Le décryptage éco. Edouard Philippe peut-il vraiment geler les tarifs d'électricité et de gaz ?
Retour sur les annonces d'Edouard Philippe en matière d'électricité et de gaz. Le gouvernement peut-il si facilement geler les tarifs de l'énergie ? Le décryptage de Fanny Guinochet ("L'Opinion").
Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé mardi 4 décembre un gel des hausses des tarifs de l’électricité et du gaz cet hiver. Ces tarifs avaient beaucoup augmenté : 35% de plus en dix ans pour l’électricité. Et les prix devaient encore grimper en 2019 et 2020. Une hause qui s'explique notamment par la progression des prix de l'électricité sur les marchés de gros.
Les associations pariaient sur des hausses à venir jusqu’à 10 % de plus pour les consommateurs. Plus de 25 millions de foyers risquaient d’être impactés. D’où la crainte du gouvernement.
En matière de gaz, c’est pire encore, puisque les prix ont pris quasiment 20% de plus en un an seulement ! Ils sont en partie indexés sur les cours du baril de pétrole, dont le prix a explosé cette année. Et même si le gaz a légèrement baissé ces derniers jours, ce n’était pas suffisant pour calmer le ras-le-bol, d’où le moratoire annoncé par le gouvernement ce mardi.
Une marge de manœuvre minime
Pour le gaz et l’électricité, on parle de tarif réglementé, mais le gouvernement a-t-il vraiment la main ? Non, et il ne faut pas se leurrer, le gouvernement fait un geste en gelant les tarifs pour quelques mois, mais ça ne pourra pas durer. En réalité, sa marge de manœuvre est minime. Les fixations des prix de l’énergie se font selon des formules de calcul complexes qui comprennent plusieurs choses, comme le coût de l'électricité nucléaire, les prix du marché, les coûts d'acheminement. Autant d’éléments sur lesquels le gouvernement n’a pas forcément la main. De plus, l’évolution des tarifs en France passe par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Selon les données actuelles du marché, cette commission peut difficilement préconiser autre chose qu’une hausse. Et dans les faits, le gouvernement a trois mois pour repousser les préconisations de cette instance. Il pourra donc utiliser ce délai pour reporter la hausse à venir en mars, période où les ménages consomment moins d’électricité, mais pas vraiment au-delà.
En d’autres termes, si le gouvernement peut étaler les augmentations prévues par la loi, il ne peut pas déterminer un prix régulé de l'énergie totalement déconnecté du marché.
Risque juridique pour le gouvernement
Le gouvernement peut être attaqué devant les tribunaux par les concurrents d’EDF. Ces entreprises peuvent lui reprocher de maintenir les prix réglementés artificiellement bas, pour protéger les parts de marché des opérateurs traditionnels. Il est déjà arrivé plusieurs fois ces dernières années que le Conseil d’Etat donne raison à ces fournisseurs alternatifs.
Du coup, les pouvoirs publics ont dû procéder rétroactivement à des hausses de tarifs du gaz et de l’électricité. En 2016, EDF avait dû réclamer un milliard d’euros à ses clients, après un gel en 2014 des tarifs décidé par le gouvernement.
Ce risque est loin d’être nul aujourd’hui : les opérateurs disent déjà veiller au grain. Mais on l’aura compris, pour le moment, le gouvernement cherche surtout à gagner du temps et à calmer la colère.
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