Ikea doit des impôts en Europe, que fait l'UE ?
On peut se poser la question puisque les scandales se multiplient, aujourd’hui c’est Ikea, mais hier c’étaient des entreprises américaines, mais aussi européennes, qui avaient été montrées du doigt, Apple, Amazon, McDonalds, mais aussi l’allemand BASF ou des multinationales belges. Des dizaines, sans doute même plusieurs centaines d’entreprises se jouent des législations nationales en signant des accords secrets, qu’on appelle des "rescrits fiscaux" avec certaines administrations, le plus souvent il s’agit des Pays-Bas, de la Belgique et de l’incontournable Luxembourg. La difficulté, c’est que ces accords fiscaux sont secrets mais légaux. En fait, on a eu une situation où certains Etats affirment officiellement jouer le jeu collectif, le jeu de l’Europe, et en fait négocient secrètement des accords fiscaux avantageux. En matière fiscale, c’est chacun pour soi, et le plus malin qui l’emporte. Voilà comment cela a fonctionné pendant des années.
Et ça peut vraiment changer ?
Oui, vraiment, je le crois, parce qu’il y a des signes tangibles et enfin plus de volonté politique qu’autrefois. Il a fallu des révélations fracassantes, faites par la presse, pour dénoncer ces pratiques fiscales, prendre à témoin l’opinion et les députés européens. Du coup, il y a eu trois niveaux d’actions :
1 - D’abord au niveau international avec le G20 et l’organisation de l’OCDE, qui réunit les pays les plus riches. Ils font désormais la chasse aux paradis fiscaux et ont décrété l’échange obligatoire d’informations entre les Etats.
2 - Au niveau européen, avec une obligation désormais de transparence de chacun des Etats : les accords avec les entreprises ne pourront plus être secrets, et cette transparence va permettre de réduire drastiquement ces pratiques.
3 – Enfin, toujours au niveau européen, la Commission a engagé des procédures contre des dispositifs qu’elle a jugé illégaux, au Luxembourg, aux Pays-Bas, et aussi en Belgique où elle a ainsi dénoncé un dispositif qui avait permis à une trentaine de multinationales de bénéficier d’énormes ristournes fiscales. Ces entreprises devront payer au total quelques 700 millions d’euros d’impôts en guise de réparation. Bref, il n’y a plus d’impunité.
Donc ces ententes vont disparaître ?
Ne soyons pas naïf, faute d’harmonisation réelle, la concurrence fiscale va se poursuivre, mais elle se fera plus au grand jour et donc les pratiques type Ikea vont devenir de plus en plus difficiles. En fait, la mondialisation économique s’est développée depuis la fin des années 1980 sans qu’une forme de mondialisation politique et surpranationale ne se développe en parallèle. Mais avec la crise, les Etats perdants ont décidé de passer à l’offensive et de refuser le dumping fiscal. L’Europe a une occasion rêvée de montrer son utilité à tous ceux qui pensent qu’elle ne fait rien, ou que la solution passerait par le seul repli national. On voit bien que sur ce sujet-là, comme sur bien d’autres, seul d’avantage d’Europe, davantage de coopération, davantage d’harmonisation pourraient venir à bout de cette concurrence fiscale déloyale. Nous ne sommes plus dans un monde où l’Etat national peut régler seul ce genre de problèmes.
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