Des milliards de données sur la santé des Français rendues publiques
L’article 47 du projet de loi Santé, dont on a très peu parlé jusqu’ici, va permettre, - écoutez bien – de rendre publiques les milliards d’informations détenues par la caisse d’assurance maladie sur tous les Français. Vous et moi. Tout ce qui est écrit sur les feuilles de soins, les prises de médicaments, les données médico-sociales, les fiches d’hospitalisation, éventuellement les causes de décès, toutes ces données vont être accessibles, bien évidemment après avoir été rendues anonymes sans possibilité aucune d’être identifiées. C’est tout simplement révolutionnaire, l’idée même avait soulevé des levées multiples de boucliers, de la part de la sécurité sociale, des médecins, des défenseurs de la vie privée, souvent pour de très mauvaises raisons, mais finalement, et c’est la prouesse de ce projet de loi, un consensus laborieux a été trouvé.
Mais à quoi sert de rendre public toutes ces données ?
La santé en France rentre enfin dans l’ère du big data. On va regrouper ces milliards d’informations sur le même système informatique, qu’on appelle le système national des données de santé. Avec la nouvelle puissance des ordinateurs et des algorithmes, ce qu’on appelle le big data va permettre d’analyser ces données, d’établir des séries, des correspondances, des typologies, prévoir avec une quasi-certitude des évolutions, permettre des anticipations jusqu’ici impensables. Notre système de santé était une énorme boîte noire, et bien ce sera bientôt un champ de données à ciel ouvert : d’un coup d’un seul, la prévention, le suivi des épidémies, la prescription et l’effet des médicaments et des actes médicaux, les pratiques médicales sur tout le territoire, tout va être enfin évalué, disséqué, analysé quasiment en temps réel. Notre système de santé va rentrer dans une nouvelle ère, celui de l’évaluation permanente, et Dieu sait que ce n’était pas sa culture.
C’est le système de santé qui va pouvoir être piloté, désormais…
Absolument. On pourra mesurer y compris la mise en place des réformes et surtout leur efficacité. C’est aussi pour ça qu’il a fallu convaincre tout le monde. Mais il n’y aura pas de retour en arrière. Le mouvement a été lancé aux Etats-Unis et en Grande Bretagne et tout le monde va suivre. D’autant que ces fameuses données ont vocation à se multiplier. Dans cinq ans seulement, on estime qu’il y aura 50 fois plus de données de santé qu’aujourd’hui. L’apparition des objets connectés va les décupler. Sachez qu’on aura peut-être bientôt dans notre corps, des petits capteurs qui enverront par exemple des informations en temps réel sur notre formule sanguine, pour détecter telle ou telle évolution avant même par exemple que se déclenche un accident cardiaque. Et puis enfin, les médecins et les hôpitaux n’y échapperont pas non plus à cette révolution des données, eux aussi seront un jour évalués, publiquement. Quand je vous parlais de révolution…
**Vincent Giret, du journal Le Monde.
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