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Le décryptage éco. Air France-KLM : y a-t-il un problème Ben Smith ?

Tension entre la France et les Pays-Bas après l'entrée de l'État néerlandais au capital d'Air France-KLM par rachat d'actions. Certains font le parallèle avec le dossier Renault-Nissan.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Cugny
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Deux avions, l'un aux couleurs de la KLM et l'autre, en premier plan, aux couleurs d'Air france. (AFP)

Le ton est monté d’un cran mercredi 27 février entre la France et les Pays-Bas après l'entrée de l'Etat néerlandais au capital d'Air France-KLM par rachat d'actions. Le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé à l'Etat néerlandais de clarifier ses intentions. Sur le plan strictement industriel, certains observateurs n’hésitent pas à faire un rapprochement avec le dossier Renault-Nissan.

Le sous-entendu est assez clair : les Néerlandais ont-ils peur d’un nouveau patron français aux dents longues ? Toutes proportions gardées, Benjamin Smith versus Carlos Ghosn. La comparaison est audacieuse mais dans les grands accords industriels, les affaires d’hommes ne sont jamais très loin. En réalité, il y a au moins deux causes de tension : la gouvernance et les résultats financiers.  

Garantir les intérêts de KLM 

Le gouvernement néerlandais veut peser sur l’avenir de la compagnie aérienne. Il s’agit de garantir les intérêts de KLM. Car l’influence d’Air France sur son partenaire KLM chauffe de plus en plus les esprits aux Pays-Bas. Pour ce qui est des résultats, par exemple, en termes de chiffre d’affaires, Air France pèse plus lourd que KLM : seize milliards en 2018 contre onze milliards pour les Néerlandais. Mais KLM, qui n’a qu’un tiers des effectifs totaux, a porté l’an dernier 80% du résultat d’exploitation – le bénéfice – de l’ensemble de l’alliance. Air France dépensière mais KLM économe et dont les efforts permettent de porter l’ensemble du groupe : inconcevable aux yeux des néerlandais. Sans parler des récentes lourdes grèves des pilotes côté français. Ce facteur a pesé dans un climat de défiance qui existe en réalité depuis 2003, quand Air France a scellé l'alliance avec KLM. Dès le début de l’aventure, certains experts avaient averti que les différences culturelles entre les deux groupes seraient difficiles à surmonter : entre une structure d’entreprise fortement hiérarchisée en France et plus décentralisée aux Pays-Bas. 

Facteur humain

Il s’agit de la première grosse tension rendue publique entre le tout nouveau patron d’Air France, le canadien Benjamin Smith, en poste depuis septembre, et le directeur général de KLM, Pieter Elbers. Benjamin Smith voulait s’imposer au conseil de surveillance de KLM pour prendre la main sur les grandes décisions stratégiques. Il y est parvenu mais sur un coup de force. Il avait menacé de ne pas renouveler le mandat du directeur de KLM. Un accord est intervenu mais les séquelles du bras de fer sont restées.  

La gestion s’annonce difficile  

Ces récents démêlés ont fortement déplu dans le camp néerlandais. De quoi rendre l’ambiance exécrable et compliquer la gestion future de l’entreprise. De là à faire un parallèle avec le dossier Renault-Nissan, dans lequel le partenaire japonais a jugé disproportionnées l’influence et les ambitions de Carlos Ghosn… Comparaison n’est pas raison. Mais cela pose de nouveau la question de l’attitude et de la stratégie industrielle de l’Etat français avec d’anciennes entreprises publiques dans lesquelles il conserve une part au capital. Sans parler des méthodes de certains dirigeants d’entreprises : peut-être trop arrogantes et insuffisamment diplomates.

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