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Le débrief politique. 22 marcheurs pour un gouvernement resserré, ouvert et... un peu trop pluriel ?

Des novices connus et moins connus, un équilibrage politique et beaucoup de réactions après l'annonce du gouvernement d'Édouard Philippe... Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actualité politique de mercredi 17 mai avec Yael Goosz.

Article rédigé par franceinfo, Yaël Goosz
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Nicolas Hulot, le 17 mai au ministère de l'Environnement à Paris, lors de la passation de pouvoir avec Ségolène Royal. (MAXPPP)

Les statistiques 

C'est un débrief spécial Philippe 1er, ce mercredi 17 mai, quelques heures après l'annonce du premier gouvernement d'Édouard Philippe. C'est la 40e équipe nommée depuis les débuts de la Ve République. Sur le perron de l'Élysée, Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, a égrené les 22 noms : 18 ministres de plein exercice dont trois ministres d'État et quatre secrétaires d'État. C'est donc une équipe resserrée puisque les gouvernements précédents dépassaient allègrement la barre des 35 noms. Enfin, la parité est scrupuleusement respectée avec 11 femmes et 11 hommes. 

Avant de parler des profils politiques, intéressons-nous à la promesse qui était celle d'Emmanuel Macron. Il voulait un tiers de société civile et finalement c'est plus que prévu avec 11 professionnels de la politique et 11 nouveaux profils.

Hulot et les autres

Parmis les novices, il y a le symbole Nicolas Hulot, bombardé ministre d'État à la Transition écologique et solidaire. "L'homme qui murmurait" à l'oreille de Chirac, l'architecte du Grenelle de l'environnement de Nicolas Sarkozy, l'envoyé spécial pour la protection de la planète de Hollande, a été maintes fois courtisé mais n'avait jamais franchi le pas jusqu'à présent. Il a dit "oui" à Emmanuel Macron mais son défi est immense. Il lui faudra se faire entendre et gagner les arbitrages face au super Bercy tenu par la droite avec Bruno Le Maire et Gérald Darmanin mais aussi face à Édouard Philippe qui a voté contre les lois de transition énergétique et biodiversité.

Elle aussi est connue : la nouvelle ministre des Sports est l'épéiste Laura Flessel. En revanche, les neuf autres sont bien moins connus du grand public : une femme médecin à la Santé (Agnès Buzyn), une directrice de maison d'édition à la Culture (Françoise Nyssen), un fin connaisseur du Mammouth à l'Éducation nationale (Jean-Michel Blanquer, un proche d'Alain Juppé), une présidente d'université à l'Enseignement supérieur (Frédérique Vidal), une ancienne cadre supérieure (Muriel Pénicaud, passée par le cabinet de Marine Aubry), la patronne de la RATP aux Transports (Elisabeth Borne, elle a travaillé auprès de Jack Lang, de Lionel Jospin et de Ségolène Royal), une bloggeuse à l'Égalité hommes femmes (Marlène Schiappa) , une présidente d'association et mère d'un enfant trisomique est secrétaire d'état aux personnes handicapées (Sophie Cluzel) et un créateur de start-up chargé du numérique (Mounir Mahjoubi).

Équilibrage politique 

Dans ce gouvernement, il y a également les équilibres politiques. Une pincée de radicaux de gauche avec Annick Girardin qui fait le pont entre les deux quinquennats, passant de la Fonction publique aux Outre-mer. Une cuillerée de socialistes qui ont voulu marcher très tôt : Gérard Collomb, Jean-Yves Le Drian et Richard Ferrand. Un bol de MoDem avec François Bayrou à la Justice, Marielle de Sarnez aux Affaires européennes et Sylvie Goulard (ex-MoDem) aux Armées, une première depuis Michèle Alliot-Marie. Enfin, pour napper le tout, l'ingrédient décisif : deux belles prises de guerre à droite chez Les Républicains : Bruno Le Maire et Gérald Darmanin se partagent Bercy. C'est un petit débauchage mais ces deux nouveaux ministres auront un pouvoir très important au sein du gouvernement, ils tiendront les cordons de la bourse. Il suffit de lire la liste de leurs attributions sachant qu'il n'y aura pas de secrétaire d'État.

Compliments et invectives sur les réseaux sociaux

Cette vitrine annoncée du quinquennat Macron ne laisse pas indifférent. Sur les réseaux sociaux. Ce gouvernement est trop à gauche pour la droite et trop à droite pour la gauche. 

