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La guerre des compagnies aériennes

Pendant la grève des pilotes d’Air France, le combat continue entre les compagnies aériennes. Certains profitent même de l’occasion pour lancer de grandes manœuvres. Et Air France ferait bien de se méfie.,
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

J’avais demandé un jour à Franck Riboud de définir en trois mots, la culture d’entreprise de Danone : à ma grande surprise, il m’avait répondu ceci : « Le jeu de jambes ». Cette manière de se tenir aux aguets, sur ses gardes, comme un joueur de basket ou de volley, prêt à bondir d’un côté ou de l’autre. Comme si face aux poids lourds que sont parfois les vieilles entreprises, la capacité à se mouvoir très vite, l’agilité, était devenue la vertu décisive. Il y a une entreprise qui cette semaine a appliqué à la lettre ce précepte cher à Franck Riboud : c’est Ryanair, la compagnie low cost irlandaise. Comme sa rivale britannique EasyJet, Ryanair a su pleinement profiter des déboires d’Air France, à demi paralysée par une grève dure de ses pilotes comme l’entreprise n’en n’avait pas connue depuis plus de 15 ans.

Ryanair afficha partout ses tarifs canons et ses réservations bondirent de plus de 12%. Une aubaine qui lui permit de s’offrir une belle publicité et de grappiller des parts de marché en séduisant une clientèle haut de gamme attachée jusqu’ici par fidélité au standing d’Air France. Le pdg de Ryanair a annoncé hier qu’il révisait à la hausse les prévisions de bénéfice net de la compagnie en raison d’une augmentation sensible du nombre de ses passagers, soit 87 millions de personnes cette année, ce sera donc un million de plus que l’an passé, lui permettant ainsi de conforter son statut de première compagnie européenne.

Mais Ryanair a surtout profité de la grève d’Air France pour pousser son avantage et lancer une redoutable offensive commerciale

Depuis sa création en 1985, Ryanair fonctionnait en vase clos : impossible d’acheter un billet de la compagnie par le biais d’un tiers, une agence ou un réseau de revente. « Pendant des années, j’ai dit « Jamais », il faudrait me passer sur le corps », s’est amusé le pdg Michael O’Leary. Et puisqu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, le patron de Ryanair vient de conclure un accord de partenariat avec Amadeus, numéro un mondial de la réservation de voyages. C’est un virage stratégique majeur qui va frapper de plein fouet la compagnie Air France. Dominatrice sur le low cost, Ryanair n’a qu’une idée en tête, ravir aux grandes compagnies traditionnelles la clientèle haut de gamme, la plus lucrative. Déjà, en août, elle avait lancé une option Ryanair Business Plus, plus chère que ses offres ordinaires, proposants des services privilégiés comme un embarquement prioritaire ou des sièges plus confortables.

Air France est comme prise au piège ?

Tout à fait, d’un côté, la folle insouciance des pilotes d’Air France obnubilés par la défense de leurs intérêts catégoriels, empêchent la compagnie de se développer partout en Europe sur le segment du loisir et du low cost ; de l’autre, les compagnies championnes du transport aérien à bas coût, comme Ryanair, s’attaquent au magot des voyages d’affaires qui ont fait la fortune d’Air France. La concurrence sera terrible. Voilà qui ne va pas manquer d’aviver encore les plaies d’un conflit social qui a divisé comme jamais les salariés d’Air France.

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