lui inspirait des inquiétudes mais là, elle l’a inscrit noir sur blanc dans un document qu’on appelle une "communication des griefs". C’est dans le jargon bruxellois : une sorte d'acte d'accusation, comme un avertissement. L'une des missions de la Commission européenne est de limiter les positions dominantes et dans ce dossier, elle craint que la création d'un géant européen du rail ne tue la concurrence sur le marché du ferroviaire, parce que selon elle, la nouvelle entité Alstom/Siemens bénéficierait "d'une part de marché trois fois plus élevée que celle de son concurrent le plus proche", ce qui risque d’occasionner une "hausse des prix", une "diminution du choix" et un "recul de l'innovation".
La position d'Alstom et Siemens
Ils ont dix jours pour répondre aux inquiétudes exprimées par Bruxelles. En même temps, ce n’est pas une surprise, les deux entreprises s’attendaient à ces griefs
Pour obtenir le feu vert de la Commission, Alstom comme Siemens vont sans doute devoir céder des actifs, pour "mincir", c’est-à-dire diminuer leur part de marché dominante. En fait, il s'agit d'un scénario somme toute classique pour les cas de concurrence européenne. Souvenez-vous, l'Allemand Bayer avait dû céder la quasi-totalité de son activité dans les semences à son concurrent BASF pour être autorisé à acquérir l'Américain Monsanto.
Un coup dur pour l’Europe industrielle
L'idée est bien de créer un géant du rail européen, sur le modèle de ce qui a été fait avec Airbus. Un géant qui doit permettre à l’Europe de se positionner dans la compétition mondiale, face notamment aux Etats-Unis et aux acteurs chinois. La fusion Alstom/Siemens devrait donner lieu à un groupe dégageant plus de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec 65 000 salariés et actifs dans 60 pays différents. Une taille nécessaire, selon les deux entreprises, pour espérer s’imposer face au Canadien Bombardier mais surtout au mastodonte chinois Crrc. D’où le paradoxe : pour espérer rivaliser avec les concurrents internationaux, il faut créer des groupes suffisamment puissants mais en même temps, il ne faut pas que les firmes soient trop grosses, sans quoi la Commission européenne met son véto.
La Commission peut s’opposer à la fusion Alstom/Siemens
Elle s'est donnée jusqu'au 28 janvier pour rendre son avis sur l’alliance Alstom/Siemens.Cet été, la Commission a ouvert une enquête, qu’elle va poursuivre d’ici cette date. Il faut voir ce que va donner cette investigation, surtout dans un contexte où les déboires financiers de General Electric sont en partie attribués à l’acquisition d’Alstom en 2015. En attendant, les deux entreprises se disent confiantes dans la possibilité de finaliser leur opération, comme prévu, au premier semestre 2019.
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