Chez Les Républicains, on minimise l'arrivée et le ralliement de Bruno Le Maire et de Gérald Darmanin. François Baroin "regrette" leurs choix et tempère : ça ne remet pas en cause "les liens d'amitié" qu'il a pour eux. 

Jean-Luc Mélenchon a aussi sévèrement critiqué les nouveaux ministres depuis Marseille où il déposait officiellement sa candidature pour les législatives : "Ils sont entre eux. Ceux de droite se retrouvent là. Les plus gros requins ont mangé les plus petits, c'est assez traditionnel. Les deux sujets les plus frappants et les plus inquiétants sans doute, c'est le Premier ministre nucléariste et la présence de Nicolas Hulot qui pour nous est un crève-cœur."

À gauche, côté PS, on dénonce un faux renouvellement.

Ce que conteste Aurore Berger, la candidate En Marche dans les Yvelines. Sur twitter, elle parle d'une "recomposition sans précédent" dans laquelle "la parité est respectée".

Passations et émotions

Après les annonces, les passations de pouvoir.  Les uns arrivent, les autres partent. Ce mercredi, on a vu l'émotion entre les socialistes de l'ouest, Jean-Marc Ayrault et Jean-Yves Le Drian au Quai d'Orsay, mais aussi entre Matthias Fekl le jeune et Gérard Collomb l'ancien à Beauvau. À la chancellerie, François Bayrou, le nouveau ministre de la Justice, qui remplace Jean-Jacques Urvoas, a promis de défendre la justice : "Trop souvent, des attaques sont portées contre ces décisions, contre ces procédures, je m'inscrirai en défense", a déclaré le nouveau garde des Sceaux, en référence notamment aux attaques de François Fillon durant la campagne présidentielle. 

Autre temps fort de cette journée : le passage de témoin entre Ségolène Royal et Nicolas Hulot. "Chère Ségolène, Madame la ministre, j'ai entendu dire que j'allais vous remplacer. Ce n'est pas possible parce que vous êtes tout bonnement irremplaçable, Ségolène", a déclaré le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire.

Cette liste est définitive. Il n'y aura pas de deuxième vague. Sauf, peut-être après les législatives : en cas de défaite, toute cette équipe provisoire sera remplacée. Et puis la consigne c'est que tout ministre candidat battu aux législatives devra démissionner. Bruno Le Maire n'aura pas la partie facile, chez lui, dans l'Eure.

Bref, un gouvernement resserré, pluriel et ouvert sur la société civile mais qui contient en germes des risques de conflits. Bon courage pour les arbitrages. Quelle relation entre le pôle Bercy piloté par la droite et le pôle écologie incarné par Nicolas Hulot ? Tout reste à écrire. 

"Au travail !"

Le premier conseil des ministres se tient ce jeudi à 11h. Ce sera plutôt une réunion de briefing. Le président de la République et le Premier ministre rappelleront quelles sont les grandes priorités et la méthode selon laquelle ils souhaitent gouverner. Le mot d'ordre c'est la collégialité. Chaque talent doit être mis au service de la réussite collective comme le résume déjà l'entourage d'Emmanuel Macron. En clair : pas question de voir une tête dépasser. La loi de moralisation de la vie publique sera présentée avant les législatives, il faut prendre le temps de l'écrire, souffle-t-on du côté du palais.

Pour mettre le travail sur le métier, Emmanuel Macron compte aussi pratiquer le "spoils system", littéralement "le système des dépouilles". La pratique vient des États-Unis : quand on arrive au pouvoir, on débarque les hauts fonctionnaires qui pourraient être tentés de freiner les réformes. Pas encore de calendrier là-dessus. 

À court terme, il faut aussi être au front pour les législatives. Édouard Philippe et son équipe ont besoin d'une majorité pour gouverner. Tous les ministres sont appelés à participer à la bataille. Selon les informations de franceinfo, Emmanuel Macron, en personne, pourrait mouiller la chemise en tenant un meeting comme l'avait fait François Mitterrand en 1981.

La note du débrief : 1/22 pour la parité au gouvernement

La note ce mercredi ce n'est pas 1/20 mais 1/22 pour le seul poste régalien confié à une femme. Sylvie Goulard est ministre des Armées mais tous les autres gros postes et tous les ministères d'État sont tenus par des hommes. Parité dans le nombre mais non dans les fonctions.

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